28 092

068 – Les dynamiques actuelles

Lorsque nous désignons quelque chose nous le faisons exister… dans notre expérience. Que ce soit un objet matériel, que ce soit un sentiment, que ce soit une idée, que ce soit une situation, un monde, l’univers, ou même notre individualité et celle des autres et aussi tout ce que nous nommons comme animaux, plantes, matériaux, institutions, catégories, espèces, projets, croyances, etc. Nous en faisons à chaque fois un objet de considération. Et de ce que nous avons désigné il peut nous venir cette question : d’où cela provient-il, qu’est ce qui le fait exister ainsi, comment pourrait on en changer quelque chose ?

Ce qui se présente ainsi, ce qui se place dans notre actualité, comme une actualité, presque comme un événement d’existence est comme le fruit d’une action, et d’un acte qui le réalisent et le rendent actuel. Dans la tradition d’Aristote on dirait, mais c’est bien sûr, cette chose est maintenant en acte.

Nous sommes là au coeur d’un conflit. Les choses s’expliquent-elles par elles-mêmes ou par d’autres choses ou bien par ce qui les faits advenir telles qu’elles nous apparaissent dans notre expérience et selon la variété des facettes de cette expérience. Or ce qui les fait advenir ce sont les conSensus, le partage de Sens des Instances humaines qui participent à cette expérience existentielle. Pour être plus simple et plus clair, ce qui existe dans notre expérience comme objet de considération, est la manifestation, l’expression de Sens en conSensus. Elle existe pour ceux qui le partagent et par ceux qui le partage. On pourrait dire que la chose, avant d’exister en acte, dans l’actualité, étaient en puissance dans les instances humaines. L’inconvénient c’est d’avoir un double monde celui des puissances et celui des actes or il n’y a pas de chose commune, la chose étant toujours dans l’existence même si cette existence est purement mentale ou aussi factuelle. Dans les Instances il n’y a que Sens et conSensus.

Pour préciser, le conSensus porte sur un ensemble de Sens, singulier, appelé aussi Cohérence. L’ensemble des Sens (centripète) contribue à la cohésion (centrifuge) des choses. Seulement, tel ou tel Sens prédominant, alors une orientation est donnée qui se traduit dans l’existence, par exemple sous le mode historique.

Ainsi le Sens dominant du conSensus explique l’existence de la chose considérée, l’oriente vers un devenir et une trajectoire existentielle, et participe éventuellement au bien humain. Chaque chose est ainsi entièrement déterminée par le conSensus et notamment son Sens dominant. Bien sûr, on peut en déduire que tout ce que l’on peut vouloir changer, transformer, réaliser dépend entièrement de ce qu’il peut en être du conSensus. L’intelligence symbolique a justement comme enjeu le travail sur le Sens. Elle renvoie au coeur de nous-même là où se trouvent les Sens des choses mais aussi à la participation de toute une communauté de conSensus sans laquelle rien n’existerait et par laquelle toute action doit passer.

Lorsque cet accès au Sens n’est pas disponible alors c’est l’intelligence des choses, leur finalité et les processus de changement qui ne restent accessibles qu’à tâtons, ou bien par le guidage de qui y aurait accès. L’ennui c’est la construction de systèmes explicatifs de l’existant par l’existant qui a pour but sinon pour effet de barrer l’accès à l’humanité de l’homme et du monde. Les choses ne sont pas ce qu’elles sont par elles-mêmes mais par conSensus.

Les croyances durement inculquées, sont tellement prégnantes que leur questionnement est lui-même évité, sinon suspecté. Par exemple, on dénoncera (subjectivement) la subjectivité des autres au nom d’une objectivité dont on se fait (subjectivement) le garant. Bien sûr il est recommandé de ne pas s’interroger sur les termes d’objectivité et de subjectivité et d’autres qui le mériteraient bien.

Précisons maintenant ce que sont les dynamiques actuelles. Il faut d’abord rappeler ceci. Ce qui est désigné comme objet de considération, quelque soit sa nature, son étendue, sa complexité et les circonstances de cette désignation, la réalité désignée est re-présentation d’une expérience première, celle du conSensus. Le conSensus s’actualise donc dans une expérience première dont la structure cohérencielle et les dimensions expérientielles sont posées. La « réalisation » procède par re-présentations ou modes de conscience qui augmentent la réalité première. Des couches de re-présentations successives font de l’objet désigné une construction existentielle complexe à partir d’une expérience première elle-même actualisation du conSensus. De ce fait nous aurons a distinguer d’abord une dynamique actuelle qui réalise l’expérience première et ensuite une dynamique existentielle qui fait évoluer, augmenter par exemple, les re-présentations et transformer la réalité. On parlera alors de dynamiques historiques. On verra en effet que les changements existentiels se produisent dans l’histoire mais que ce n’est pas le cas des dynamiques actuelles qui les instaurent.

Il est d’ailleurs à souligner que les Sens et conSensus ne se situent pas dans un espace temps quelconque, qu’ils sont donc intemporels comme les expériences premières non encore re-présentées. Ainsi les dynamiques actuelles ne sont pas dans le temps et ne résultent pas d’une quelconque succession de causes et d’effets.

Est-ce que pour autant les dynamiques actuelles sont de toute éternité ? L’actualisation des Sens en conSensus suppose une activation et cette activation est donnée par le fait du conSensus. Autrement dit le conSensus est la source non seulement des expériences premières et des réalités secondes mais il l’est dans le contenu et dans l’énergie qui les laisse apparaître comme puissances. L’actualisation du Sens, pré activé par le conSensus, donne à la réalité des choses son double mouvement, le mouvement d’exister et le mouvement de changement historique de l’existant.

Il n’y a pas d’autre source au mouvement que les dynamiques actuelles nées des conSensus, sauf à interroger : pourquoi en est–il ainsi et qu’est ce qui donne cette énergie au conSensus. Si l’homme par son humanité et ses conSensus donne son mouvement et sa consistance à toute réalité il les tiens de ce qui lui donne son humanité qu’il est invité à découvrir et à accomplir. Se révéler comme tel est ainsi la condition de cet accomplissement et l’enjeu de toute révélation. Mais cette révélation passe par l’expérience de la maîtrise des affaires humaines selon les principes de son humanité. Au lieu des pratiques qui se fondent sur un déni d’humanité, celles de l’intelligence symbolique visent simultanément une nouvelle maîtrise des affaires humaines et des réalisations humaines en vue de la révélation de cette humanité se réalisant. Ainsi la pensée et l’action n’ont qu’une seule fin, l’accomplissement de l’homme.

5 commentaires

  1. Bonjour
    Je ne comprends pas la phrase « L’ensemble des Sens (centripète) contribue à la cohésion (centrifuge) des choses ».
    Pourquoi ou en quoi l’ensemble des Sens est-il centripète et la cohésion des choses centripète ?

    • Cela anticipe sur des considérations que je n’ai pas encore développées ici. Si on regarde une carte des Sens représentant une Cohérence, chaque Sens est comme un vecteur centripète dans la mesure où tous les Sens sont divergents. Cela veut dire que pour ce qui est actualisation de quelque chose à partir de cette Cohérence des forces divergentes s’exercent ce qui pourrait faire penser à un éclatement. Or ce n’est pas ce qui se passe. Il faut considérer que l’actualisation d’un Sens va vers l’épuisement de l’activation de ce Sens (entropie) comme si ce qui est actualisé était ramené vers le centre. La cohésion de chose vient de cette convergence centrifuge donc. Ainsi si quelque chose va dans un Sens privilégié elle ne perd pas son origine dans la Cohérence et se trouve liée aux Sens inverses. C’est pour cela aussi que dans une réalité donnée il n’y a jamais un seul Sens, meilleur ou pire mais tous les Sens de la Cohérence à des degrés divers. Pourquoi une communauté conserve-t-elle sont unité dans le temps, ou toute chose aussi bien, y compris notre individualité ? Pour cela. Si une dynamique historique apparait c’est bien la dominance d’un Sens que cela révèle mais aussi tous les autres avec leurs temporalités divergentes. L’un de ces grands chapitres qui serait à explorer, avec des explorateurs bien sûr.

  2. La cohėsion des choses centrifuge ?

  3. Faut-il comprendre, en quelque sorte, que ce qui fait la cohésion d’une réalité ce sont ses « contradictions » ou, tout au moins, ses contradictions potentielles ?
    Il y a cohésion car il y a « une question à résoudre » autour du centre de laquelle se cristallise la réalité qui se déploie ? C’est cela la convergence centrifuge ?
    Le sens dominant donne le mouvement mais les sens inverses étant toujours actifs, ils ramènent la réalité au cœur du problème ?

    • Oui ça se précise. Il est vrai que cela mériterait de plus amples développements théoriques que j’ai évités d’une manière générale dans les leçons. La question des dynamiques actuelles et historiques intervient. Le conSensus est activation mais l’actualisation épuise l’activation qui doit être réactivée pour qu’une dynamique historique se déploie. D’autre part effectivement si le Sens activé vise « au loin » (téléologie) sa dé-activation par l’actualisation ramène au centre. Il faudrait un temps important pour développer ces aspects qui avaient été ébauchés dans « le coeur du sujet ».

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