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029 – La conscience pratique

La conscience pratique est une re-présentation de l’expérience première selon la composante factuelle. Elle se présente sous le mode factuel, corporel, celui aussi des interactions. La conscience pratique est donc celle du corps engagé dans des rapports avec d’autres corps, avec les choses. On peut aussi la considérer comme une conscience corporelle. D’une certaine façon c’est comme si le corps avait une conscience des gestes, des mouvements à effectuer, des choses à dire, des comportements donc. Cette conscience porte sur tous les termes de la causalité factuelle, des faits et de leurs effets, des instruments et moyens d’action, des outils, des matériaux, des transformations, des effets et de leur mesure. Cette conscience factuelle est celle des gestes de la vie, souvent acquis très jeune, celle des gestes artistiques, des comportements sociaux, des pratiques de la vie courante, des pratiques professionnelles. Il ne s’agit pas, comme le réductionnisme intellectualiste le suppose, d’avoir d’abord une représentation mentale qui ordonnerait les gestes. Faire du vélo ne s’apprend pas dans des cours de mécanique pas plus que tous les «faire» de l’existence. Pour la conscience pratique le savoir-faire n’est pas d’abord un savoir, un savoir qui n’est pas du tout indispensable dans de nombreux cas. Il existe aussi un réductionnisme de la conscience pratique qui voudrait qu’elle soit due à des réflexes innés, des propriétés intrinsèques des corps. Ce n’est pas au moment où la masse des corps se révèle comme une conséquence et non une propriété intrinsèque que l’on va poursuivre le réductionnisme matérialiste et sa croyance dans les effets de masses.

La conscience pratique de la réalité factuelle. Elle porte sur toutes les dimensions et composantes de l’expérience première et ici la composante factuelle mais spécifiquement sur le mode factuel. L’effet des faits, le faire des effets, le faire en faits. La conscience pratique est cette re-présentation que l’on nomme habileté, coup de main, réflexe, aptitude, compétence pratique. Le fruit des apprentissages c’est justement celui-là, cette capacité de percevoir et de mettre en acte les bons gestes, les bons comportements, c’est-à-dire efficaces quant aux effets produits. Pour les matérialistes c’est un résultat machinique ou mécanique, pour l’Humanisme Méthodologique c’est simplement une re-présentation d’une expérience première. Est-ce que ce serait comme une mémoire corporelle? Mais toute conscience est comme une mémoire en tant qu’elle re-présente une expérience première et même d’autres expériences de conscience. Nous y reviendrons avec la question de l’intelligence humaine.

La conscience pratique de la réalité sensible. Les phénomènes émotionnels, l’éprouvé, les sentiments et sensations sont perçus comme des événements des faits et leurs effets. La conscience pratique ou corporelle les considère comme des processus corporels, le corps en étant alors le siège. Tensions ou détentes physiques, douleurs et plaisirs, et même les sensations sont rapportées à des fonctions organiques. Le corps est alors vécu comme la matérialisation de ce vécu affectif et ses péripéties semblent s’y inscrire. Le réductionnisme en fera d’ailleurs la cause, le corps n’est plus alors seulement siège du plaisir et de la douleur par exemple, il en est la cause que l’on peut traiter par des gestes ou des moyens physiques ou chimiques. Il est vrai que la conscience corporelle ou conscience des pratiques est un régulateur majeur du régime des affects. Elle interviendra on le verra dans les apprentissages de la vie, ces « leçons de choses » de l’école de la vie.

La conscience pratique de la réalité mentale. Les représentations mentales sont ici considérées comme une activité qui ressorti de gestes, d’interactions, de productions d’effets. Elle suggère techniques et procédés d’exercice d’une compétence mentale. Le réductionnisme ferait volontiers des représentations mentales un pur produit de ces techniques allant jusqu’à les confier à des machines comme c’est une croyance devenue bien commune. La conscience pratique permet néanmoins de ne pas laisser les représentations mentales dans une pure idéalité mais contribue à les inscrire dans un mouvement du corps et des interactions de la réalité factuelle. L’utilité et l’efficacité mentale sont alors inscrits dans la composante corporelle des réalités. Cependant redisons-le les représentations mentales sont bien autre chose que le pur produit de techniques.

La conscience pratique des réalités objectives. Les éléments sont représentés comme des corpuscules et des corps pris en masses. La conscience corporelle les prend dans leurs résistances et leurs pesanteurs. Elle se traduira aussi par des mesures comme on se mesure à quelque chose. La conscience corporelle et pratique fait des objets des choses et dès lors peut les appréhender dans leurs interactions. Elle dénombre certes mais pour prendre en compte des masses, des corps, des propriétés physiques, traduisant ce qui est élémentaire en propriétés mesurables. On voit bien que toute une physique et une chimie empiriques se sont construites sur cette corporeification des éléments. Le réductionnisme supposera que ces éléments sont seulement des corps en interactions. La conscience factuelle, pratique, ramène à l’expérience corporelle la connaissance des choses. Manière de se situer parmi les corps. Il n’est pas indispensable de s’y réduire pour autant.

La conscience pratique des réalités subjectives. Les intentionalités, leurs qualifications et leurs tensions sont présentées comme des forces s’exerçant sur des corps pour produire des effets. La re-présentation pratique appréhende des forces de caractère comme des sources d’action plus ou moins fortes. La volonté est quelques fois comprise comme une force agissante et transformatrice. Le réductionnisme en fera la cause des phénomènes matériels, de l’interaction entre les corps à partir des forces qui les animent. La conscience corporelle, factuelle, pratique fera le lien entre cette tension ou la détermination associée, avec les actions ou productions. C’est comme cela aussi qu’elle qualifiera les choses par leur force agissante.

La conscience pratique et les réalités projectives. L’ordonnancement dans le temps et l’espace de tout existant est ici re-présenté comme une série de faits et d’effets. Si la dimension projective laisse apparaître une vue d’ensemble sur le parcours existentiel d’un existant, la représentation factuelle envisage un pas a pas, une succession de moments et de transformations que l’on peut dire ponctuels. Ainsi la conscience factuelle organise les événements dans un court terme qui se répète au lieu du moyen terme de la dimension projective. Ainsi si elle apporte une sorte de concrétisation des faits qui se succèdent la conscience pratique peut être réductrice si elle ne voit dans le parcours existentiel, dans l’histoire ou dans un projet qu’une succession de faits, de tâches, d’événements indépendants.

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