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007 – L’existence mentale

Nous nous représentons, le monde, les autres, nous-mêmes et ces représentations ont pris une ampleur considérable à tel point qu’elles passent souvent pour véritable réalité. Nos institutions, les lois juridiques ou scientifiques, les modèles, les images bien sur mais aussi le langage dans sa structure formelle et toutes les formes linguistiques, tout cela est représentations. Nos organes, nos gènes, notre cerveau même, nos pensées, nos idées, notre propre identité sont des représentations que notre existence corporelle par exemple ne nous donne pas à expérimenter.

Chacun, nous avons nos représentations issues de longs apprentissages qui sont mis ainsi en perspective, issues aussi des savoirs et des communications auxquels nous sommes attentifs. Le passé, dès qu’on l’envisage, n’est plus présent sinon dans nos représentations, mémoire, souvenirs, histoire, récits, idées apprises, pensée personnelle. Quant au futur qui nous invite à construire des projets il n’est que représentations au travers justement de ces anticipations qui ne peuvent être que mentales en attendant d’être éventuellement physiques ou matérielles. Ainsi la continuité dans le temps de notre propre individualité n’existerait en conséquence que sur le plan mental même si elle se projette (mentalement d’abord) sur notre corps et que nos affects en sont affectés.

L’existence individuelle est, pour les humains, fortement structurée par les représentations mentales. Celles-ci issues et constitutives de notre expérience le sont aussi de ceux avec qui nous les partageons dans les communautés culturelles où nous vivons.

Le monde des représentations mentales est-il lié à celui des corps et celui des affects? Nous le montrerons mais il arrive qu’il semble en être déconnecté. Constituant un monde en soi, le champ des représentations mentales conduit à des constructions de plus en plus vastes et complexes, de plus en plus étendues nous ouvrant à des savoirs et des projets de plus en plus sophistiqués. C’est là le jeu de l’intelligence mentale mais celui aussi du délire, celui de l’imagination et celui du fantasme, celui de la reproduction conformiste et celui de la création.

Nos idées de nous-mêmes et des autres ont une incidence semble-t-il sur notre vie, nos choix, nos motivations, et aussi nos actes, nos comportements, notre vécu, nos affects, tant pour notre existence individuelle que nos affaires collectives. Naît ainsi un problème, particulièrement pour notre temps, celui de savoir si ces représentations sont la cause des réalités et réalisations humaines ou si elles en sont un moyen (terme), une médiation, une composante. A ce titre le statut de la raison qui semblerait ordonnatrice de nos représentations mentales est posé soit comme cause, soit comme composante ou comme moyen.

C’est en tout cas pour beaucoup à nos représentations mentales que nous faisons appel dans l’écriture et la lecture, dans la science et la philosophie, dans toute réflexion et pensée, y compris celle-ci.

Une caractéristique de nos représentations mentales c’est d’établir des continuités dans le temps ou l’espace et de ce fait, de pouvoir construire des modèles complexes de plus en plus étendus et cohérents du point de vue de la rationalité. De ce fait notre identité individuelle se trouve inscrite dans nos systèmes de représentations tels que nous les avons construits ou acquis. Ainsi il y a une certaine corrélation entre nos systèmes de croyance intellectuels (mentaux) et notre existence mentale et toute la représentation de soi. Par ailleurs notre représentation de nous-mêmes est une construction faite de multiples expériences de notre existence propre. La corrélation entre les deux semble souhaitable aux risques de dissociations de notre identité, différente selon les conditions et les milieux. Nous sommes alors dans ce cas multiples, en quête de notre vérité et de notre unité.

Par ailleurs la cohérence entre notre vision ou représentation de nous-mêmes et celle du monde environnant nous conduit à des harmonies, des cohérences ou des incohérences qui, à l’extrême, forment ces maladies mentales qui s’accompagnent d’affects douloureux ou de symptômes physiques. Nous en revenons là au problème de la relation entre les différentes composantes de notre existence individuelle. Il sera approfondi plus loin. Cependant, il ne pourra être résolu uniquement sur le plan de la pensée bien que ce soit un moyen particulièrement utile.

Pointons à nouveau le fait que le développement mental, des idées, des savoirs de la raison ont été pris comme le gage de l’émancipation individuelle des conditionnements matériels et affectifs. Du coup le clivage entre les représentations et les autres plans de l’existence a pu s’en trouver aggravé avec ce qu’on pourrait appeler un humanisme des représentations idéales ou des représentations structurelles. Ce sont aussi développées des propositions dogmatiques allant du récit aux visions directrices, de l’injonction formelle à la normalisation de la pensée ou même des corps et des affects.

Le statut des représentations mentales dans la conception de l’homme est un point crucial surtout dans un temps de crise des représentations qui remet en question ses édifices et ouvre à d’autres voies de connaissance de l’homme, des finalités et des activités humaines.

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