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014 – La réalité est de nature humaine

Cette question conditionne bien sûr notre rapport au monde mais aussi à nous-mêmes dans le monde. Depuis toujours des philosophes et des penseurs ont cherché à y répondre. Pour les uns la réalité est un donné que la science notamment, en concurrence avec d’autres thèses, décrit ou explique, oubliant que cette science et ces thèses sont toujours productions humaines (ce qui ne veut pas dire arbitraire). Pour d’autres la réalité est la projection d’un arrière monde où résideraient les modèles premiers. Pour d’autres encore la réalité n’est rien d’autre que notre expérience sensible d’un réel déjà là, éventuellement représenté mentalement sous des formes intelligibles. Pour d’autre la réalité n’est rien d’autre qu’une production mentale dont l’expérience ne serait que projection. Dans le monde actuel la question prend la forme des multiples paradigmes dont dépend l’explication des choses mais aussi notre expérience. Réalité première, réalité apparence, réalité matérielle, rationnelle, probabiliste, relativiste, mécaniste, chaotique, émergentiste, ce sont des conceptions de grande importance aussi pour la considération de l’homme et dont un humanisme ne peut sérieusement se passer.

Pour l’Humanisme Méthodologique, la réalité est humaine, de nature humaine même. Une telle conception se soumet à l’objection mais le seul argument qui n’est pas recevable est l’argument d’évidence, de reddition à l’évidence. Elle implique bien plus qu’une conception intellectuelle, elle doit rendre compte non seulement de ce qu’est la réalité mais de ce que nous y faisons dans notre existence et dans toutes les affaires humaines. Si la réalité est humaine alors nous sommes co-auteurs et responsables de cette réalité, du moins potentiellement, si nous parvenons d’abord à en prendre conscience.

La réalité est réalisée par les hommes. C’est un réalisé au sens de découverte, de conscience, de connaissance. C’est aussi un réalisé au sens de production, transformation ou même création. Ainsi la réalité est notre expérience, celle de notre existence et l’existence de toute chose, celle du monde ou des mondes, celle de nos concepts les plus avancés, mathématiques même, celle des choses matérielles ou mentales ou même sensibles. Celle aussi de nos histoires, de nos systèmes, de nos sociétés, de toutes nos situations, de nos instruments de nos méthodes, de nos croyances, de nos philosophies, de nos existences mêmes. Ainsi la réalité n’est pas chose simple puisqu’elle comporte autant de dimensions que l’expérience humaine et notre existence.

La réalité est donc partie prenante de la connaissance de l’homme, non pas comme un facteur extérieur mais comme une oeuvre commune, comme une réalisation de l’humanité, à toutes les échelles. L’humanisme Méthodologique ne reste pas centré sur certaines préoccupations humaines mais sur la réalité de son monde et donc toute son existence. Mettre l’homme au centre veut enfin dire quelque chose puisque le centre c’est le coeur de la réalité du monde.

Comment la réalité se réalise-t-elle ? C’est en questionnant notre expérience que nous y répondrons. Comment peut-on agir dans la réalité, sur la réalité ? C’est évidemment lié. Comment rendre compte de la complexité de cette réalité et des efforts de compréhension philosophiques, scientifiques ou même artistiques. C’est ce que nous étudierons.

Il est vrai que toucher à la réalité, c’est toucher à notre réalité même. C’est pourquoi ces questions sont souvent inquiétantes et que les tenants de telle ou telle version sont si accroché à leur vérité. Celles qui sont différentes portent atteinte à ce sur quoi ils fondent leur propre réalité. On ne peut en effet expérimenter, discourir, croire, en dehors de notre propre expérience. Et nos croyances en la réalité sont corrélées avec nos croyances en notre propre réalité. Toucher à l’un touche à l’autre. Et pourtant nous pouvons avoir l’expérience dans notre existence de plusieurs croyances de plusieurs conceptions de la réalité pour nous-mêmes ou chez d’autres. Cette relativité de la réalité réalisée marque d’une part sa dépendance d’avec les hommes qui la réalisent mais aussi la multiplicité des possibles en l’homme. L’Homme est toujours auteur de sa conception de la réalité qui ainsi le révèle pour une part. Alors si c’est encore du côté du Sens et des conSensus qu’il faut aller chercher ces sources, la pluralité des Sens et des conSensus fait la pluralité des réalités et des mondes.

Bien sûr viendra la question : est-ce que toutes ces conceptions de la réalité se valent ? Y a-t-il une vérité au milieu de l’erreur? Cela rejoindra le grand chapitre du bien de l’homme et sa réponse. Il y a une conception de la réalité qui rend compte des autres, les intègre et les dépasse celle de l’Humanisme Méthodologique, sans que ce soit la dernière pour autant. Comme on l’a aperçu avec les dimensions et composantes de l’expérience et de l’existence humaine se sont des réductionnismes qui sont à l’oeuvre, des déviances ou des inversions qui ratent la position centrale de l’homme. C’est donc à chaque fois un appauvrissement de la conception de l’homme qui va avec telle ou telle conception, réductrice par exemple. Ainsi une conception matérialiste réduit le monde à sa matérialité (même si cette notion est complexe) et l’homme du même coup. Même chose pour le rationalisme ou l’individualisme.

Ainsi la conception de l’homme de l’Humanisme Méthodologique ne se contente pas de rendre compte d’une lecture anthropocentrée, d’un humanisme radical, mais aussi de l’élaboration et du Sens des conceptions autres. Cependant il s’agira plus de développer une approche nouvelle des problématiques humaines que de critiquer outre mesure celles qui sont en question dans la crise de notre époque de mutation.

Cette relativité de la réalité, eu égard à l’expérience humaine qui la constitue, nous entrainera à distinguer la réalité du réel. L’expérience existentielle est expérience du Sens en conSensus lesquels sont donc le réel de la réalité réalisée, celle de nous-mêmes en même temps que celle du monde environnant. La corrélation entre notre existence individuelle et celle du monde environnant est établie par le biais du réel commun, des conSensus de nos Instances.  Le réel transcende la réalité, il en est le principe et la source. Mais ce réel est humain. Il n’y a pas dans la réalité de cause à la réalité ni humaine ni mondaine. Mais c’est par nos Instances humaines que tout se réalise.

Ainsi le monde que nous expérimentons et dont nous faisons partie est-il la réalisation des conSensus entre nos Instances d’êtres humains. Cette réalisation existentielle témoigne en retour de ces Instances, de leurs Sens et des conSensus. C’est sans doute là qu’une révélation de l’homme peut se jouer. La dialectique réalisation révélation est capitale dans le procès de reconnaissance de l’humain et son accomplissement par un travail sur et dans la réalité du monde. A quoi sert la réalité, de notre existence et celle du monde ? A nous réaliser pour nous révéler…

On notera alors que la réalité n’est pas une production individuelle mais le fait d’un conSensus. Pas de monde sans les autres mais nous y avons une part de responsabilité. Toutes les situations humaines le mettent à l’épreuve comme on va le voir.

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