Il est convenu de considérer l’équivalence des termes l’un serait la version grecque l’autre la version latine du même concept. Cependant il est aussi convenu de distinguer l’éthique comme principe directeur du bien humain et la morale comme règle de vie imposée par quelqu’autorité (morale), convention sociale ou culturelle. Il serait même compris que l’éthique aurait une portée universelle et la morale une valeur relative, très relative puisqu’il serait de bon ton de fustiger les références morales au bénéfice d’une éthique de principes. Il est même de bon ton de qualifier telle ou telle éthique choisie et de disqualifier toute morale, l’une résultant d’un libre choix l’autre d’une imposition liberticide.
Pourtant l’éthique vient d’éthos et l’éthos c’est l’ensemble des habitudes des personnes ou d’une communauté culturelle. Les habitudes culturelles cela ne se choisit pas même si l’on peut s’y soustraire, les transgresser. La morale (latine) ajoute quelque chose à l’éthos c’est la caractérisation du bien en termes de comportements au sein de l’éthos. Ainsi l’éthique serait le respect des habitudes collectives d’une communauté et la morale le choix spécifique du bien parmi les habitudes communes.
On pourrait se demander alors si le Sens du bien commun aurait quelque rapports avec ces concepts. Le conSensus est bien la source de l’éthos d’une communauté, éthos qui repose sur les Sens, d’ordre spirituel. On pourrait qualifier d’éthique toute ligne de conduite qui se source dans un Sens, commun à une communauté de conSensus. Cependant les Sens en conSensus sont ceux des problématiques humaines dont seul celui de l’accomplissement peut être considéré comme celui du bien de l’homme en personne et en communauté. Ainsi il pourrait y avoir éthique à l’encontre de l’accomplissement humain. C’est bien ce que le relativisme dessine comme perspective. En effet dans la communauté, le respect de l’éthos laisserait le choix du Sens, critère d’un bien arbitraire. Le libre arbitraire caractéristique de l’individualisme y trouve sa justification. Le problème est que manquant à cultiver le Sens du bien commun comme étant celui de l’accomplissement humain il rate le discernement des Sens, la conscience même des Sens, condition de la liberté de choix du Sens de son engagement. Il rate la liberté spirituelle au profit d’une supposée liberté morale, liberté immature, dont les racines sont simplement ignorées et même niées.
L’éthique est alors ainsi l’alibi d’une exonération morale sans référence au Sens du bien commun et même au nom de quelque «bien commun» opportuniste. On en entend l’incantation de plus en plus fréquente au travers par exemple d’un républicanisme sacralisé, de concepts dont le Sens échappe (égalité), et aussi les fameux, intérêt général, bien public, démocratie, et toutes les figures à la mode ou à celle d’hier.
Propositions de l’Humanisme Méthodologique
On appèlera éthique toute visée d’un Sens d’accomplissement humain et les «habitudes» existentielles qui s’y rattachent. De ce fait le champ de l’éthique est d’abord celui de l’humanité de l’homme engagé dans son accomplissement. Il se traduit par la culture des modes existentiels associés. Ils sont d’abord inhérents aux structures existentielles et aux constantes de l’existence humaine dont on sait qu’elles servent justement à l’accomplissement. Ainsi le rapport aux affects, aux réalités matérielles et factuelles, aux réalités mentales ou intellectuelles, le rapport au développement humain et l’éducation associée et aussi aux conditions humaines d’existence engagent l’accomplissement de l’humanité. En particulier les structures relationnelles et la filiation humaine qui jouent un rôle symbolique majeur caractérisent une éthique humaine, contingente certes mais contingente à la nature humaine. Les réductionismes qui posent telle ou telle dimension de l’existence comme première disqualifient la condition humaine et donc l’éthique de l’humanité. Cette éthique de l’humanité peut être illustrée par une caractéristique particulière de la condition d’accomplissement humain. La «considération» de l’altérité par exemple mais aussi celle des différences qui expriment simultanément une commune humanité et le caractère unique de chaque personne.
Il se trouve que le Sens de l’accomplissement, de l’éthique de l’humanité, ne se reconnait dans notre existence qu’au travers des communautés et leur Sens du bien commun. L’éthique humaine ne trouvera de lieu que dans des communautés particulières qui lui donneront justement des expressions et des repères culturellement significatifs du Sens du bien commun. On verra alors le rôle que les valeurs jouent pour qualifier l’éthique dans un champ culturel et communautaire donné.
Dès lors, l’éthique de l’humanité ne se réalise à chaque fois que dans un contexte communautaire selon les critères de valeurs qui lui sont propres. Ainsi l’universel de l’humanité se traduit par des différences culturelles. Mais alors un problème classique c’est le jugement des autres communautés culturelles à l’aune de sa propre éthique humaine. C’est porter l’expression et les critères contingents d’une éthique particulière au statut d’expression universelle. Comment dire l’universel au travers du contingent sans porter le contingent au statut d’universel ce que tous les totalitarismes cherchent à faire? Une solution recherchée mais jamais trouvée sauf dans la déviance totalitaire c’est la définition de valeurs universelles. Le thème des droits de l’homme, dont on veut ignorer la multiplicité des versions, est une des tentatives. Une autre c’est de rechercher des valeurs communes aux religions et aux sagesses. Entreprise jamais aboutie non pas parce que l’humanité n’est pas la même mais parce que les conditions culturelles de son expression ne sont pas les mêmes.
Ainsi si l’éthique de l’humanité est commune à tous les hommes, elle ne peut s’exprimer que dans les conditions culturelles, multi-culturelles, des communautés humaines. Si les principes sont universels ils ne se réalisent que culturellement et c’est comme cela que toute éthique humaine contingente est aussi de portée universelle.
Quant à la morale on peut suggérer qu’il s’agit des traductions en termes de modes d’exister de l’éthique d’une culture, son Sens du bien commun. Le problème de la morale est non seulement que ses fondements éthiques sont contingents mais que cette contingence s’exprime dans des situations infiniment variées et évolutives. En effet si on se trouve dans une disposition éthique d’accomplissement selon le Sens du bien commun alors celui-ci se traduit par un développement, une évolution, une maturation, des circonstances changeantes et l’infinie diversité des affaires humaines.
De ce fait ce sont toutes les situations qui sont susceptibles de recevoir des indications ou règles morales mais aucune ne peut prétendre à la fixité ou à l’universalité. Les normes morales ont la fonction de servir de guide lorsque le discernement ne le permet pas en conscience. À contrario il faut que l’injonction morale s’appuie sur une confiance dans ceux qui l’édictent et qu’ils soient disposés selon l’éthique de la communauté, son Sens du bien commun. La morale est donc un support éthique en absence de discernement suffisant et en présence d’un tiers de confiance. Il est vrai qu’une chaîne de confiance doit remonter jusqu’au discernement des Sens et qu’elle est constituée des hiérarchies et autorités dites morales.
Il est clair que faute de discernement les abus moraux la détournent de son Sens éthique. C’est le cas notamment des interprétations réductionnistes de la morale et de l’existence et des dogmatismes au sens fixiste du terme. Un autre problème est l’acceptation du principe et des guides moraux. Il faut souligner que ce peut-être le cas de ceux d’une autre culture dont le Sens du bien commun n’est pas le même. Imposer un système éthique et moral n’est pas respectueux de l’altérité, il est donc immoral. Par contre former un ensemble communautaire avec d’autres permet de se doter d’une éthique et d’une morale communes tout en respectant celles de chacune dans leur sphère propre. D’autre part l’histoire d’une communauté culturelle en transforme les conditions existentielles et par suite les normes morales. La fixation sur des formes antérieures ou traditionalisme n’est pas le respect éthique du Sens du bien commun mais sa trahison. De même cette trahison éthique de la morale vient aussi de la négation de son fondement comme avec le relativisme moral ou le «libéralisme moral».
Les piliers de la morale sont donc d’abord l’universalité de l’humanité en chacun selon la singularité de sa personne, la singularité culturelle de chaque communauté avec son Sens du bien commun, les situations et affaires humaines communes. La morale touche à toutes les affaires humaines pour en donner une norme de circonstance y exprimant le Sens du bien commun. Cette norme, on l’a vu, ne vaut que comme indicateur de Sens et non comme injonction de conformité.
Ethique et morale sont des exigences d’humanité dès lors qu’elle sont vouées à son accomplissement dans le respect de ses déterminants existentiels, personnels, relationnels et communautaires notamment. Ce sont des exigences communautaires pour ce qui est de l’éthique du Sens du bien commun. Ce sont des exigences de participation au développement communautaire dont les règles morales ou référentiels de valeurs évoluent en conséquence.
On peut donc dire que l’éthique est la source et la finalité de la morale ?
Que la morale sert l’éthique ?
La morale comme enseignement. La « morale d’une histoire » par exemple nous renvoie à un Sens éthique.
Si j’ai bien compris pas exactement.
L’éthique, selon l’article, correspond aux principes et fondements (généraux) de la morale. La morale pouvant être prise comme l’application particulière de l’éthique. Néanmoins (et c’est l’un des problème soulevé par le texte) ces principes éthiques sont eux-mêmes contingents (étant existentiels). En ce sens, l’éthique ne peut être « la source de la morale » (du moins ça n’est pas la thèse exacte de l’HM) sauf à désigner le terme « éthique » comme synonyme de « Sens ». Mais dans ce cas la question n’est que terminologique.
La source de l’éthique (et donc de la morale) c’est le Sens dans l’Instance humaine. Pour être plus précis d’un Sens s’inscrivant dans une Cohérence en ConSensus (de plusieurs Instance donc). Le Sens qui lui n’est pas contingent dans la mesure où il est dans un rapport de transcendance avec l’existence (tout comme l’Instance qui est son « lieu », les Cohérences et les ConSensus).
Oui. je comprends.
J’ai relu le texte.
Ma question n’était pas très pertinente :-).
Le plus important me semble être que les règles ou comportements moraux, toujours circonstanciels, sont fondés sur, se rapportent à une éthique toujours communautaire qui vise le Sens du bien commun.