Dans son existence, l’homme agit et cherche à agir. Mais sur quoi agit-il? Agir c’est agir dans la réalité, sur la réalité, pour la réaliser, la transformer, la développer. Toutes les activités humaines sont agissantes. La passivité est le contraire de l’activité et tout se passe comme si l’homme et les choses passives ne pouvaient qu’être agis par quelque source autre. Mais alors l’action porte-t-elle sur telle ou telle composante de la réalité ou sur leur ensemble.
Agir peut être intervenir sur des affects, pour les susciter, les transformer, les provoquer, les faire évoluer. Il s’agit de ses affects, ceux de tel ou tel autre, ceux d’un ensemble ou une communauté de plus ou moins grande taille. Le plaisir, la peur, la terreur, la culpabilité, et l’infinie palette des sentiments et des émotions est en jeu.
Agir peut être intervenir sur les faits, faire, fabriquer, transformer, détruire, modifier, déplacer, changer, développer. Par le jeu et les interactions de l’existence, l’homme agit sur lui-même et son milieu.
Agir peut être intervenir sur les représentations mentales pour les produire, les développer, les transformer, les ordonner, les créer. Il s’agit aussi bien des siennes que celles des autres ou même de celles qu’on ne sait plus attribuer, les imaginants autonomes ou fixées une fois pour toutes.
On va pouvoir agir sur des choses, sur des situations, sur des moments vécus mais toujours sur ce qui sera désigné à cet effet. Agir a toujours un « objet » et il est désigné, fixé, par celui ou ceux qui agissent. Bien sûr ce sont aussi des ensembles complexes qui peuvent être visés par l’action s’ils sont désignés à cet effet.
Cependant, rien n’existe que dans une existence historique avec un présent, actuel, mais aussi un passé et un futur. Ainsi agir c’est intervenir dans une histoire, celle de ce sur quoi on agit. Le réaliser, le transformer, le déplacer même, c’est intervenir dans le temps comme par exemple une projection dans le futur. Tout enjeu futur, futur présent, est lui-même au début d’un autre futur, si bien que l’action initiale est renvoyée dans le passé. On verra que cet oubli du temps, caractéristique de conceptions « modernistes » est une calamité humaine. Agir comme intervention dans une histoire nous amènera à intervenir dans des processus humains. On notera que l’histoire est déjà le fruit de processus et d’actions humaines sur lesquels d’autres actions interviennent. Il n’y a pas de table rase ni de point final à l’action humaine.
Enfin, dans l’action humaine, l’homme ne se réduit pas a un objet agi par quelque force dont il ne serait que le moyen intermédiaire. Qu’il en soit conscient ou non, qu’il en soit plus ou moins maître, ce sont les intentions qui président à toute action. L’homme est le sujet de toute action humaine. Les affects, les comportements, les pensées participent a l’agir mais n’en sont pas la cause que l’intention, elle, manifeste.
Ces rapides indications vont être utile aussi bien pour embrasser le champ de l’agir humain que d’en pointer les erreurs. Pour certains c’est la mobilisation des affects qui est agissante, pour d’autre tout est question d’effets factuels et d’efficacité, pour d’autres encore ce sont des structures formelles, intellectuelles qui sont la source de l’agir avec la raison à la manœuvre. L’agir qui porte sur sa propre existence, celle des autres, celle des situations et réalités du monde dans lequel nous vivons, touche à tous les aspects de l’existence. Exister c’est agir et agir engage l’existence, engage toutes les affaires humaines, à toutes les échelles et de toutes natures.
Mais une grande question c’est qu’est ce qui agit. Nous pointerons à nouveau les réponses erronées. Est-ce que ce sont les choses, matérielles, qui agissent, par leurs propriétés, leurs forces et leurs puissances ? Ce sont peut-être des lois immatérielles comme les lois de la nature aussi universelles que les lois de la raison juridique, administrative, technique ? Ce sont peut-être quelques puissances magiques qui tirent les ficelles de ce qui se produit et nous arrive ? La question n’est pas si simple tellement les certitudes et l’absence de questionnement sont ancrés. Ce qui agit, c’est l’humanité de l’homme au travers des conSensus et par la médiation de l’existence elle-même.
La médiation c’est la question des moyens, intermédiaires. Mais les moyens ce n’est pas ce qui agit mais ce au travers de quoi cela agit. Les moyens ce sont les accessoires de ce qui est agissant. En fait rien n’agit sinon l’homme par ses conSensus réalisateurs et il ne peut le faire que par la médiation de ses modalités d’existence.
Ce sont ainsi tous les domaines de l’activité humaine, individuelle et collective qui sont l’enjeu de l’agir humain. L’Humanisme Méthodologique va proposer une ingénierie humaine basée sur des principes nouveaux, inattendus sinon inconnus du moins en conscience. Entrant dans l’âge de l’intelligence symbolique ce sont de nouvelles conceptions et de nouvelles pratiques qui vont se déployer. Après avoir cru que tout était une question de puissances magiques, après avoir cru que tout était une question de force physique, après avoir cru que tout était une question de règles et procédures on va voir que tout est une question de Sens et que tout ce qui précède en est un simple reflet.
Pour cela il va falloir reprendre sous l’angle dynamique la compréhension des réalités et des situations. Comment les choses se réalisent, comment elles changent et évoluent, comment nous pouvons intervenir dans ce processus. Si l’homme est au coeur des choses et des phénomènes humains alors c’est le recours à l’humanité de l’homme qui permettra d’accéder à un nouveau stade de maîtrise des affaires humaines. La sur-intellectualisation des temps modernes est un obstacle qu’il faut franchir non pas pour cesser de penser bien au contraire mais pour cesser de stériliser l’intellect par la réflexion.C’est donc non seulement une éducation à l’intelligence symbolique qu’il faut entreprendre mais aussi une rééducation par rapports aux déviances antérieures.
On aura donc à poser de nouveaux repères, tous conceptuellement étayés mais aussi construits dans l’expérience, qu’il s’agit de redéployer dans les pratiques nouvelles de processus humains.