Ce qui est en l’homme, en son Instance c’est le Sens. A partir du conSensus, Sens en commun (communion de Sens) s’inaugure une expérience primordiale. Nous allons l’analyser pour un seul Sens, sachant que l’Instance porte aussi des conSensus plus complexes ou plutôt que l’expérience du Sens est multiple. Elle a cependant une structure fondamentale générale.
Pour l’Instance en conSensus se vit la présence en soi d’une tension dont elle est le siège. Cette tension se peut se traduire par de nombreuses modalités : motivation, aspiration, désir, volonté, détermination orientée. Tout ceci caractérise une intentionalité. Cette expérience est fondatrice du sujet qui se reconnait comme sujet à cette tension ou sujet de cette tension selon qu’il s’en fait l’auteur ou le suppôt. Cela peut être plus fort que soi ou soigneusement ajusté, conscient ou inconscient, clair ou obscur.
Il y a une deuxième dimension à cette expérience du Sens en ConSensus c’est qu’il y a de l’autre. En effet le conSensus dépend de la présence de l’autre et c’est sous le mode de la présence – absence que cette expérience apparait mais aussi sous celle de la proximité – distance lorsque ce sont des variations du conSensus. On notera qu’il faut au moins trois Instances pour que se distingue le soi et le non soi dans cette expérience. De ce fait les relations duelles ou fusionnelles posent problème quant à la construction de la conscience de soi.
Dans des situations courantes en milieu communautaire les autres du conSensus sont nombreux, si bien que c’est l’expérience première du nombre en même temps que de l’aléatoire (aléa et autre sont de même racine). Il y a donc un contexte multiple, aléatoire, qui conditionne l’expérience et la distinction de soi. C’est la dimension attentionnelle de l’expérience, dimension objective distinguante.
Une troisième dimension de l’expérience du Sens apparait comme résultant de la conjugaison des deux autres, subjective et objective. L’intentionalité instaure un temps qui marque l’espace des proximités distances d’une séquence d’évènements. Il arrive quelque chose qui se déroule, a une origine et un devenir. Cette dimension et aussi rationelle elle relie par le vecteur tension, temps, les multiples et l’aléatoire de l’expérience spatiale de l’altérité. Ainsi l’évènement, ce qui arrive, apparait comme se déroulant selon une séquence ordonnée, ordonnée dans le temps de la succession, ordonné dans l’espace de la manifestation des éléments. Cette dimension est aussi la dimension projective où l’expérience prend une extension spatio-temporelle.
Parmi les Instances en conSensus chacune vit une expérience de même structure mais pas du même lieu. Cette expérience primordiale apparait comme présence existentielle. Si dans cette présence le sujet se reconnait tel alors le moi émerge et de l’expérience naît simultanément un environnement auquel l’individu participe dont il n’est pas séparable tout en étant environné, conditionné par l’altérité en présence. Il apparait simultanément qu’une histoire se déroule hors de soi mais aussi avec soi devenant pour une part son histoire.
Ce sont les structures de l’expérience individuelle qui sont ainsi apparues, celle de soi comme individu intentionnel, entièrement embarqué dans une expérience de l’altérité sous le mode de l’aléa et du nombre. On devine que cette expérience primordiale ne va pas sans qu’une question de conscience se pose que l’on aura à traiter.
Sur ces bases on va retrouver le plan des affects comme expérience du jeu de présence – absence selon le Sens en conSensus. Ce plan articule les dimensions, subjective et objective. Pas d’affect sans sujet – soi ou sans objets – autres. Cependant, la distinction soi non soi réclame une expérience variée et une certaine conscience. Je suis affecté par la présence et l’absence surtout si cette dernière me prive d’un sentiment d’exister que je retrouve avec la présence. Cela dit c’est là une modalité vécue du jeu de conSensus.
Le plan de la corporéïté articule la dimension objective et la dimension projective, il est l’expérience du mouvement, transformateur de l’expérience, de l’expérience changeante mais d’une expérience ou soi et non soi se retrouvent comme dans un corps à corps, ces corps étant comme l’accumulation de cette expérience avec un grand nombre et une variété de circonstances et aussi d’altérités aléatoires. La corporéïté est l’expérience du Sens en conSensus comme interaction, corrélée avec celle des affects.
Le plan des représentations mentales articule la dimension subjective, intentionnelle du Sens comme vecteur orienté en conSensus avec la dimension projective qui déploie donc et projette ce qui figure l’expérience. Cette représentation est aussi celle de soi dans le rapport aux autres selon le paysage historique de l’expérience. Ce plan est corrélé avec les deux autres si bien qu’il n’est pas évident de savoir ce qui est la source ou l’effet. Il est aussi une expérience du Sens en conSensus.
La conscience de l’Instance par elle-même n’allant pas de soi alors il reste aux hommes cette expérience du Sens qui constitue la trame et la substance de leur existence. L’expérience du Sens est appréhendée comme expérience existentielle, ignorant même ce qui est Instance, Sens ou conSensus. C’est là la condition ordinaire, même à nôtre époque. C’est aussi ce qui conduit à chercher des causes dans le champ de cette expérience ou alors dans un au-delà transcendant qui manque, on l’a vu, la reconnaissance de la transcendance de l’homme dans son humanité même.
La structure de l’existence caractéristique, de l’expérience du Sens en conSensus est comme l’ombre portée de l’Instance humaine où cela se produit. Les idéalistes platoniciens chercheront quelques figures ou idées premières qui seraient à la source de cette expérience projetée. Les réalistes matérialistes focalisent leur réalisme sur une absolutisation d’un pan de l’expérience corporelle croyant le fixer comme support de leur existence. D’autres feront de leurs affects le référent d’une puissance à laquelle ils participent, dont ils jouent ou sont le jouet.
On voit là apparaitre les philosophies ou doctrines humaines comme une position existentielle qui en privilégie tell ou telle dimension ou composante. D’où cela vient-il? D’abord évidemment d’une absence de discernement du Sens et donc du conSensus qui explique par l’expérimenté la source même de l’expérience. Une question de conscience. Cela vient aussi du Sens qui est en conSensus. Nous l’avons laissé entendre, tous les Sens ne se valent pas. Les uns posent un aspect de l’expérience quitte à le sacraliser ou le diviniser comme source de l’existence tentant de construire une interprétation adéquate du monde et de l’homme. Les autres permettent de cultiver une conscience qui en vient à découvrir l’humanité en l’homme, avec le discernement des Sens en conSensus. A quoi cela sert-il? Nous le verrons dans le chapitre portant sur le bien de l’homme.
Au préalable il nous faudra approfondir les conditions existentielles de l’homme et les phénomènes humains.