La réalité factuelle
Après un monde de formes constituant la réalité formelle avec toutes les représentations mentales vient la composante factuelle de l’expérience première, celle du Sens en conSensus.
Comment l’expérience du Sens peut-elle se traduire par la corporéïté des choses, par la consistance et l’interaction entre les corps, par l’effet des corps les uns sur les autres et par les comportements qui s’y rapportent ? Les corps humains en font partie évidemment.
Dans la structure cohérencielle cette composante, ce plan d’expérience se situe entre les deux vecteurs de la réalité objective et projective. D’un côté le conSensus avec la présence/absence des autres. C’est l’expérience d’un non soi qui «résiste» à l’intervention du soi. Cette résistance est l’expérience des limites, de l’inertie, de la possible transformation selon les éléments impliqués, du changement intervenant dans l’interaction. La corporéïté n’est rien d’autre que cette expérience des corps au travers de ces propriétés dues aux autres, en nombre. Mais cette résistance suppose mouvement, mouvement intentionnel donc engagé dans la dimension projective. La présence/absence objective ne suffit pas à faire des corps il faut le mouvement projectif pour entrainer à cette expérience de la résistance au mouvement mais aussi du mouvement relatif lui-même.
La physique des corps vient là avec ses dimensions premières comme la masse, l’inertie, et ses interactions mécaniques. La mécanique des corps n’est pas la seule expérience factuelle. Cette expérience touche à tout ce qui s’inscrit dans l’altérité à l’épreuve de l’intentionnalité. Il se produit quelque chose et les corps se produisent, ils sont le produit de ce qui les faits et ils produisent des effets. C’est d’ailleurs seulement comme cela que l’expérience factuelle des corps est possible. Les physiciens savent que les propriétés intrinsèques des corps physiques ne se connaissent que par leurs effets sur d’autres corps. Encore une source de la relativité des corps. Seuls les faits sont expérimentés et les faits ce sont des effets. Cela est vrai pour toutes sortes de faits comme des faits de langage ou des comportements par exemple.
La réalité factuelle du monde et de nous-mêmes est un mode de présence aux autres dans le conSensus. L’altérité et l’aléatoire apportent les éléments dont la composition dans les corps réclame aussi la dimension projective c’est-à-dire l’engagement dans un mouvement d’existence. En effet la seule présence d’éléments en nombre ne fait pas une composition corporelle. Il y manque ce mouvement d’ensemble qui inscrit cette composition dans l’histoire et dans un monde.
Cependant, comme toujours, certaines conceptions communes de la réalité font des corps une existence première dont le reste serait le produit. Les formes seraient un aspect accessoire et leur construction mentale une abstraction peu utile. Les affects seraient aussi un effet de l’interaction des corps un signal parasite en quelque sorte. Le conflit pour savoir si ce sont les corps qui précèdent les formes ou les formes qui précèdent les corps traverse tout le monde scientifique même s’il est méconnu pour la plupart. Pour l’Humanisme Méthodologique ils sont co-extensifs, comme deux aspects, deux modes différents de la même expérience humaine. Ce sont deux expressions du Sens en conSensus.
Comme cela notons que l’existence humaine ne se réduit pas à l’existence d’un corps pas plus que celui-ci à l’existence corporelle d’un monde physique. L’un et l’autre sont l’expression des Instances humaines et donc de la responsabilité humaine. Le matérialisme subordonne l’homme aux interactions des corps physiques et le rationalisme aux formes «naturelles». Les uns et les autres sont des réalités d’expérience humaine, des témoignages d’humanité.
Pour les physiciens il sera temps d’interroger ces mystères que sont la notion de masse ou d’inertie. Celle de force n’est pas étrangère au Sens activé dont l’intentionnalité est une source plus qu’une simple image.
Pour les responsables de l’existence matérielle des choses et des hommes les enjeux matériels sont d’essence humaine. Comme l’expérience de l’altérité cela n’empêche pas les «résistances» qui constituent l’expérience même de la corporéïté. Aux faiseurs de miracle il faut annoncer que cela restera très laborieux. Seul le travail interactif des hommes peut transformer la réalité factuelle, ce qui se présente en faits.