Dans la période actuelle, l’humanisme est souvent déclaré comme l’antidote des maux de notre époque. Il constitue une figure du bien par opposition aux manques d’humanité. Sur un autre versant le recours à un humanisme salvateur rappelle les Lumières, la Renaissance, et d’autres sources spirituelles ou philosophiques traditionnelles? On enregistre aussi cette déclaration de vouloir recentrer sur l’homme ce qui sans doute s’en était éloigné ou d’en faire la priorité.
Seulement évocations et invocations incantatoires semblent quelques fois le seul horizon. Comment se fait-il ? Qu’est ce qui change ? Pour comprendre l’humanisme méthodologique et ses propositions radicales, il faut déjà méditer sur ce qu’est un humanisme. Nous ne ferons pas un inventaire des thèses historiques mais poursuivront une interrogation méthodique.
D’abord un humanisme doit viser le bien de l’homme. C’est une attitude de considération et d’engagement vis-à-vis du bien de l’homme. La première question c’est qu’est ce que le bien de l’homme. Si les versions divergent alors la conception de l’humanisme aussi.
L’humanisme se place donc sur le terrain des valeurs mais quelles valeurs, que sont les «valeurs humaines» ? Chacun verra l’humanisme de sa fenêtre et les pires conflits ont pu l’être entre des humanismes divergents. Il faut donc expliciter les valeurs, ce qu’est le bien de l’homme. Les philosophies les plus contradictoires, toutes argumentées, sont à notre disposition. Mais pour comprendre il est nécessaire de savoir de quel homme il s’agit, de quelle conception de l’homme. On ne peut définir le bien de l’homme sans se référer implicitement à une conception de l’homme et donc aussi de son devenir.
- Si l’homme est un simple organisme ou mécanisme, complexe certes, alors son bien est sans doute dans son bon fonctionnement et peut-être sa continuité.
- Si l’homme est un animal alors son bien est celui des animaux, subsistance et préservation, tranquillité et sécurité par tous les moyens appropriés, ceux des loups ou des agneaux comme disent les fables.
- Si l’homme est un être spirituel alors son bien doit être lié à sa conscience et à sa liberté d’esprit.
Il faut aussi distinguer le bien selon les finalités et ce qui est bon pour les atteindre, c’est-à-dire des conditions bonnes mais qui ne suffisent pas.
L’humanisme se défini par une conception de la condition humaine et du devenir qui lui est inhérent.
On peut penser au bien être, de l’ordre du sentiment, du ressenti ou du vécu. On peut penser au bien faire, de l’ordre de l’utilité ou de l’efficacité dans l’existence. On peut penser aux idées, images, savoirs, modèles qui servent à bien vivre, anticiper et régler les engagements humains. On peut penser aussi au discernement et à la maîtrise de son devenir en rapport avec les autres dans les relations et les rôles de responsabilités.
On devine que si on privilégie une seule dimension sans les autres, la visée du bien risque d’en pâtir. Si on en manque une il s’agit soit d’une défaillance due à une maturation pas encore suffisante ou alors à une déviance liée à quelque problème personnel ou collectif.
On voit que l’humanisme concerne toutes les choses de la vie humaine selon la conception de l‘homme et de son bien.
Mais il ne faut pas en rester aux conceptions. L’humanisme est aussi un engagement dans une manière de traiter les affaires humaines qui, par définition, sont liées à la nature de l’homme et de la condition humaine et aussi à la visée du bien et ses traductions dans l’existence. Accepterait-on qu’un humanisme nous disent le plus grand bien de l’homme (que nous sommes ou devrions être), en nous expliquant que nos objectifs et nos moyens et méthodes ressortissent de lois et de mécanismes qui ne dépendent absolument pas de nous (les lois de la nature des choses).
C’est pourtant la situation actuelle de l’humanisme d’autant plus impuissant qu’il néglige ces trois piliers : la connaissance de ce qu’est l’homme, le discernement du bien de l’homme qui s’en déduit, la façon (humaine) de traiter les affaires humaines selon des méthodes cohérentes avec ce qui précède.
Les humanismes, tel qu’ils sont trop souvent proposés sont comme des trépieds auquel il manque un pied ou deux ou dont les trois ne sont pas reliés entre eux.
Un argument assez courant dans les discussions consensuelles autour de la question de l’homme c’est qu’il est à la fois, une mécanique (neurale par exemple), un animal (c’est bien connu) et un esprit, (parfois).
Qu’en est-il alors de l’essence (tiel) ?
Bonne question. Qu’est ce qui fait le lien entre les différentes composantes de l’homme? Qu’est ce que cette « essence » ou essentiel de l’humanité de l’homme. Ces deux questions seront traitées dans le prochain chapitre.
Dès lors que l’humanisme se définit à partir de ces 3 piliers : une conception de l’homme, le discernement de son bien et une façon de s’occuper des affaires humaines, qu’est-ce qui le différencie d’une religion ?
Certes une religion est à priori révélée et pas (nécessairement) un humanisme, mais à part cela ?
Un humanisme n’est pas une religion mais une religion n’est-elle pas un humanisme ?
Très bonne analyse. L’Humanisme (Méthodologique) n’est pas une religion. Cependant je vous invite à lire « Une religion pour la république » de Vincent Peillon qui rappelle le projet de Ferdinand Buisson mais aussi de bien d’autres d’inventer une religion de l’homme s’inscrivant dans le politique et l’éducation. Voir aussi « les communions humaines » de Régis Debray qui montre le caractère religieux de toutes communautés humaines elles-mêmes la condition d’existence de tous les hommes. Ce qui leur manque c’est justement un nouvel humanisme fondamental et opérationnel. La religion comme phénomène humain est-elle compatible avec les religions du livre ou d’autres et sous quelles conditions? C’est ce à quoi pourra répondre l’Humanisme Méthodologique. A suivre…