L’âge primaire, enfance de l’humanité
Après la venue au monde vient un âge où se construit une existence factuelle dans le milieu familial et social qui est le sien. Le moteur en est l’interaction, animée par des affects investis dans l’épreuve de la confrontation à l’environnement. Environnement maternel et aussi celui de toutes les choses qui se présentent, de tous les corps qui constituent cet environnement. Ce sont des comportements qui se construisent.
Investissement des affects dans des interactions tel est le principe des apprentissages qui édifient une existence individuelle. Il est vrai qu’au début la différence entre soi et non soi n’est pas évidente. Le corps propre est dans l’incertitude du soi et du non soi et fait l’objet d’interactions aux vertus d’apprentissages. On pourrait dire qu’il s’entraine comme toutes les interactions entrainent une construction comportementale. Cette construction est gestuelle mais aussi de langage, de modes de contacts, de coopérations avec d‘autres, et en définitive de savoir faire, tant pour les comportements que pour les interactions matérielles.
Ainsi cet apprentissage auto-constructeur est investi comme exercice de soi dans la construction du monde environnant avec les autres. C’est l’âge du faire, celui du factuel ou produire des effets est à la fois le but et l’exercice d’apprentissage.
Seulement cet apprentissage est aussi celui de la résistance des choses et des autres, avant même de trouver les concours les coopérations fructueuses. Dans la découverte de situations, de configurations variées, le jeu des interactions permet aussi bien d‘apprendre que de construire, se développer donc. Le jeu est l’exercice de la façon dont se jouent les interactions, avec l’accompagnement affectif qui va en faire une épreuve pénible ou une expérience gratifiante. C’est une des clés de tout apprentissage.
L’environnement peut donner à cette expérience une caution de progression dans l’individualisation d’une existence capable de participer au jeu des affaires collectives familiales et sociales. Elle y est alors encouragée. Au contraire lorsque se sont des inquiètements qui sont prodigués alors les découragements rendent difficiles les apprentissages. Ainsi la problématique de cet âge est elle prise dans la dialectique progression / régression qui favorise ou défavorise le jeu de construction.
Là aussi se familiarisent des comportements de reproduction conformiste ou de créativité, de captation des bénéfices du jeu ou bien de participation à un partage des expériences. Des personnalités sont structurées par le Sens familier qui est donné à cet âge de l’apprentissage humain notamment par les parents ou tous ceux qui ont pour tâche d’y concourir, à l’école par exemple dont c’est la mission. Ainsi le jeu des affects est investi dans le jeu des faits et sert de guide pour le pire ou pour le meilleur. Le désir de grandir s’y inscrit, avec la joie que chacun partage, même d’un âge plus avancé. Mais l’inquiétude de perdre les sentiments fusionnels tant de celui qui y est confronté dans l’enfance que ceux qui, en écho, éprouvent négativement cette épreuve, contrarie cette évolution.
L’apprentissage mimétique des façons d’exister est aussi bien constructif que régressif, source de grandes difficultés ou de grands bénéfices pour toute l’existence. L’investissement des affects dans un rapport, une interaction, la construction du corps et des comportements efficaces sont conditionnés par les premières relations, maternelles, familiales, et sociales.
La discipline le grandir est aussi celle d’accepter une séparation, de renoncer aux affects fusionnels pour des relations efficaces et gratifiantes. L’environnement est pour cela déterminant.
Le monde de l’enfance, de l’âge premier ou primaire, est tout dans cette dépendance où la proximité détermine le champ de l’existence. Le temps désiré y est court, celui du court terme, l’espace y est séparé en espace de confortation et espace de menaces ou d’inconfort avec les cloisonnements jugés nécessaires. Dans cet âge de l’humanité se construisent les dispositions matérielles et comportementales qui favorisent l’apprentissage et l’exercice existentiel et celles qui visent une sécurité, une défense. La subsistance, la sécurité et le confort sont les préoccupations de l’âge primaire de l’humanité. Combien ne le dépassent pas, pris dans les rets des affects qui s’imposent au lieu de s’investir dans les apprentissages ?
L’âge du faire, de l’enfance de l’humanité est un investissement de l’âge archaïque et non sa domination ou son élimination. De même il sera à investir dans les âges suivants sans que ses acquis disparaissent pour autant. Ils arrive même que les apprentissages doivent se prolonger tout au long de la vie en fonction des environnements rencontrés. Il arrive aussi que des régressions renvoient au primaire ou à l’archaïque de l’humanité. C’est souvent le cas en situations de crises.
L’apprentissage des interactions avec les choses, les autres et ce qui constitue l’environnement existentiel construit l’individu qui en viendra plus tard à s’identifier comme partie prenante d’une société et d’un monde humain. Il y a un saut entre le faire et la représentation du faire entre l’acteur agissant et la représentation de l’individu dans un scénario culturel par exemple. Mais avant d’entrer dans ce nouvel âge après la traversée du seuil de l’adolescence. Il nous faut aussi envisager ce qu’est l’âge du faire pour des groupes humains, des collectivités et au-delà, des civilisations au stade primaire.
On peut déjà considérer que des communautés primaires sont des communautés d’interactions centrées sur le faire, la subsistance, la sécurité, la confortation individuelle et collective. Ce sont des sociétés primaires investies dans le court terme le fonctionnement collectif, les jeux de société ou jeux collectifs qui sont des jeux d’apprentissages mais aussi les jeux de la co-existence matérielles, corporelle, comportementale. On n’y construit pas encore des modèles explicatifs complexes mais on fait les choses sous la gouverne ou sous le guidage des affects. Le bien est bien faire et se sentir bien individuellement et collectivement. Les régressions archaïques y font quelquesfois dominer les passions alors que le développement primaire les pacifie en les investissant.
Ainsi tous les groupes humains, les collectivités, les sociétés, les organisation, les civilisations passent par ce stade primaire. Il passe quelques fois pour l’âge d’or de l’enfance alors que ses apprentissages sont une épreuve permanente et sans cesse à renouveler.