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051 – Théorie des âges

Les âges de la vie conjuguent à la fois une temporalité sans laquelle on ne pourrait parler d’évolution mais aussi un changement sans lequel rien n’évoluerait. L’observation n’est jamais qu’une interprétation de l’expérience selon les modèles culturels en vigueur. Il y a ainsi une question générale et des traductions culturelles ou même des interprétations exprimant le Sens qui les guide.

Pour nous l’évolution selon les âges correspond au déploiement de l’existence selon la structure de l’expérience humaine. Le cohérenciel va donc être la structure explicative des différents âges sur une trajectoire à dessiner. En effet l’existence est un déploiement de l’expérience du Sens en ConSensus, l’expérience de l’Instance humaine qui se réalise comme existence. Si la dimension intentionnelle est comme la source de la flèche du temps la dimension attentionnelle ou objective est celle de l’espace des distances. La dimension projective spatio-temporelle est la dimension historique de ce déploiement.

L’expérience existentielle se déploie à partir d’un centre selon ces trois dimensions et les plans qui les relient. Elle apparait comme une émergence, à la fois émergence de la conscience et émergence simultanée à la conscience de ses contenus. Or il se trouve que ce déploiement n’est pas seulement linéaire selon une échelle qui serait la trisectrice des trois dimensions mais spiralée comme si les différents plans se dépliaient successivement.

La spirale est comme une forme de déploiement de l’esprit-Sens, le mode d’incarnation temporelle de l’esprit dans une existence en devenir et selon une fin qui est d‘accomplissement. En effet la succession des âges n’est pas une simple augmentation selon un critère quelconque mais un processus où se joue une réalisation progressive, un développement existentiel en même temps que se prépare un accomplissement d’humanité. Il faut bien comprendre cela, chaque âge construit l’existence, prépare les suivants, et s’y trame un pas d’accomplissement de plus selon un chemin de révélation. La vérité ultime de l’homme révélé à lui-même se produit selon le devenir d’une vie dont la trajectoire ou la voie est le développement des âges. Un âge n’est pas alors un état mais une étape de développement humain dont la consistance et les enjeux sont spécifiques. C’est là que se jouent les problèmes et les situations de l’existence.

Mais nous avons vu que l’existence individuelle ne se réalise que dans et par un conSensus dans une existence collective, celle d’une communauté donnée et celle du monde que cette communauté réalise, monde occupé par les choses de la vie, tout ce qui constitue une expérience existentielle. Dès lors les âges de la vie sont aussi bien ceux des individus, ceux des communautés d’appartenance, ceux des activités ou organisations humaines, ceux même des choses et des mondes humains. Rappelons que nous pouvons dire cela lorsque les âges sont appréhendés selon le Sens de l’accomplissement humain. Une vision purement matérialiste par exemple ne verra que les transformations selon les lois de la nature des choses matérielles et notamment celle de l’entropie ou du désordre fatal en final.

Nous allons envisager les âges de la vie d’abord pour notre existence individuelle mais aussi en parallèle pour les phénomènes d’évolution des réalités humaines que sont communautés, organisations, civilisations, et toutes choses en ces mondes que nous vivons. Nous nous intéresserons d’abord à la succession des âges et leurs spécificités et dans une seconde partie à leurs conséquences en termes de développement humain l’enjeu de toutes nos activités individuelles et collectives. Avant de traiter pas à pas cette histoire de l’humanité il nous faut en dresser un tableau d’ensemble.

Au commencement, depuis une conception initiale, l’un et les autres sont indistincts et c’est dans une affectation mutuelle que se construisent les soubassements de l’existence personnelle. C’est l’âge archaïque dont l’existence n’est qu’affects. Il s’agit bien ici de la personne qui n’est pas encore «venue au monde». Ce premier âge est alors comme préhistorique, n’y ayant pas encore de conscience distinctive il n’y a pas d’en soi ni de durée pour celui qui va naître – au monde des autres déjà là.

Arrive cette venue au monde, ou naissance pour ce monde de la communauté. C’est une expérience de séparation où l’un et le deux traversent l’expérience pour faire un soi et un non soi. Le premier seuil de passage est la naissance, la venue au monde la séparation fondatrice et un ébranlement dont toute l’existence se fera l’écho.

Après vient l’enfance où l’expérience factuelle de la confrontation aux autres corps se joue dans le faire qui en forme les apprentissages. L’âge primaire ou âge du faire est en fait le premier âge de développement où la conscience et l’expérience réalisée grandissent, où grandir semble l’affaire principale.

Un nouveau seuil se présente celui de l’adolescence où une nouvelle rupture se dessine entre un temps de croissance sous protection et un temps d’individualité qui se veut indépendante pour être l’acteur de son existence. Liberté et sécurité sont les deux pôles des ambiguïtés à vivre. Seul un renoncement permettra de franchir le passage. Bouleversement comme au premier seuil, nouvelle séparation pour intégrer une société.

Vient ensuite l’âge des représentations où l’existence se construit de son identité dans le tableau du monde commun, d’une société avec les structures et formes de vie qu’elle s‘est données. La conscience mentale régit les places et les cadres de vie tant pour les construire que pour s’y placer, y avoir une place. C’est ce qu’on appelle souvent l’âge adulte ou âge secondaire où chaque individu fait sa place dans une société avancée en participant à ses activités.

Mais un nouveau seuil se présente pour ceux qui en sont arrivés là. C’est le seuil de maturescence. Nouvelle rupture entre une identité en place, bien cadrée et une remise en question des statuts et des normes par la singularité et le lâcher prise qu’une autonomie responsable réclame. La solitude ontologique en même temps que la dépendance reconnue d’avec la communauté des autres plongent l’existence dans un engagement communautaire.

Vient ensuite l’âge du Sens et des communautés de Sens, le temps des responsabilités spirituelles dans les enjeux communautaires, ayant reconnu qu’il n’y a pas d’autre existence que communautaire mais que celle-ci est sous notre responsabilité et donc notre liberté d’être humain.

Après l’âge archaïque ou «préhistorique» sont venus les âges de développement aboutissant à l’engagement communautaire de l’existence. Mais vont venir maintenant les âges du désengagement existentiel. La mort et la vieillesse ne sont ni maladie ni accident mais déprise progressive de l’existence pour en venir à l’être. Nous entrons dans un champ d’expérience qui n’est pas partagé par tous en tout cas lecteurs de ces lignes. Seules les religions ou autres traditions racontent des histoires qui nous dépassent, surtout pris dans les âges de développement. Aussi ce n’est pas toujours compréhensible si on n’en a pas quelque expérience, ce qui n’est pas absent de quelque recoin de notre existence on le verra.

Pour mémoire, s’il en reste, parlons de l’âge du dé-faire qui suit un seuil de retrait, d’un âge du dé-parler où l’implication dans les jeux d’identité et d’échanges mentaux (réflexions, conversations) se déprend, d’un âge du désaffecté où les relations se délitent comme si une indifférence aux autres et à soi préparait un seuil du dé-naitre. Cette dés-implication existentielle souvent mal comprise par de plus jeunes angoissés par cette perspective, n’est pas pour autant une dés-implication spirituelle mais d’une spiritualité ontologique, toute à l’être qui vient s’accomplir…

Il reste à souligner que chaque moment, chaque situation de notre existence se déploie selon cette même histoire que nous vivons et revivons sans cesse pendant que notre existence suit son histoire et ses âges, au sein de ceux de nos communautés, inscrites dans nos civilisations. Cette expérience, comme une structure fractale, se réalise à toutes les échelles simultanément. Mais à chaque moment nous le vivons à l’échelle de l’expérience où nous nous sommes focalisés.

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