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059 – Le temps des idées

Le temps des idées

La deuxième phase du développement humain ou développement secondaire est celle du monde des idées. Il s’agit bien avec la conscience mentale de construire un monde de représentations. Ces représentations mentales ne sont pas des images photographiques des choses mais aussi une construction qui raconte l’expérience humaine aussi bien que l’expérience de soi-même. Par cette expérience mentale nous ne sommes plus seulement des choses interagissants avec d’autres choses avec habileté mais nous nous identifions dans un récit, un projet, une perspective ceux d’un monde où chacun trouve sa place tout en participant à la scène du monde. Le développement est alors cette construction idéelle qui a notamment deux fonctions : l’interprétation intellectuelle de l’homme et du monde factuel au-delà de la chose et de ses propriétés et l’ordonnancement des activités factuelles et du développement dans le monde des choses. La raison est l’instrument des deux, comprendre et agir concrètement, raison spéculative et raison opérative par exemple. La nouveauté est l’étendue de la représentation mentale qui n’est plus limitée à l’interaction de proximité et aussi sa mise en perspective à moyen terme c’est-à-dire au-delà comme en-deça de l’horizon du présent.

Le monde des idées rappel

Quelques définitions de l’idée :
«tout ce qui est représenté dans l’esprit, par opposition aux phénomènes concernant l’affectivité et l’action» Nous savons que ce sont des facettes de la même expérience mais ici l’idée vient en troisième lieu comme un autre type et niveau de conscience et fait retour pour appréhender, sur un autre mode, les expériences antérieures.
«Une idée est une vision des choses en esprit» (Wikipédia) Cela suppose qu’il y ait des choses dans l’expérience et que d’un lieu autre dit «l’esprit» un phénomène de conscience dit «vision» intervienne. Il y a le monde des choses et d’un autre lieu vient la vision des choses comme en recul qui en donne aussi bien un tableau d’ensemble que des vues de détails. Cet autre lieu peut être dit profondeur, hauteur de vue, recul, latéral, pour dire qu’il est comme ubiquitaire. Il peut être dit anticipateur et comme u-topique.

L’imagination et la rationalisation sont les maîtres mots de l’élaboration de cette conscience mentale auxquels il faut rajouter la question des langages ou systèmes de signes selon lesquels les idées sont exprimées.

Un problème doit être souligné avant d’entrer dans la question du développement humain à ce stade. C’est à la fois une incapacité à dépasser ce stade qui en fait quelques fois le sommet de l’expérience humaine et pire qui en fait le sous-bassement de toutes choses. La réification de l’idée et sa quasi sacralité en font le principe de toute chose et de l’abstraction mentale la condition de toute action humaine évoluée. Ces déviances sont particulièrement ébranlées lorsqu’il s‘agit de passer à un autre stade de développement et rendent obscures les lumières de la raison.

Le monde des idées dans lequel nous sommes immergés est celui de tous les «savoirs» qui sont des représentations mentales contingentes, des «vues de l’esprit» qui en arrivent à se prendre elles-mêmes comme objet de science. Il faudra distinguer le savoir comme chose à re-produire, le savoir comme image des choses rationalisée, le savoir comme participation à la scène du monde et son récit. Nous nous connaissons et reconnaissons par ces savoirs qui dépassent la portée de l’expérience factuelle et affective et nous situent dans un tableau du monde humain.

Le monde des idées est celui de tous les récits qui expriment aussi bien le sentiment ou l’expérience factuelle individuelle et collective et le situent dans un monde plus vaste. Toutes les expressions de pensée, dans les langages de l’art ou des langues de tous ordres participent, non seulement à l’extension du monde des idées mais aussi à sa projection dans le futur comme dans le passé ou le présent. Cette activité créatrice est une des moteurs du développement humain.

Le monde des idées est aussi celui des structures conçues pour être réalisées sous forme de constructions factuelles comme nos cités ou nos appareils de toutes sortes mais aussi comme règles d’organisation et de comportement. Les affaires de la cité, dites politiques administratives ou juridiques par exemple sont le théâtre des scènes et procédures instituées qui forment nos mondes d’existence collective mentale. Cela nous donne titres places, fonctions, identités, confortées par le jeux des signes de reconnaissance.

Le monde des idées est aussi celui de grand récits à vocation explicative et directrice de l’homme et du monde. Philosophies, religions, systèmes de croyances, idéologies rivalisent dans le traitement de la vérité du monde des idées notamment. C’est le lieu aussi de toutes les ambiguïtés entre la considération des idées comme premières ou alors comme le fruit de l’expérience humaine en développement. On laissera de côté les idées qui se prennent pour des faits ou des affects en ignorant leur source même.

Le développement individuel

Le contexte schématique du monde des idées permet d’aborder la question du développement individuel au stade secondaire. L’expérience des choses est une source évidente du développement mental. Ce développement est un travail de conceptualisation, de représentation de l’expérience pour l’inscrire dans le monde des idées. Même si le développement mental individuel est singulier comme l’est l’expérience factuelle, il n’est possible que dans le contexte d’un monde commun idéel déjà là. De ce fait la re-connaissance de ce monde commun est une condition du développement mental individuel. On pourrait distinguer un développement mental individuel dans un contexte collectif statique ou bien en développement et aussi un collectif dont le stade de développement est plus faible ou plus avancé que le stade de développement individuel. On peut aussi penser que dans un collectif le stade de développement soit hétérogène tout en constituant le contexte du développement de tel ou tel individu. L’une des caractéristiques du développement individuel dans le monde des idées est sa contribution au monde collectif mais aussi sa dépendance à celui-ci. Ainsi un enjeu est de trouver sa place dans le champ des représentations collectif, d’y tenir une place qui s’appuie sur l’existant mais aussi qui contribue à l’évolution de cet existant. Le développement individuel dans le monde des idées se nourrit du passé collectif, s’appuie sur les structures de ce monde collectif, se trouve aidé par des individus plus avancés dont c’est la fonction, contribue au développement de ce monde en y assumant un rôle d’aide au développement d’autres individus moins avancés.

Nous avons là le thème de la participation à la cité comme citoyen. Entrer dans cette phase de développement humain c’est naitre à une citoyenneté dans une cité développée mais aussi en cours de développement. Ce que nous avons vu ici c’est la construction de la cité et la participation du citoyen, construction mentale construction idéelle, qui porte au-delà du faire vers une projection dans le futur. Cette projection peut se nommer projet de société, processus de civilisation, en tout cas il articule individus et collectifs.

Le développement individuel est ici construction d’une identité individuelle selon sa place dans la cité et non comme un en soi. Il bénéficie pour cela de l’aide éducative d’enseignants qui facilitent les chemins de connaissance selon les cartes du territoire des idées de la cité. Il prend sa place dans la cité pour contribuer à son développement et en même temps poursuivre le sien en faisant évoluer sa participation. Ce développement individuel ne prétend pas à l’exhaustivité de la maîtrise des idées du collectif auquel il participe de même que chaque collectif chaque cité a sa propre culture des idées. La prétention à l’universalité des contenus idéels et leur maitrise est un handicap au développement de la cité et des individus.

Le développement collectif

Le développement humain collectif dans le monde des idées est celui de nos sociétés que l’on appelle parfois culture ou civilisation. Nous y sommes tellement inscrits que des représentations mentales comme la république, la démocratie qui sont des idées sont prises pour des faits ou même des affects. Il y a bien des faits et des affects dont sont issues ces idées mais qui en augmentent alors la consistance existentielle par la conscience nouvelle qu’elles inaugurent et par les développements qu’elles permettent. La cité avec ses conceptions, ses structures, sa culture, ses sciences, ses philosophies, ses croyances, ses institutions, ses modèles et ses lois, ses règles et procédures se développe non seulement par l’extension du champ des idées mais aussi par la rationalisation qui structure ce champ et l’ordonne en même temps qu’elle le mettent au service de l’existence et du développement, primaires dans le monde des choses.

Le développement collectif n’est pas un accès à un état idéal de la maitrise des idées mais par l’élaboration des idées qui rendent compte du monde des choses de la collectivité et contribuent à son développement primaire qui précède le développement mental. En outre il porte la représentation des choses de la cité au-delà de ses péripéties et au-delà de son champ de proximité et c’est comme cela que se construisent des collectifs de collectifs, des sociétés de sociétés, des nations et des ensembles multinationaux jusqu’à des ensemble mondialisés. Le développement de la cité construit le monde de l’humanité et la dialectique individu-collectivité s’étend à la dialectique collectifs-ensembles de collectifs.

Le moyens du développement de la cité sont singuliers, fonction de son expérience factuelle, son monde des choses et aussi de la participation aux mondes des idées multiculturel, des ensembles de collectifs. On notera un problème qui est une impasse, considérer que la cité peut être simplement un collectif d’individus en très grand nombre. C’est les exclure du procès de développement des idées sur la base de leur expérience de proximité et leur imposer des champs d’idées propres aux élites qui les ont construites. Ces dernières constituent un collectif dominant qui tiens les citoyens dans un état de minorité les empêchant de se développer à un nouveau stade et ainsi de mieux maitriser leur monde des choses propre. Cette alerte suggère aussi que pour sortir de cette impasse il faudrait reprendre le développement primaire et enchainer sur le développement secondaire à l’échelle des collectifs de proximité et d’en étendre le champ à d’autres collectifs au fur et à mesure de leur maîtrise. Seulement les «maitres de la raison et des idées» ne sont pas ceux qui le veulent ni le peuvent étant souvent enfermés dans leurs forteresses idéelles.

Le développement des projets et des entreprises humaines.

On l’a vu les projets et entreprises humaines sont le lieu de croisement du développement individuel et du développement collectif. Il en va de même au niveau du développement des représentations mentales mais avec le bénéfice de l’extension du champ à des ensembles de collectifs et à l’histoire rétrospective et prospective, le moyen terme.

Dès lors le champ d’activité et de maîtrise permet un déploiement dans l’étendue par la maitrise de la raison, c’est-à-dire étymologiquement une stratégie de développement. Ainsi la portée des projets et des entreprises humaines ainsi que sa maîtrise de leur développement sont d’ordre stratégique portant au-delà du visible factuellement mais pas mentalement. En outre ces projets et entreprises humaines ont pour vocation de participer et contribuer au développement tant des individus que des collectifs et aussi d‘autres projets et entreprises. C’est par ce canal que les individus participent au collectif comme citoyens véritables et que le collectif se développe en développant ses citoyens et leurs entreprises sans se substituer à eux et sans qu’il s‘exonèrent des enjeux collectifs qu’un certain individualisme croit pouvoir réaliser. L’erreur est d’oublier qu’il n’y a pas de développement individuel sans qu’il se situe dans un champ collectif quitte à le faire évoluer.

Ainsi la seconde étape du développement des projets et des entreprises et celui de la culture de leur capacité stratégique, prospective et opérationnelle et non pas l’extension quantitative de leur activité factuelle.

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