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057 – Seuils et mutations

Entre les différents âges des seuils de transition marquent des moments forts et quelques fois décisifs de l’existence. Trois seront étudiés ici. Le seuil de la naissance ou venue au monde entre l’âge archaïque et l’âge primaire. Le seuil de l’adolescence entre l’âge primaire et l’âge secondaire. Le seuil de maturescence entre l’âge secondaire et l’âge tertiaire. On citera pour mémoire l’âge du retrait entre l’âge tertiaire et les âges de la déprise.

Chacun de ces seuils est une épreuve de passage. Elle est à la fois comme une mort, une perte d’un monde et d’un mode existentiel familier au profit d’une renaissance a un autre monde où le mode existentiel sera nouveau et donc aussi la conscience de soi comme du monde. De ce fait l’épreuve est déstabilisatrice. Elle ouvre normalement sur un état de faible maîtrise et ferme un état de plus grande aisance. Selon l’antériorité l’épreuve de passage sera plus ou moins difficile. Elle est d’ailleurs caractérisée par deux crises. La première est une crise de remise en question d’une situation existentielle familière avec d’éventuelles résistances au changement. La seconde est une crise de maîtrise face à une configuration existentielle nouvelle. La première peut-être ou non douloureuse, la seconde bien qu’inquiétante peut-être enthousiasmante et joyeuse.

Ces seuils de passages ou transitions de vie sont aussi à considérer dans l’évolution des situations humaines, projets et entreprises, communautés, civilisations. Sur ce dernier plan nous sommes dans une mutation de civilisation entre un âge secondaire, âge des représentations mentales, âge de la raison et un âge du Sens et des communautés de Sens. Nous en verrons la nature des crises de passage dans lesquelles nous sommes engagés. On notera enfin que l’épreuve de passage d’un seuil, réveille les crises des seuils antérieurs plus ou moins maîtrisées et accroît le trouble existentiel.
Reste à considérer que chaque seuil est comme un carrefour dans lequel trouver la bonne voie, celle de l’accomplissement humain, favorisé ou défavorisé par les environnements communautaires si bien que c’est quelques fois l’occasion d’en changer.

Le seuil de la naissance

Depuis un monde de sensations, où le soi et le non soi sont confondus pour le futur nouveau né, intervient cet événement paroxystique d’être comme jeté dans le monde dans un en soi coupé de ce milieu maternel et ses environnements sensibles. L’en soi vit des sensations mais qui sont en grande partie nouvelles et heureusement il en retrouve quelques unes dans la proximité physique avec sa mère et aussi ses environnements familiers. Il y a ainsi l’en soi fusionnel et l’en soi séparé, distinct qui vit d’autres expériences. Celles-ci sont terrifiantes ou bien gratifiantes notamment si elles permettent le retour à ce monde fusionnel familier. Ce seront les premières expériences de l’âge primaire où le jeu des interactions avec le milieu va construire simultanément un en soi individuel et un monde environnant distinct de plus en plus.
Être sous l’emprise du milieu ou l’avoir sous son emprise, être structuré par les structures du milieu, être le jouet de l’environnement ou s’expérimenter comme intervenant dans cet environnement, toutes sortes d’expériences. La position maternelle favorise telle ou telle. Expérience de toute puissance ou de toute impuissance, expérience de la normalisation des structures de vie du vécu donc aussi, expérience des conditionnements subis, expérience de la demande qui abouti sans immédiateté toute puissante, voilà des orientations données aux premiers temps de la vie et dont les orientations ne sont pas sans rapport avec le Sens donné à la naissance d’un nouveau né. Tout le temps de l’enfance sera marqué par des retours à ce carrefour mais dans un voyage aux expériences foisonnantes et passionnantes. Ces questions se poseront aux créateurs et aux initiateurs de nouveaux mondes, de nouvelles institutions ou organisations.

Le seuil de l’adolescence

L’enfance a construit un individu autonome quant à ses comportements acquis mais dépendant quant aux conditions de son existence et le support de son environnement affectif. Si la logique de progression à pu prendre le dessus sur les logiques et pulsions régressives, la première crise de passage sera relativement anodine et l’adolescent pourra reconstituer des milieux et relations affectives plus indépendantes sans pour autant rejeter ce dont il va se séparer et notamment sa famille. Le rôle du père (symbolique) facilitera alors le passage et l’investissement dans un monde nouveau.
Si cela n’est pas le cas alors la crise sera plus sévère. Rejet du monde ancien et dépendances ou addictions compensatoires. Difficultés d’assumer sa nouvelle position dans un monde inconnu et difficile surtout si les attentes n’en sont pas suffisamment construites et les propositions pas suffisamment claires. Les enfants rois risquent la déchéance et réagissent dans la violence des sentiments qui reprennent le dessus et les passions destructrices et autodestructrices sont possibles. Ceux qui au contraire sont investis dans la naissance à un nouveau monde, à une citoyenneté ou participation à un environnement social et intellectuellement construit, s’attacheront à y trouver place et statut, titre et mode de vie pour participer aux enjeux socio-professionnels. Ceux qui sont plus orientés vers une indépendance profitable, alimenteront un narcissisme individualiste exploitant les opportunités du nouveau monde avec quelques fois les armes de l’ancien, qu’ils n’ont pas vraiment quitté. Ainsi des réussites de l’âge secondaire sont quelques fois des signes d’immaturité avec une revendication infantile de liberté et de droits. Cette position d’une adolescence non dépassée peut se jouer aussi au niveau d’une communauté, d’une (fausse) civilisation qui seront profondément ébranlées si la perspective d’un nouvel âge, d’un seuil de maturescence se présente. Nous sommes dans une situation de ce type où les crises d’un nouveau passage sont particulièrement éprouvantes et les résistances au changement paroxystiques. Les idéologies modernes en occident sont les boulets de la nouvelle mutation alors qu’elles se voudraient les bouées de ce qu’elles considèrent, comme un naufrage, devoir continuer à grandir et changer de monde.

Le seuil de maturescence

Le passage d’un âge où la maîtrise de la raison à pu construire un monde structuré, juridiquement, scientifiquement, administrativement, socialement, culturellement avec son intellectualité et ses élites sélectionnées à Un autre âge est un ébranlement inquiétant. Plus l’idéalisation, l’universalisation des modèles, des normes, des modes de vie individuels et collectifs s’est auto admirée, plus sa remise en question est critique.
Cela vaut pour les personnes, bien établies, élites ou simplement en bonne place et pour les communautés et civilisations. Il se trouve que l’aventure d’un nouvel âge reste rare si la communauté ( pays milieu ) et sa civilisation n’y sont pas engagés. Il se trouve que le monde est engagé dans une mutation de civilisation au seuil de maturescence. De ce fait c’est la compréhension de cette mutation et des crises associées qui peut éclairer les aventures individuelles expérimentées par les personnes, et la connaissance de cette transition mutation dans le développement humain qui éclaire la mutation de civilisation.

La première crise est la crise des représentations et de la Raison devenue insuffisante. C’est aussi une crise des modèles et des systèmes intellectuellement construits. Là ou il y avait maîtrise continue il y de plus en plus de défaillances, comme si ce qui avait marché ne marchait plus (entendu chez des responsables).
Elle impulse trois logiques de fuite que l’on voit s’agiter.
– La crispation sur les modèles du passé. On entend alors beaucoup d’incantations et de formules sacrées avec un accroissement des rigidités et des volontés de restauration.
– La fuite en avant dans les images, les signes, les subterfuges, les changements radicaux instantanés, la prolifération des lois et des règles, les statuts, les structures existentielles. L’individualisme souverain veut faire la preuve de son libre arbitraire, et est prêt à revendiquer même l’impossible et l’extravagant.
– La régression sceptique et déçue de la civilisation avancée. Le courtermisme primaire devient prioritaire, les pulsions archaÏques sont mises en valeur au travers d’un trafic émotionnel. La perspective du dépassement apparaît comme trop dangereuse et ramenée aux crises du passé, crises de puissance, crises de subsistance par exemple. La décroissance fait figure de nouvelle trajectoire.

La quatrième logique est celle de l’aventure du dépassement, de l’engagement dans un âge du Sens de l’autonomisation responsable, de l’engagement communautaire et de la refondation des enjeux communs recentrés sur l’humanité des affaires humaines, la responsabilité commune, le Sens du bien commun à toutes les échelles; politique, éducation, démocratie, économie sont concernés.

Seulement les moyens de cette nouvelle civilisation sont a développer : discernement des Sens, travail de conSensus, créativité orientée, intelligence symbolique. Comment assumer des questions inconnues avec des moyens inconnus. C’est ce qui fait la crise de passage qui est une crise de Sens.

En fait chacun et chaque communauté sont confrontés à la question du Sens de leur existence, du choix de Sens et de l’engagement partagé dans un Sens choisi. La responsabilité personnelle est investie dans le discernement, la détermination et l’engagement dans le Sens du bien commun.
Cela va dans tous les Sens alors qu’on ne sait pas encore ce que Sens veut vraiment dire. La conscience de Sens est très empirique, subjective mais aussi fragile aux influences.
En particulier les conceptions du monde et de l’homme, supposées d’une unique vérité formelles, sont foisonnantes et restent dans le non dit, n’étant pas habituées à ces approfondissements, a ces implications et responsabilités. Par exemple la crise de Sens confronte aux paradigmes en crise. La crise de la logique de rationalité, antagoniste à la logique de puissance, la crise de la logique naturaliste, antagoniste à la logique humaniste anthropocentrée. Ces crises de la compréhension et des connaissances se traduisent en courants de pensée où les pseudo évidences veulent faire l’économie du discernement. C’est à ce discernement que les hommes sont appelés, pour eux-mêmes et pour les communautés de conSensus où ils sont investis. C’est la l’entrée dans le monde de l’hominescence ( Michel Serres )

 

 

 

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