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046 – Positions intellectuelles

Selon le Sens dans lequel nous sommes disposé nous voyons le monde et le comprenons différemment. C’est la base des paradigmes, des positions intellectuelles, philosophiques, scientifiques ou simplement des conceptions communes. Chaque position est un point de vue qui a sa cohérence, vision du monde, vision de l’homme, finalités et enjeux, explications des situations, des phénomènes. En fait chaque question chaque situation peut être lue, comprise selon le Sens selon lequel on la considère.

Les positions d’être, existentielles nous font appréhender l’existence de façons différentes Nous allons reprendre certaines de ces positions pour dégager quatre logiques dominantes quatre visions du monde et de l’homme et leur explication. Toutes les pensées, philosophies, conceptions, idéologies peuvent être situées dans cette typologie des logiques intellectuelles à propos de toutes les affaires humaines. A chaque position correspond un paradigme, ce qui montre l’origine des paradigmes, une position d’être, un Sens privilégié par ceux qui le partagent dans une même compréhension du monde. A chaque fois c’est un un mode de connaissance spécifique, une position épistémologique donc. Une carte des Sens dite carte épistémologique en a été dessinée. On rappellera que les mots ne sont pas le Sens mais le signifient. Les termes utilisés sont donc contingents et c’est souvent leur assemblage qui éclaire le Sens commun qu’ils portent.

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Les quatre positions et logiques cognitives

Puissances et possessions

Le monde s’explique par le jeu et l’effet de puissances alliées ou antagonistes qui forment l’unité du monde et ses divisions. L’altérité est altération, une menace. La possession est l’emprise sur les puissances autres. Elle s’assortit d’accumulation matérielles et d’un pouvoir d’empêchement. Le jeu des puissances manichéennes, la lutte, les rapports de force, le combat, la guerre affective, matérielle, mentale constituent l’activité défensive et offensive des protagonistes. Pouvoirs d’emprise, de possession, intégrismes, monopolisations, promettent domination et protections. L’animalisme et les puissances animales expliquent les comportements où les pulsions émotionnelles favorisent les paranoïas et leurs différentes variantes.

À l’inverse

Raisons idéales

La Raison comme idéal, les idéaux comme modèles de rationalisation et d’humanisation du monde. Le monde est à construire et les hommes à édifier. La cité idéale en est un modèle pour l’organisation des existences individuelles et collectives sur le plan politique, juridique, économique, social, technique. Les affaires humaines se traitent par l’exercice de compétences techniques sur tous les registres, matériels et intellectuels avec la prévalence de ces derniers. L’organisation, le développement et l’interprétation rationnelle de l’homme et du monde ont été notamment les idéaux de la modernité à l’opposé des logiques de puissance et de possession. (La lutte contre cette altérité la fait basculer dans cette logique antagoniste avec l’arme de la raison idéologique et technocratique par exemple.)

Systèmes naturels

Le système est une représentation mentale des choses qui en déterminerait la nature elle-même. C’est comme cela que le système est considéré comme naturel, explicatif et substanciel sinon matériel. Les lois de la nature en sont la cause, le principe explicatif. Le monde est alors régi par des lois «écologiques» du système de la Nature. L’homéostasie en est le principe conservateur et l’antropie la dynamique naturelle sauf à supposer un finalisme biologique. Toute chose s’explique par la raison naturelle y compris l’homme. La société, l’économie relèvent des lois de la nature, systémiques; un néo mécaniscisme. L’intervention humaine est alors soit naturelle et déterminée par le système soit contre-nature apportant les dysfonctionnements qui en font «le maillon faible» de la Nature et la mettent en péril. Scientisme et positivismes, sont de cette logique naturaliste humainement normative et nécessaire mais a-morale.

À l’inverse

Cohérences culturelles

Le monde est la manifestation d’une expérience humaine réalisatrice et révélatrice de l’humanité. Cette expérience est culturelle en tant qu’expérience communautaire et en tant que culture des potentialités humaines. Les réalités du monde et de l’homme sont symboliques autant qu’elles re-présentent les Sens humain partagés en conSensus. Toute réalisation est co-création humaine, révélatrice d’une humanité qui se manifeste ainsi. De ce fait toute expérience de la réalité est relative à une culture humaine et en témoigne. La connaissance du monde et de l’homme contribuent à la révélation de son humanité. Le monde et la réalité de toutes choses sont de nature humaine et non l’inverse qui une position humaine paradoxale tendant à évacuer le sujet humain et son humanité.

Ces positions épistémologiques et intellectuelles se retrouvent dans des présupposés implicites, dans des courants de pensée anciens ou nouveaux. L’immersion dans l’un d’entre eux dans le regard qu’il impose rend aveugle aux autres sauf s’il cultive le discernement des Sens donc des différentes positions possibles et confère ainsi une liberté de choix et d’engagement humainement responsable. C’est comme cela que se présente notamment la question du bien de l’homme sur ce plan là. On notera que la relativité des points de vue ne constitue pas fatalement un relativisme où tout se vaudrait.

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045 – Postures existentielles

Des positions d’être dans l’existence conjuguent les positions existentielles explorées antérieurement et se caractérisent par des attitudes dans l’existence. Ces postures expriment donc un Sens mais aussi des conSensus qui en font des positions collectives. Il faut rappeler que le Sens n’en est généralement pas conscient même si la persévérance dans leur mode d’être semble toujours essentiel aux intéressés. Les relations humaines sont aussi faites de proximités qui apparaissent comme des complémentarités, convergences et divergences simultanées. Par exemple les positions dominatrices et victimaires dont on voit les convergences et divergences dans le tableau ci-dessous. Mais aussi dominatrices et protectrices sous un autre angle ou dominatrices et supérieures dans d’autres configurations.

Ces indications peuvent servir de repères pour mieux comprendre les situations et les relations humaines. On notera aussi à quelles postures correspondent spécifiquement les positions individualistes ou les positions participatives, les positions d’autonomie ou les positions conformistes, les positions fatalistes ou les positions progressistes. Ces proximités aideront à mieux comprendre les logiques existentielles selon lesquelles nous sommes orientés. Logiques d’action, logiques de conceptions, logiques de situations notamment.

La question des changements de Sens sera explorée dans la troisième partie des leçons.

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044 – L’homme responsable

Ces deux positions existentielles opposées touchent à des questions cruciales. D’une part toute la problématique de l’individualisme fruit des visées de la modernité et centre des critiques de l’homme contemporain, d’autre part la problématique de la participation au bien commun et de la responsabilité de chacun dans les affaires communes traditionnellement valorisées alors que les fondements en restent le plus souvent dans l’obscurité. Comment concilier les enjeux individuels de l’existence, y compris le bien personnel, avec les enjeux communs et le bien commun ? Les pensées modernes sont dans l’impasse. Comment la participation aux affaires communes peut servir le bien personnel et le bien personnel le bien commun. De même comment ce qui ne sert pas le bien personnel dessert le bien commun et ce qui ne sert pas le bien commun dessert le bien personnel. Il y a une réponse à cela celle de la seule gestion de l’équilibre des échanges existentiels ou bien celle que propose l’Humanisme Méthodologique qui montre que le Sens du bien commun est le Sens du bien personnel partagé en conSensus. La clé est là, les modalités existentielles en sont des traductions culturelles. Ainsi, la responsabilité de chacun est engagée dans le bien commun et donc dans le bien des autres dont l’engagement personnel et commun répond du bien de chacun. Sont en opposition deux positions de vie, d’une part le Sens de l’individualisme et d’autre part le Sens communautaire, celui de la responsabilité personnelle.

Le Sens de l’individualisme.

L’individualisme c’est la quête de souveraineté de l’individu, identifiée à son vouloir, sur son existence dans le monde. L’individualité est le fait que l’existence de chacun est distincte de toute autre mais participe du même monde dont elle est dépendante. L’individualisme récuse cette dépendance et agit dans cette perspective. Cette position existentielle se traduit par la captation de ce qui ne dépend pas de soi pour le faire sien. Captation des biens autres, captation des autres par toutes sortes d’emprises. La séduction (séduire c’est détourner de son Sens) en est un vecteur, la spéculation un autre qui est fondé sur le principe d’une mise-appât minimum pour un gain maximum. Pour l’individualisme l’intention propre est arbitraire et auto légitimée. On l’appellera le libre arbitraire pour le distinguer du libre arbitre. Celui-ci supposerait un discernement qui n’est pas jugé nécessaire. Le bon vouloir c’est le vouloir toujours bon. Chacun ses propres valeurs mais dans son monde à soi seules les siennes propres valent réduisant le champ des autres à ce qui n’est pas de son monde à soi, un hors frontières. L’individualisme est réduction de l’être à l’existant et celui ci à une dépendance du seul sujet intentionnel. L’idée d’émancipation de l’individu comme libération des dépendances anciennes, famille, communautés, religions est une expression de l’individualisme moderne. Cependant il y a toujours une volonté qui se veut souveraine qui cherche à s’imposer si bien que la souveraineté de l’individu est un leurre. L’individualisme est des uns est toujours contredit par l’individualisme des autres.

Dans cette même logique des individualités complexes sont conçues et constituées pour légitimer ou faciliter l’accès à une souveraineté promise. Des groupes, collectivités, nations, etc. sont constituées sur la logique individualiste captatrice, séductrice, spéculatrice. Ils veillent à ne dépendre de rien mais à faire dépendre les autres y compris par rapport à leur propre population. Dans le passé le colonialisme en a été une expression, le souci des droits de l’homme sans les devoirs une manifestation ambigüe, l’arrogance occidentale une démonstration. L’individualisme n’est pas une spécificité occidentale mais y a été largement cultivé.

Un autre aspect de l’individualisme c’est la logique de l’intérêt particulier et du profit lorsqu’ils sont conçus comme relevant d’un libre arbitraire. Profiter des autres et des situations pour capter des ressources ou des biens revient à «prendre sur eux» dans cette logique. Les notions de profit ou d’intérêt ont bien d’autres Sens que celui-là mais leur dénonciation est souvent le fait de ceux qui veulent profiter à la place des autres dans la même logique qui dénonce l’individualisme chez les autres au service de ses propres intérêts.

Le Sens communautaire de la participation responsable

L’individualisme sait se draper dans un angélisme séducteur qui est quelques fois de suggérer une soumission aux intérêts de quelque collectif posé comme supérieur. Or le Sens communautaire repose sur la reconnaissance implicite de la participation de soi au conSensus qui fonde la communauté de Sens. Cette participation est responsable doublement d’une part parce qu’elle est co-constitutive de la communauté par le partage de Sens et d’autre par le Sens privilégié dans ce conSensus. Participer à la communauté et à l’orientation de son devenir sont ainsi liés. Cependant cette participation responsable au conSensus qui dépend du discernement et des engagements comme on le verra, s’actualise dans un monde commun et aussi sa propre existence individuelle qui en fait partie et en est dépendante. Ainsi le libre arbitre est ici l’exercice d’une responsabilité dans et pour la communauté sans pour autant lever les dépendances existentielles. L’autonomie accepte les dépendances dont dépend son existence individuelle dans le monde commun sauf à quitter la communauté.

Toutes les affaires humaines sont communautaires, et cette position d’être se conçoit comme participation aux affaires communes et à la responsabilité de leur traitement. Tous les domaines du politique, de l’économique, de l’éducation, etc sont concernés évidemment mais aussi tout ce qui concerne l’existence des individus et la sienne propre. Ainsi les affaires individuelles sont-elles toujours communautaires et les affaires communautaires se traduisent-elles dans les existences individuelles. C’est ainsi que parmi les affaires individuelles figurent les relations humaines, les relations avec les autres ou avec un autre. On verra alors que les relations interpersonnelles sont toujours situées dans un contexte communautaire ce qui explique les rituels sociaux et règles associés aux relations inter-individuelles. Les relations inter-individuelles participent de l’existence communautaire et celle-ci se traduit par un faisceau de relations interpersonnelles.

Il en va de même pour de petites communautés qui s’inscrivent dans de plus grandes.

Ce qui est sans doute nouveau pour une culture individualiste c’est le fait que le libre arbitre des personnes se construit et s’exerce dans la participation au conSensus communautaire et à ses implications ou dépendances existentielles. Mieux que cela il contribue au devenir communautaire dans une sorte de réciprocité intrinsèque. De même la responsabilité communautaire se traduit par la responsabilisation des personnes. Ce que gagne l’un enrichi l’autre et vice versa. Le profit de l’un est le profit de l’autre et il n’intervient là aucune balance des comptes. Par contre dans le monde des dépendances associé, les échanges existentiels (matériels par exemple)  sont possibles comme marquant symboliquement les participations communautaires. Ainsi par exemple le Sens du bien commun, communautaire, est dans le conSensus des membres de la communauté par leurs Sens propres et il se traduit par des biens et services existentiels qui eux s’inscrivent toujours dans des échanges qui les déterminent.

Ces quelques repères montreront sans doute au lecteur combien le monde de l’individualisme nous est plus familier que celui de la participation communautaire plus idéalisée ou mythifiée que pensée.

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043 – L’homme libre

Liberté et égalité sont quelques fois perçus comme antinomiques. La liberté ferait le lit du chacun pour soi et l’égalité serait le gage du respect de la norme. Nous avons bien là deux logiques opposées entre une conception de l’homme en quête d’autonomie c’est-à-dire de libre détermination de ses engagements dans l’existence et une autre qui souhaite éviter tout écart par rapport à une règle normative qui détermine les conditions existentielles. La conformité ou l’originalité, l’évitement du risque de l’incertitude ou la prise de risque de l’inconnu donc de l’autre, le même ou l’autre comme alter ego. Ces deux Sens sont présents en chacun mais ils sont aussi actifs dans des courants de pensée, des conceptions politiques et philosophiques, et aussi au moment de crises où la crainte de l’incertain peut conduire à des crispations, des rigidités plutôt qu’à l’innovation, la créativité, la découverte. Il est vrai que la liberté qui est une des conditions du bien de l’homme n’est pas suffisante comme on le verra plus tard. En attendant nous allons explorer ces deux positions de vie, positions d’être, positions existentielles.

 Le Sens de la conformité.

Au fond il correspond à une conception de l’existence comme conditionnée par des lois naturelles, par des règles de comportement, par des structures et des programmes préétablis. La pensée structuraliste est de cet ordre qui cherche les structures sous jacentes, explicatives et ordonnatrices aussi bien des choses que des phénomènes, de la pensée comme du langage, des organisations comme des comportements. Tout s’explique par la raison qui est le principe ordonnateur de toute réalité. Connaitre la raison c’est expliquer les choses, appliquer la raison c’est réaliser les choses. On notera que si toute chose s’explique par la raison alors la raison s’impose à tous. Son statut est d’être universelle. Y déroger c’est déraisonner. Nulle démocratie authentique. La vertu supérieure est d’abord pour l’homme de reconnaitre la raison des choses tâche confiée au raisonnement et à la science du moins une certaine conception de la science. Elle est ensuite de s’y référer pour toutes explication ou pour tout projet et en cela se conformer aux règles de la raison. Elle est enfin d’utiliser la raison pour agir dans les moyens et dans les productions.

Nous reconnaissons là le programme d’une civilisation moderne, programme de rationalisation du monde et des comportements humains, que ce soit dans la production des savoirs (savoir la raison des choses) et leur transmission, que ce soit dans la régulation des affaires humaines par des lois et normes juridiques, administratives etc., que ce soit par l’organisation des activités et la réalisation des cadres et structures de l’existence individuelle et collective. Il y a cependant différentes variantes dans les conceptions de la raison, linéaire ou systémique, idéale ou instrumentale qui constituent le rationalisme, plaçant la raison au fond des choses et de l’homme. De là à en faire une religion le pas a été franchi. Il est aussi remarquable que la capacité d’appliquer le programme rationaliste, des savoirs à l’ordonnancement des affaires humaines, a constitué toute une hiérarchie d’encadrement des sociétés modernes ainsi que tout un ensemble de modèles normatifs dans tous les domaines. La normalisation et l’uniformisation des modèles au nom de l’universalité de la raison a constitué un des grands programmes de la civilisation occidentale, réussi selon ses normes mais maintenant en crise.

Cette disposition d‘être inscrit les hommes dans une quête de conformités bénéfiques depuis l’école en passant par les activités professionnelles jusqu’à toute l’organisation de la vie personnelle, sociale et aussi morale et intellectuelle. S’y attachent des moyens de conformation formateurs, l’acquisition des réflexes de comportement et de réflexion, les dispositifs de régulation et de normalisation. En particulier la vérification de conformité à la norme assure l’égalité entre les hommes par égalité de chacun à la norme pré-établie donnant un certain pouvoir aux normalisateurs. En fait dans le modèle rationaliste rien de l’existence personnelle et collective, rien des choses et du monde ne se détermine par lui même mais est déterminé par la raison ou quelque de ses formes. Il est plus délicat de savoir ce qui détermine la raison et ses formes. C’est là l’impasse des conceptions rationalistes et des conformismes. Elles annihilent l’être même qui s’évertue à coîncider à la forme première et dément ainsi son propre projet.

Le Sens de l’autonomie

L’autonomie n’est pas l’indépendance et la quête d’autonomie est la recherche de la connaissance et l’exercice de la puissance d’être. Dans cette position de vie l’expérience de l’existence s’accompagne d’une foi en l’être qui existe ainsi. Sans le connaitre, sans aucun savoir à son égard autre que d’en assumer de l’être soi-même, la foi en l’être est aussi confiance en ce que l’être des uns ou des autres détermine leur existence propre dans les conditions où ils se trouvent à exister. Son existence individuelle identifie la personne dont l’être s’exprime ainsi dans le rapport aux autres personnes. Dit autrement l’existence exprime l’être, le manifeste dans le champ d’une conscience, d’une visibilité qui témoigne d’un invisible qui est là au coeur de ce qui existe. Il est vrai qu’une interprétation, une déviance pourrait en venir à croire en la toute puissance de l’être qui créerait son existence lui-même alors qu’elle est conditionnée par l’être des autres. Avec l’autonomie il ne s’agit pas d’échapper aux autres visant une indépendance illusoire mais d’assumer sa participation à une existence commune selon les potentialités de son être propre. Chaque existence est unique et dépend de tous les autres c’est cela une personne humaine.

Le Sens de l’autonomie est cette disposition d‘être qui associe foi en l’être, de soi et des autres, et exercice de cette liberté d’être comme ceci ou cela. Nous voyons bien que cette liberté n’est que potentielle et que l’autonomie qui ne connait pas ses racines est illusoire et vaine. Il est donc nécessaire que se découvrent les sources de la liberté humaine dans la transcendance de l’être par rapport à l’existence et la multiplicité des possibles, multiplicité des Sens donc sans quoi la liberté n’aurait pas de champ ni de choix. L’auto-détermination suppose que l’on ai une certaine maîtrise de cette liberté de cette autonomie et donc de la conscience d’être ou conscience de Sens. Se tenir dans le Sens de l’autonomie c’est viser l’autonomisation en même temps que de l’exercer. Il n’y a pas besoin de conscience d’être pour exister. Il y a besoin d’une foi en l’être pour engager une quête d’autonomie, un processus d’autonomisation et de conscience d’être (de Sens). La foi en l’être est une foi en l’homme et plus exactement en une humanité de l’homme qui transcende ses conditions existentielles et s’y exprime. La position inverse est une défiance visà-vis d’une humanité de l’homme. Il faut rappeler ici que l’un de pères du structuralisme (Levi Strauss) à voulu cultiver un anti-humanisme théorique assignant aux sciences humaines d’avoir à dissoudre la notion d’homme pour en faire une simple catégorie structurelle.

Seulement on le voit le Sens de l’autonomie se traduit par cette foi en l’homme et cette prise de risque qui suppose de s’engager avant même de tout maîtriser de son propre être, conscience et puissance, et aussi de l’être des autres et leurs engagements dont dépendent nos propres engagements. Ainsi les entreprises humaines, les créations de tous ordres, les expérimentations, les innovations, les ambitions, mais aussi les engagements avec d’autres dans le mystère des êtres supposent cette même foi. Cependant si cette foi est aveugle c’est la quête de la lumière qu’elle provoque et non pas l’abdication du conformisme qui se fie aux normes plus qu’aux hommes et même qu’à son propre être. Alors les normes, les continuités formelles, les structures, la raison, l’organisation, l’ordonnancement des choses et du monde et aussi des engagements humains sont-ils bannis? Certes non. C’est leur statut qui change. De source cause ou conditionnement de l’existence ils deviennent des artifices de médiation, c’est-à-dire des moyens pour aider aux engagements et aux réalisations humaines. Ces moyens aideront à y voir plus clair, à partager, à articuler, à transmettre aussi. Mais ce ne sont pas les moyens qui agissent mais les hommes par leur être. Telle est la considération qui reconnait une possible liberté de l‘homme dans la contingence de son existence. Une condition de la révélation de son humanité et de la libre disposition de sa puissance d’être humain. Le Sens inverse qui le nie en cultivant sa défiance, aliène l’homme qu’il veut rassurer. Les Etats, les institutions, les dogmatismes, réclament non pas une réforme pour trouver meilleure norme mais une conversion, une véritable révolution. En venir à une liberté d’être, liberté spirituelle donc, suppose l’être et une foi en l’humanité qui ne se cherchera dans aucune destruction d’être. Ce type de révolution s’y égare quelques fois.

 

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042 – L’homme debout

Deux positions existentielles opposées dès le commencement de l’existence. Après la naissance la séparation d’avec un milieu auquel il se trouvait confondu inaugure pour le petit homme cette dualité entre retrouver le milieu premier et découvrir le monde et y grandir. Une des plus grandes joies de l’existence que de voir un petit homme s’évertuer à grandir, une des plus grande peine que de voir des hommes régresser vers des postures archaïques pulsionnelles. Nous nous y reconnaissons parce que ces deux Sens sont en nous et résonnent à l’expérience. Progression et régression deux mouvements existentiels  auxquels nous sommes confrontés en nous même et dans les autres. D’un côté le conSensus, inconscient, passe pour le tout dans une dépendance absolue au milieu à l’environnement aux déterminations qui s’exercent sur la totalité de notre existence. L’objectivisme est acte d’objectivation qui dénie le sujet du verbe objectiver. Il n’y a qu’une réalité englobante aussi bien pour l’extérieur que l’intérieur de notre corps. De l’autre le Sens par lequel nous participons à ce conSensus mais qui nous pose comme sujet de désir, d’aspirations, d’une élévation qui nous qualifie et nous permet de viser un plus grand bien humain.

D’un côté un matérialisme qui nous engage dans une régression, de l’autre un humanisme qui nous engage dans une progression. L’homme debout est celui qui se dresse et grandit, l’autre est celui qui se traine et survit.

Comment les reconnaître, en nous même aussi ?

Le Sens de la régression

Il vise à retrouver cette situation de non différence, de confusion fusionnelle, par toutes sortes de moyens qui abolissent les frontières entre soi et non soi. Faut-il les inventorier ces pratiques de perte de contrôle signalées par une promesse de jouissance si tant est que cette jouissance est coïncidence de soi et du non soi. L’émotion est un vecteur comme toutes les mises en sommeil et ce qui nous emporte, comme malgré nous, plus fort que nous qui fait que l’abandon de soi est possible. Seulement il y a un déni de soi, un clivage en soi entre ce qui est, entre celui qui désire régresser et sa négation. L’autre par sa non confusion avec soi et surtout par la manifestation de son désir différent vient démentir la perspective fusionnelle sauf à éliminer cette différence soit dans sa disparition soit dans quelque confusion. La culpabilité est ce sentiment de contradiction interne, de coupure entre l’être fusionné, sans vouloir donc et le vouloir être ainsi qui dément le non soi. Cette culpabilité est bien sûr de la faute à l’autre qu’il faut donc sanctionner ou dont il faut alors sectionner ce par quoi il se différencie dans sa volonté, sa tête par exemple.

Le Sens de la régression est comme une chute, comme on tombe sous le coup d’un sentiment qui submerge, emporté dans un emportement plus fort que soi. C’est aussi la source d’une croyance opportuniste celle de l’exo-détermination totale par l’environnement, un environnement dont les éléments font masse. La masse y est alors source de toute puissance et, en tant qu’élément, nous ne pouvons que jouïr de cette puissance ou être éliminé. Mais il a quelque fatalité qui fait que l’abandon de soi à la masse (être à la masse) entraine une souffrance. L’être en soi reste en souffrance d’être nié par lui-même et dont la négation trouve obstacle partout dans l’existence avec les autres sauf à les ramener au même, sans plus d’altérité que de singularité. On notera que les théories matérialistes ont du mal à soutenir les mises en question de sciences interrogatrices.

Parmi les caractéristique de cette position de vie vouée à une quête de jouissance fusionnelle ou à la lutte pour la survie dans l’obéissance aux «besoins naturels» qui ne dépendent pas de soi on va retrouver différentes scènes.

La manichéisme qui sépare le bien fusionnel du mal qui justement l’en sépare. La division, la différence c’est le mal, le différent est diviseur il faut l’exclure. La fatalité du mal, l’autre, obsède sa nécessaire éviction, combat permanent, rapport de force vital, lutte finale toujours avortée. A vouloir le bien hors de soi la lutte contre soi en l’autre est fatale et l’éradication du mal la condition du bien.

La matière qui est première est source de toutes les convoitises et les oppressions. La puissance des masses et de la masse est nécessité vitale et détermine la primauté de l’exploitation matérielle source de tous biens et de tous maux.

Mais la matière est aussi comme la matrice d’où on vient et à laquelle le retour est coupablement désirable, celui des autres notamment. Que de luttes et règlements de compte sur ce chemin de la régression. Les portes du paradis dont l’homme a été chassé sont gardées par les cerbères qui font du retour un enfer. C’est cela qu’on se raconte dans le Sens de la régression.
A l’opposé le Sens de la progression humaine.

Lieu d’un désir propre qui peut se faire volonté, l’homme poursuit la recherche de son bien dans l’accomplissement de sa quête. Cet accomplissement le révèle comme capable de réalisation, de cheminement, de développement, eux-mêmes révélateurs de cette capacité. Il est assez commun lorsqu’une civilisation est engagée que les hommes élèvent leurs enfants. Par là ils les aident à «sortir des jupes de leur mère» figure de régression, non pas tant pour rester à distance que pour s’investir dans l’élévation de leur qualification d’être humain. Le jeu comme les apprentissages y participent pour exercer une volonté qui se fait détermination au fur et à mesure de la maturité humaine. Ce progrès en humanité est la visée de l’humanisme (en principe). Assumer le Sens en soi sous le mode intentionnel l’exercer dans la quête d’un plus grand bien qu’il soit bien faire ou bien penser par exemple telle est la visée du Sens de la progression. Cette sorte de maîtrise de son intentionnalité qualifiant par ses actes et ses oeuvres le fait d’être humain, ne vise pas seulement à accomplir un désir quelconque mais à témoigner de l’humanité en soi comme potentiel de devenir, de grandir en maîtrise et détermination. C’est cela la valeur humaine.

Le Sens de la progression se retrouve dans la quête du progrès humain comme témoignage d’humanité. Développement personnel développement de toutes sortes de projets, expression de richesses de l’intentionnalité humaine dans ses oeuvres qui sont belles par cela seulement qu’elles en portent témoignage à d’autres hommes qui sont invités à s’y investir. Les objectifs qui voudraient faire fi de l’intentionalité subjective par exemple sous le mode de la nécessité vont à contre Sens substituant au témoignage du vouloir la reddition au besoin et au nécessaire c’est-à-dire au non vouloir.

Le développement des oeuvres humaines personnelles et collectives est à la fois édification de l’humanité et à la fois édification de ces oeuvres. A la fois apprentissage et à la fois témoignage. Grandir c’est l’enjeu de toute la vie, la formation tout au long de la vie n’est pas une nécessité mais un témoignage d’humanité porteuse de Sens et qui en exprime la valeur. Dans ce Sens là tout est devenir intentionnel, tout est projet à une étape ou l’autre, tout est expression d’humanité dans ce témoignage même. Le fatalisme en est l’inverse et la lutte contre le mal l’antithèse. Cultiver cette valeur d’humanité dans ce qui est oeuvre humaine en toute chose et en toutes circonstances telle est l’intention de l’humanisme.

Mais suffit-il de se mettre en chemin de progression pour que le bien de l’homme soit assuré ? Il y a encore d’autres Sens à discerner et à déterminer. Toutes les intentions, tous les désirs n’accomplissent pas l’homme.

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041 – Les Sens de l’existence

Ce chapitre va être consacré à l’exploration des Sens, positions de vie, positions d’être, positions existentielles. Il s’agit des Sens de l’humanité en nous selon lesquels nous appréhendons l’homme et le monde, nous en cherchons le bien, nous les réalisons.

Le Sens du bien est toujours pris dans un ensemble où se trouve l’inverse et aussi d’autres qui balaient tous les possibles. Ainsi on ne peut discerner le Sens du bien comme s’il était séparable de tous les autres, comme si on pouvait ne pas voir ce qui s’y oppose ou en diverge. Inversement ce discernement du Sens du bien n’est rien s’il ne se nourrit que de l’inverse et d’une opposition au véritable Sens incertain.

Ainsi pour apercevoir ce que peut être le Sens du bien il nous faudra en explorer d’autres, voisins ou radicalement divergents.

Le Sens transcende l’existence et dans l’existence nous ne voyons pas le Sens. Il est en nous et par le langage, l’expérience nous pouvons y accéder en nous-même. Il faudra donc au lecteur se livrer à une lecture particulière. Lire ce qui est proposé, entendre les résonances que cela évoque et reconnaitre la «position d’être» le Sens en soi qui les porte. De cette position d’être il est alors possible de «projeter» d’autres expériences d’autres expressions et même de le reconnaître à nouveau dans des conceptions, des situations, des engagements. C’est comme cela que le lecteur pourra commencer à appréhender ce que peut être le bien de l’homme par le discernement du Sens du bien.

Le Sens, on l’a vu, s’exprime sous les modes affectifs, factuels, mentaux, objectifs, subjectifs, projectifs et en définitive, relationnels et situationnels. Les matériaux d’illustration des Sens seront de ces ordres là et le lecteur les enrichira par ses propres résonances.

Pour, en définitive, appréhender le Sens du bien humain nous allons donc explorer d’abord toute une palette des Sens qui supporte des positions d’être avec un rapport particulier à l’existence. Ensuite nous explorerons trois types de positions existentielles avec les Sens qui les sous tendent, les conceptions de l’homme et du monde avec les modes de pensées associées, les finalités et mobiles associés, les modes d’engagement dans les relations et les affaires humaines.

Nous utiliserons une image pour faire sens, celle de la boussole où, se trouvant être le centre, nous pouvons nous tourner dans toutes les directions. Les propositions et les illustrations le suggèreront comme autant de paysages qui invitent à un type de regard, une position de Sens, une position d’être, intérieure. Le but n’est pas de quadriller l’espace de tous les Sens dans une illusion de maîtrise de l’être mais de construire des repères facilitateurs, pour interroger la variété des Sens, la diversité des positions possibles, pour favoriser surtout le discernement du meilleur Sens, le Sens du bien qu’il s’agit de comprendre pour s’y retrouver.

Pour les positions d’être on envisagera trois dialectiques ou couples de Sens opposés portant des grandes positions de vie et d’existence humaine. Par la suite en seront dérivés trois plans d’analyse où se dégageront des positions existentielles. Des cartes de Sens ou cartes de cohérences serviront de support visuel.

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040 – L’homme en devenir

Nous le savons maintenant, l’homme est un être de Sens dont l’existence est expérience du conSensus relation d’être avec les autres. Comme être de Sens tout ce qui le concerne s’inscrit dans la question d’un devenir. Ce devenir est marqué par les critères et figures du bien, du désir d’être, en pleine possession de soi, au travers des situations existentielles donc partagées en conSensus. C’est une question d‘orientation vers son bien. Il est marqué aussi par la connaissance et la conscience qui poursuivent, dans toutes les circonstances, la vérité de soi, la vérité d’être humain. Le dévoilement se cherche au travers de la reconnaissance des voiles de la conscience existentielle. C’est donc ainsi une question de re-connaissance de soi comme être de Sens. Le devenir est marqué par le mouvement de vie et toutes les péripéties de l’existence où s’éprouve et s’expérimente peu à peu la puissance d’être humain au travers de ses dépendances et de ses maturations progressives. La voie, la vérité, la vie.

La question du bien de l’homme est au fond une question de Sens puisqu’il est un être de Sens. C’est une question d’orientation, une question de conscience d’être, une question de puissance d’agir. Dans quel ordre ? On pencherait volontiers pour une conscience précédant une orientation permettant le développement d’une puissance d’agir ou maîtrise de soi en situation. Cependant, l’existence nous offre d’abord une inconscience, une impuissance d’agir qui très vite sont orientées par d’autres, les parents par exemple, vers un grandir en conscience et en compétence, du moins est-ce souhaitable. La maîtrise de cette orientation donc la liberté d’être en tel ou tel Sens pour choisir le bon, ne nous appartient pas et c’est justement un bien de pouvoir progressivement les cultiver. Cependant, nous sommes aux prises avec des penchants multiples dont le penchant originel de régression à l’opposé du grandir et ses progressions. Le rôle des autres est majeur dans la possibilité de cultiver notre bien propre. Cependant, si nous avons besoin des autres pour cela nous devons nous en approprier les conditions : la conscience qui donne la liberté d’orientation qui procure une certaine puissance d’agir. Ce cercle vertueux nous ne le maîtrisons que peu à peu dans la dépendance des autres mais aussi leur dépendance vis-à-vis de notre propre chemin. Le bien des uns se cultive avec le bien des autres et, on le verra, le Sens du bien personnel se trouvera être le Sens du bien commun de la communauté de conSensus pour ce qui est de notre existence partagée.

Se dessine le chemin du passage d’une totale impuissance d’être à une maîtrise de notre humanité et donc de notre existence elle-même et ce grâce au conSensus avec les autres  où la dépendance existentielle devient responsabilité commune. Alors ce qui a été dit sur l’existence et la réalité du monde, le temps et l’espace donnent toute leur dimension à ce processus d’accomplissement de notre humanité comme étant notre bien d’être humain. Tout serait relativement simple si la question était d’avancer ou de reculer, de vivre ou survivre. Cette dialectique binaire source des manichéïsmes ne permet pas cette épreuve de liberté comme responsabilité d’humanité, la notre et celle des autres. Elle confond, par exemple, indépendance, c’est-à-dire la souveraineté d’un individu existentiel sans transcendance et donc sans Sens, avec l’autonomie personnelle d’une humanité donnée à se découvrir et s’accomplir y compris dans la maîtrise responsable de son existence même et celle des mondes communs.

Alors, puisque le bien de l’homme est une question de Sens il va nous falloir approfondir ce qu’est le Sens dans tous ses états pour pouvoir reconnaitre ce qu’est le bon Sens c’est-à-dire le Sens du bien.

Peut-on s’orienter s’il n’y a pas un espace, un contexte dans lequel tracer une route et poser une visée ? Il nous faudra envisager la question du Sens du bien dans différents ordres. D’abord le Sens dans une Cohérence de notre Instance est cette direction, cette position d’être orientée vers, non pas les autres puisque les autres en conSensus partagent la même Cohérence comme dans un côte à côte où le repère commun doit se chercher ailleurs. Là viennent les réponses des religions. C’est Dieu origine même des Instances et de tous Sens qui est proposé comme re-père du Sens du bien de l’homme, de chacun et de chaque communauté, de là où ils sont. Alors on y inscrit la connaissance de la vérité des origines et des fins, la conscience ou lumière spirituelle (conscience de Sens), le repère d’orientation qui marque le Sens du bien et la puissance dont la maîtrise est donnée à l’homme qui s‘accompli par celle du partage des conSensus. Tout cela se tiens hors de la conscience existentielle mais nécessite des indications et des pratiques existentielles. Là viennent de multiples propositions. Le christianisme propose La personne de Jésus Christ comme témoin révélateur de l’humanité de l’homme «Verbe de Dieu». L’islam propose le Coran comme parole révélée à Mahomet. Le judaïsme avec la Thorah propose le récit de l’histoire du peuple de Dieu et ses témoins. Bien d’autres religions proposent leurs repères jusqu’à, par exemple en France : La République comme système religieux dont le «libéralisme spirituel» a voulu un temps être la doctrine (Ferdinand Buisson – Vincent Peillon) ou la religion de la Raison d’un Robespierre. Si chacune veut indiquer le Sens du bien de l’homme cela ne garanti pas le discernement de ceux qui s’y réfèrent et tous les Sens humains même les pires empruntent ces véhicules. C’est pour cela que les repères ne valent que par l’exigence de discernement qu’ils cultivent, chacun selon ses voies et ses langages.

Un autre type de repères peut être recherché dans les conditions existentielles. Comment s’orienter dans l’existence? Il y a en effet des positions d’être, qui se traduisent par des positions existentielles c’est-à-dire une façon de considérer la réalité du monde, sa propre réalité et surtout le rapport homme/réalité. Nous avons vu au travers de différentes positions réductionnistes que des dimensions de la réalité sont niées ou au contraire posées comme principe fondateur. Ces rapports à la réalité existentielle sont significatifs de positions de Sens. Nous commenceront l’exploration de la question du bien de l’homme par celle des positions existentielles caractérisées par ce type de rapport.

Enfin dans l’existence humaine, différentes situations, différents enjeux sont significatifs du Sens du bien de homme sous le mode d’une progression où se cultive discernement, liberté de positionnement, maîtrise de la puissance d’agir ou compétence. Toutes les situations humaines sans exception sont le lieu de cette recherche et cette culture du Sens de l’accomplissement humain, toutes les affaires humaines ont cet enjeu final essentiel. Nous verrons dans la troisième partie le comment avec l’intelligence symbolique et ses méthodes. Au préalable il nous faudra redécouvrir des problématiques majeures où se recherche le bien de l’homme :

  • Les âges de la vie et les niveaux de civilisation comme marches du progrès humain dans le Sens du bien de l’homme et sous réserve de son orientation.
  • Le développement humain dans les circonstances de la vie personnelle et communautaire et sous ses différents visages.
  • Les voies et figures de l’accomplissement personnel et communautaire avec la notion de vocation
  • Les critères et repères du bien au travers des questions comme celle des valeurs, de l’éthique ou de toute évaluation.

L’homme : qu’est ce que c’est ? à quoi ça sert ? comment ça marche ? Les trois questions sont inséparables et celle du bien qui vient en second ne pourra s’achever elle aussi qu’avec la troisième mais ne peut se comprendre sans la première.

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039 – Note d’étape

Les premières leçons d’Humanisme Méthodologiques ont été consacrées à la conception de l’homme et de la condition humaine. En effet si l’homme est un être spirituel son existence s’inscrit dans une réalité, humaine de part en part. La réalité individuelle, la réalité du monde, la conscience existentielle sont toutes issues de l’expérience première ou seconde du même conSensus. Si l’homme est un être spirituel , l’Humanisme Méthodologique éclaire la question du Sens comme esprit. Les conSensus sont de nature spirituelle, relation des Instances humaines. Il éclaire aussi la condition humaine, condition existentielle dont les communautés sont le siège et dont les lieux sont les mondes communautaires. La complexité de cette condition humaine réclame encore d’autres repères.

Tout ce bagage n’épuise pas la connaissance de l’homme. En effet la question du devenir et du bien de l’homme avec son accomplissement est indispensable pour la révélation de ce qu’est l’homme et ne se comprend que par la nature humaine. L’accomplissement de l’homme est comme une propriété de l’humanité qui a notamment pour fin sa révélation. Il faut donc développer la question du bien de l’homme et son accomplissement pour connaître l’homme et réciproquement. C’est la seconde partie qui y sera consacrée. On y découvrira ce que Sens veut dire quant au devenir humain. Les Sens ne se valent pas sinon pas de Sens. Ils se différencient par le devenir humain qu’ils engagent. Si tant est que ce soit le Sens de l’accomplissement qui soit privilégié alors le devenir est développement d’âges en âges, de maturité en maturité, et toute chose dans l’existence se comprend et se juge selon cette trajectoire du grandir en humanité. Toute valeur s’y réfère.

Seulement chaque communauté a son Sens du bien, commun; son Sens, du bien commun. Les communautés humaines sont appelées à grandir d’âges en âges et au travers aussi de mutations. C’est comme cela que l’on peut parler de mutation de civilisation. Une grande actualité. Ainsi chaque communauté a une vocation que l’on peut dire culturelle, vocation pour elle-même et ses membres, vocation vis-à vis d’autres communautés et aussi dans des ensembles communautaires auxquels elles participent. Il y a aussi la question des vocations personnelles et des communautés de prédilection choisies ou non. Tout cela retraduit la question du bien de l’homme qui se réalise existentiellement dans un devenir personnel et communautaire et qui vise notamment à sa révélation.

Mais la connaissance de l’homme n’est pas encore achevée si on ne connais pas les dynamiques humaines. Comment les choses se produisent-elles dans la réalité existentielle? Comment la conscience se développe-t-elle? Comment la conscience symbolique et l’intelligence symbolique s’exercent-elles? C’est aussi toute la question de l’agir humain qui est posé, celle du traitement de toutes les affaires humaines individuelles et collectives, personnelles et communautaires. Ce sera l’enjeu de la troisième partie. On ne peut comprendre l’homme sans son devenir ni ce devenir sans les dynamiques humaines et l’exercice d’une certaine maîtrise à cultiver. Inversement l’agir humain ne fait qu’exercer son humanité et jouer des dynamiques humaines engagées dans le meilleur Sens. Comme on le verra, pas de conscience symbolique s’il n’y a pas engagement dans le Sens de l’accomplissement humain et le Sens du bien commun communautaire.

C’est bien une caractéristique de l’Humanisme Méthodologique que de lier connaissance, orientations et pratiques de façon indissociable, mais du coup la connaissance de l’homme reste à ce stade encore incomplète.

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038 – Le multi-communautaire

Nous avons vu dans les précédentes leçons comment une communauté de conSensus réalisait un monde peuplé des individus qui y participent. Tout ce qui existe dans cette communauté est expérience du conSensus selon différentes variations. Toute conscience y contribue et en augmente les horizons comme les réalités. La question maintenant c’est d’abord celle de l’inter-communautaire, du rapport possible entre deux communautés et ensuite celle du multi-communautaire, les communautés de communautés. Ces questions renvoient à la participation de la personne à plusieurs communautés, le passage d’une communauté à une autre, celle aussi des points de vue communautaires. Nous allons explorer d’abord la question du déplacement intercommunautaire et ensuite celle des ensembles communautaires.

Les déplacements intercommunautaires.

S’il y a deux communautés il y a deux conSensus portant sur deux Cohérences différentes dans l’Instance. Peut-on ainsi avoir un pied dans deux mondes différents? Pour quelqu’un qui est centré sur son conSensus communautaire tout ce qui arrive se réalise dans sa culture selon ses modes de compréhension, selon ses valeurs, selon les modes d’action et de comportements. Le statut des individus autres est réduit à ce qui reste lisible dans la culture de référence non par calcul mais par incapacité d’exister autrement. Il suffit qu’en plus cette culture se dote d’une doctrine de l’universalisme culturel pour que ce qui est commun y devienne investi d’une valeur totalisante. Le problème est très courant et chaque culture peut puiser dans le pire ou le meilleur d’elle-même, de ses Sens, pour établir une relation d’altérité où l’étranger n’est pas un sous-homme, un déficient, une menace, un danger, mais un autre susceptible de partager le même conSensus communautaire. Il arrive même que des étrangers soient devenus les plus exemplaires de la culture sous tel ou tel de ses Sens. Il faut noter que l’étranger ne l’est que parce qu’il participe quelque peu du conSensus. En tant qu’homme il porte, en lui, la totalité de l’humanité et de ses Cohérences, y compris celles qui ne lui sont pas familières. De là vient l’expérience de se retrouver dans une culture étrangère avec les difficultés de prendre part à l’existence commune. Mais la culture de ce conSensus y palliera jusqu’à pouvoir y tenir une place significative ou éminente. Il y a dans les deux cas un même phénomène humain celui du déplacement d’une communauté culturelle à l’autre. Or si ce déplacement peut être matérialisé par un déplacement physique, symbolique d’un rapport d’altérité, de proximité-distance, c’est avant tout un déplacement intérieur à l’Instance qui est en jeu. C’est en nous-mêmes que se fait la rencontre avec les autres dans un conSensus commun. Ce déplacement peut être «forcé», auquel cas, celui qui le subit se trouve dans un grand dénuement existentiel, celui de son individualité et de son monde qui s’écroulent ou plutôt se dissolvent. Autrement le déplacement d’une Cohérence à l’autre pourrait passer pour volontaire s’il ne s’agissait pas d’une véritable mort existentielle au monde de sa communauté initiale avec une renaissance fragile à un autre monde. Tel qui fréquente une communauté étrangère reste en fait dans son monde qu’il impose aux autres (colonisation) ou qu’il vit en milieux protégés (espaces construits à cet effet) à moins de prendre le risque de la relation d’altérité communautaire et donc culturelle. Mais comment faire un tel saut dans l’inconnu alors que tous les moyens existentiels et la sureté de soi sont plutôt mono-communautaires? Il y a, bien sûr, la réponse universaliste d’éradication des communautés au profit, en fait, d’une communauté universaliste (rationaliste par exemple). Il y a aussi une autre réponse avec la constitution d’une petite communauté de transition, une sorte de vaisseau de navigation intérieure comme il y en a dans des groupes de «voyages intérieurs». C’est le cas lorsque le déplacement se fait «en famille» ou avec des proches, rassemblant la communauté de transition sur une culture propre qui se tiendra dans son fors intérieur ou se dissoudra dans un autre monde. Il y a enfin une solution plus générale celle du multi-communautaire.

Ces brèves illustrations évoquent les difficultés et les conditions de changement culturel ou de déplacement inter-communautaire.  Beaucoup vivent cela souvent dans leur existence, plus rarement pour d’autres avec beaucoup de difficultés et de ruptures, ou bien plus fréquemment dans un temps ou cela deviendra la règle. En tous cas les relations inter-communautaires à toutes les échelles peuvent se comprendre dans leurs difficultés et leurs affrontement mortels comme dans leurs rapports hégémoniques ou alors l’établissement de relations inter-culturelles.

Les ensembles communautaires et multi-communautaires

Il faut commencer par le schéma de principe. Une communauté est le fait d’un conSensus qui fait son unité (Cohérence comme ensemble de Sens) et sa diversité d’orientations (ses Sens). Mais ce conSensus est aussi celui de nombreuses personnes, petit ou grand nombre, dont la participation au conSensus et aussi le Sens privilégié ne sont pas strictement les mêmes. C’est ce qui fait l’hétérogénéité du monde communautaire et de ses habitants. Il se trouve aussi que dans ce même monde des habitants se retrouvent ensemble comme dans une communauté autre qui aurait alors sa propre Cohérence et ses propres Sens. Il arrive ainsi qu’au sein d’une communauté, des communautés plus petites (pour faciliter la compréhension à ce stade) apparaissent, soit comme participant de la communauté d’ensemble soit comme communautés quasi étrangères avec tous les problèmes associés. On peut comprendre cela comme la présence simultanée ou quasi simultanée de deux Cohérences en conSensus notamment pour le groupe de personnes en question. De ce fait par moment ils semblent participants de la communauté générale et à d’autres surtout de la communauté locale. Ainsi, le schéma qui pointe une Cohérence en conSensus pour les Instances concernées doit être complété par la multiplicité possible des Cohérences en conSensus donc des mondes communautaires et des individualités vécus. Il nous arrive que pris dans un contexte communautaire nous ne soyons pas le même que dans un autre et, nous déplaçant physiquement ou surtout intérieurement, nous changions comme d’existence.

L’organisation des vies bien réglées limite ces changements et les communautés traditionnelles offre une variété limitée de communautés participantes. Sans précautions l’éclatement de l’individualité et du monde vécu est comme une menace. De grands efforts sont investis pour établir de ces stabilités micro-communautaires (familles, activités professionnelles, participations sociales) dans un ensemble communautaire plus large lui-même partie prenante d’autres ensembles communautaires communautés politiques par exemple. Cette complexité des ensembles communautaires est celle de la condition humaine dès qu’elle peut être envisagée par une plus grande maturité. C’est l’enjeu de la mutation de civilisation engagée mais aussi de l’accès à l’intelligence symbolique qui permet de travailler aux déplacements intérieurs de conSensus en conSensus (Centrations et poly-centrations on le verra). C’est ce qui permet de voyager d’une communauté à l’autre dans le contexte d’une communauté plus large (communauté de communautés). C’est ce qui permet de choisir un positionnement communautaire pour toute participation aux affaires humaines. C’est ce qui permet d’explorer et choisir nos communautés de vie et d’engagement. Il faut comprendre que l’âge des déplacements physiques a permis l’exploration symbolique des déplacements intérieurs nombreux. Une personne qui vit à l’ère d’Internet vit dans une multiplicité de mondes successifs et imbriqués qui peut être la source de très grandes difficultés en même temps que l’accès à une humanité plus profondément humaine parce que connaissant ses dépendances communautaires et sa liberté de choix et d’engagement responsable.

Il y aura deux exigences majeures. Toujours poser la question de la communauté de référence pour toute problématique ou toutes les affaires humaines sans que cela soit exclusif pour autant. La seconde c’est d’assumer la participation à telle communauté concernée, c’est-à-dire à son Consensus, c’est-à-dire de se centrer sur sa Cohérence, celle du conSensus, la sienne en soi. On le verra, la centration comme exigence et discipline sont une des clés de l’intelligence symbolique pour l’Humanisme Méthodologique. Le paradigme communautaire viendra comme support d’une nouvelle discipline pour poser et traiter les affaires humaines, toujours communautaires dans des conditions multi-communautaires.

Notons que l’Instance de chacun est le lieu de toutes les Cohérences possibles parmi lesquelles quelques-unes sont engagées en conSensus. Nous participons à diverses communautés qui limitent évidemment les possibilités de réalisation de l’humanité tout en en portant toutes les potentialités. C’est ce qui fait l’universalité et l’égale dignité de tous les hommes mais l’infinie diversité et singularité des modes d’existence qui ne disent jamais à eux seuls la grandeur de l’homme. Mais la liberté d’une nouvelle maturation humaine est aussi celle d’une nouvelle responsabilité, d’une nouvelle considération du bien de l’homme et à chaque fois du Sens du bien commun. Ce seront de nouveaux chapitres.

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037 – Les sociétés communautaires

Dans un certain contexte culturel, la question des communautés est tenue dans un certain refoulement au profit d’un anti-communautarisme qui les réduits à la caricature du pire et de l’archaïsme. La sociologie reste dominée par les positivismes d’Auguste Comte et d’Emile Durkheim. La communauté humaine, de nature humaine, humainement explicable et opérable selon des finalités humaines, n’est pas leur fort à tel point que la notion de société a pu se substituer à celle de communauté. On en vient à parler de «faire société» du «vivre ensemble», pour ne pas aborder la question communautaire. Cependant, la notion de société a toute sa place dans la compréhension des communautés humaines. On reprendra ici une définition éclairante (Wikipedia)  «La société (du latin socius : compagnon, associé) est l’« ensemble des modèles d’organisation et d’interrelation, des individus et des groupes, des associations, des organisations et des institutions qui concourent à la satisfaction concertée des besoins de la collectivité. » (Joseph Fichter)»

Il y est question de communauté sous l’aspect des «modèles d’organisation» au service des «besoins de la collectivité». Il est vrai que les communautés au-delà de toutes les composantes et dimensions de leur existence de leur culture, peuvent être vues comme des organisations complexes assorties de rôles, de responsabilités, de réalisations suivant des finalités que l’on pourrait qualifier de politiques économiques, éducatives etc. Le terme de collectivité évoque plus la collection des individus que leur implication structurée dans des relations sociales et professionnelles. Il évoque aussi l’entité qui aurait une vie propre et régie par des structures et un Etat au-dessus de la société civile. Tout cela pointe deux choses : la complexité de l’organisation sociale des communautés et d’autres part une variété des conceptions de la société dont l’articulation avec la communauté ne va pas de soi comme on l’a vu.

On va envisager d’abord l’ébauche d’une typologie des conceptions de la notion de société pour dégager celle qui convient à l’Humanisme Méthodologique et en développer alors la question de la complexité de la société communautaire. Nous anticipons ainsi sur des questions qui seront approfondies dans les deux parties suivantes de ces leçons.

La société organique. C’est une société de défiance vis-a-vis de l’homme. Elle se conçoit comme une organisation structurée qui régit chaque fonction de la société pour à la fois la tenir ensemble et la faire fonctionner. Une structure instituée, un État par exemple, assume la gestion des affaires de la société employant à cet effet les compétences utiles.

La société entreprenante. Elle est constituée par le partage d’un enjeu de réalisation commun. Son organisation est une adaptation des conditions pour articuler les coopérations entre les membres de la société selon leurs compétences. Un état comme administration y joue le rôle d’un service commun, au service de la société et de ses membres en tant que de besoin. Il n’a aucune fonction de gouvernance.

La société en développement, société en devenir, est engagée dans une logique de progrès, sur un axe de valeurs qui lui sont propres. Pour cela elle développe de pair ses modalités d’existence communes et les capacités et compétences de ses membres selon un projet sans cesse renouvelé.

La société de défense. Elle se conçoit comme une nécessité de survie en butte aux menaces de manque qui l’obligent à «faire corps» contre l’adversité qui prend les visages appropriés. La société est une société de lutte, de rapport de forces et que l’on dit solidaire comme un solide qui amalgame ses composantes.

Ces quatre polarités, comme sur une rose des vents, permettent de dégager quatre logiques intermédiaires, quatre conceptions de la société.

La logique de système défensif. Elle est considérée comme un dispositif structuré organisé, régit par des lois naturelles et qui tend à satisfaire aux nécessités, aux besoins, au risque de dysfonctionnements vitaux. Les individus y sont des éléments du système soumis à ses lois et bénéficiant de ses opportunités. On y reconnait société de consommation mais aussi société d’élimination des moins aptes selon les lois naturelles de l’économie et de la sociologie. Fonctionnements et dysfonctionnements sont les critères de valeurs normatives indispensables.

La logique de la cité idéale. Elle conjugue l’encadrement structurel avec le projet de développement et de progrès. La société est encadrée toujours par des organisations structurantes, normatives mais au service de l’édification d’un modèle idéal de société vouée au progrès existentiel. Les idéalités et les idéaux privilégient les dimensions mentales et hiérarchisent selon la raison l’organisation de la cité et l’emploi des individus définis d’abord comme citoyens, conception même de l’humain. Société administrée encadrée, développée, elle forme ses membres pour participer à un destin qui n’est que collectif.

La logique de l’entreprise de défense. La société est la coalition des intérêts à l’encontre de menaces pour la survie mais aussi pour la multiplication des moyens de défense et d’emprise sur les ressources et les biens. La lutte pour la possession matérielle et pour le pouvoir d’emprise est la raison d’être de cette société et qui légitime sa lutte incessante contre les autres sociétés, forcément concurrentes et prédatrices. Cette société est divisée contre elle-même avec des tentatives d’hégémonies ou bien alors tenue par les sentiments ou les craintes. Elle trouve son unité par la démonstration de puissance de quelque souverain représentant évidemment le peuple et ses intérêts.

La logique de société communautaire. Elle conjugue l’engagement commun dans un projet de développement et d’accomplissement communautaire, par celui de ses membres et réciproquement. La société est l’organisation de ses membres selon sa culture ou le meilleur de celle-ci. Elle veillera alors au repérage d’une orientation intentionnelle commune enjeu politique par excellence. Elle organisera sa gouvernance selon les compétences et les enjeux stratégiques au travers d’organisations entreprenantes qui construisent une compétence collective définie et engagée dans ses voies propres. La démocratie représentative y trouve sa place. Par une démocratie participative elle régit la production de biens et services en référence à la poursuite du bien commun selon son Sens et ses valeurs culturelles propres. Elle assure aussi la conduite des processus d’éducation et de maturation communautaire de ses membres. La société détermine l’ensemble de ses façons culturelles d’engager son développement et son accomplissement humain.

On voit bien que «le lien social» est de nature totalement différente dans le dernier cas il est l’expression relationnelle et organisationnelle (rationnelle) du conSensus des hommes.

La complexité de la société communautaire tiens à la diversité des cultures et donc de tout ce qui constitue la société et sa gouvernance (par elle même). Elles tiens aussi à la complexité des jeux relationnels engagés et aussi des hommes qui s’y investissent. Elle tiens au fait que dans une même société communautaire subsistent des conceptions et des orientations différentes de la société si elles ne sont pas engagées dans une voie commune par le travail politique. On voit bien d’ailleurs que la conception du politique n’est pas la même dans tous les cas. Une autre variable est la taille de la société communautaire, une autre encore son degré de maturité une notion que l’on aura à développer.

Dans tous les cas l’organisation de la société non pas comme condition ou conditionnement mais comme moyen d’agir ensemble, va porter sur les différentes dimensions et composantes de son existence. Les dispositions prises ne vaudront qu’un temps et des mutations sont quelques fois nécessaires qui bouleverseront les pratiques et toutes les dimensions de l’expérience existentielle. C’est pour cela qu’elle ne sont jamais anodines et suscitent troubles et crises. L’innovation vient renverser les conservatismes structurels. De nouveaux niveaux de consciences et de compétences déstabilisent les immobilités. On ne peut plus voir dans les sociétés communautaires majeures des collectifs, des groupements, des collections statistiques alors que c’est le rôle de chacun, différencié, qui y est investi dans le devenir communautaire selon les structures appropriées aux situations traversées.

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036 – Communautés culturelles

Toutes les communautés humaines sont fondées sur une Cohérence en conSensus. Le conSensus des Instances est d’ordre spirituel et comporte un ensemble de Sens comme une boussole qui indique tout un ensemble de directions. Ce conSensus s’actualise dans une réalité communautaire comportant une collectivité d’individus et le monde qui est le leur. Chaque communauté peut être dite culturelle et il faut expliciter les différents aspects de la notion de culture attachée à celle de communautés humaines.

La culture c’est la façon d’exister de la communauté dans toute sa diversité et ses potentialités. La culture est en effet capacités, potentialités de la communauté mais aussi actualité des réalisations communes, qu’elles soient identifiées à un patrimoine ou même à des ambitions. La réalité communautaire est celle de l’expérience première mais aussi de tout ce qui l’augmente par les effets de conscience dans tous les aspects de son existence et constitue sa culture.

Il y a donc la culture dans ses manifestations et la culture dans ses potentialités. Tout ce qui constitue le monde de la communauté est culturel et de ce fait contribue à une identification collective. Cette identification peut en venir à la conscience d’un « nous » qui se reconnait dans ses réalités culturelles mais aussi dans ce qui les sous tend et reste inconscient, du moins avant l’accès à une conscience symbolique. Néanmoins, ce soubassement est souvent appréhendé comme une origine quasi sacrée si bien que des objets culturels semblent alors investis d’un sacré communautaire qui se traduit aussi par une sorte de culte. Nos sociétés modernes si souvent agnostiques multiplient les rituels de ce type de sacralité dont La Culture majuscule fait aussi l’objet. Ce faisant elle se veut universelle et indépassable. On a déjà croisé ce travers, qui domine encore notre actualité sans être gêné par la contradiction avec la revendication d’une exception culturelle. Cette sacralité commune se retrouve dans toutes les communautés humaines comme attachées à des signes d’identifications que des réductionnistes cherchent à absolutiser, à idolâtrer en définitive comme le fait un certain modernisme aussi bien que des archaïsmes récurents.

La culture c’est encore l’art de cultiver. Il s’agit de cultiver les potentialités culturelles au travers d’oeuvres culturelles ou toute réalisation qui l’est aussi. Les arts et métiers et toutes les compétences et professions d’une communauté culturelle témoignent de ce « cultiver » là. On pense alors au fait de cultiver les individus au travers de dispositifs éducatifs et au travers de démarches personnelles et collectives. Cette culture là est participation à l’existence commune, intégration culturelle. Mais elle introduit l’idée d’une profession comme mode de participation à une culture. Cultiver ou se cultiver c’est progresser ou faire progresser. Sur quel axe, dans quel Sens, selon quelles modalités, selon quelles échelles de valeurs et quelles appréciations des progrès culturels (évaluations)? C’est là une question majeure mais qui demande, d’une part, de discerner les Sens possibles et leurs conséquences et, d’autre part, de comprendre ce qu’est l’évolution humaine, ses phases de maturation et ses seuils de mutation existentielle. Ces questions majeures seront développées largement dans la seconde partie avant d’envisager les modalités de progression culturelle dans la troisième partie. La culture communautaire y trouvera la forme du développement communautaire et des affaires humaines toutes communautaires donc toutes culturelles.

On insistera sur une difficulté historiquement et culturellement située. C’est celle de l’universalisme qui ignore l’altérité et s’opposerait a un différentialisme qui réduit les cultures à des différences existentielles. Dans les deux cas est ignorée l’altérité radicale des hommes et celle des communautés. Elles s’ancrent dans leur être spirituel, Instances pour les personnes, conSensus d’Instances pour les communautés qui n’ont pas d’être en propre pour autant. La différence des cultures est radicale dės lors que leur monde leur est propre mais pas lorsqu’une comparaison est possible. Il faudrait en effet se tenir dans une position multi-communautaire pour qu’une communauté de référence apprécie lles différences entre ses communautés membres selon ses propres critères de référence. Il n’y a jamais comparaison sans référentiel commun. C’est là un tout autre aspect que nous développerons un peu plus loin avec les ensembles communautaires.

Pour parachever cette exploration de ce que sont les cultures comme communautés culturelles. Il nous faut d’abord observer que chacune repose sur une des Cohérences qui constitue l’Instance de chaque être humain, son humanité. C’est donc sur une part d’humanité que repose chaque culture. Tout se passe comme si chaque culture avait en héritage le soin de cultiver cette part d’humanité, de la réaliser dans le monde qui est le sien et de la révéler au travers d’une conscience symbolique ou conscience des Sens. La culture est ainsi un révélateur d’humanité après en être un réalisateur. C’est sa vocation, sa mission, sa charge, sa responsabilité. L’accomplissement d’une culture est de cet ordre. Ainsi si toute culture représente une part d’humanité, elle réalise une part d’un monde des humains dont la communauté est toujours en gestation. La mondialisation trouve là sa signification essentielle. La communauté universelle ne se substitue pas aux communautés particulières qui en sont on le verra la condition indispensable. Chaque communauté singulière dans ses réalités, autre que toute autre, est en même temps détentrice d’une part de l’humanité universelle. Mais alors l’universel se situe dans l’ordre de l’humanité spirituelle et pas dans celui de ses réalités existentielles. La confusion est humainement destructrice. La culture ainsi est porteuse d’universel mais pas dans ses manifestations singulières qui comme le sont les langues sont toujours culturelles même si elles se prétendent universelles.

Il reste à envisager la consistance d’une culture sur le plan existentiel. On va retrouver les trois dimensions de toute réalité existentielle et ses trois composantes ici enrichies des consciences qui en augmentent sa réalité.

La dimension objective, contextuelle. La culture comme environnement. Figure lointaine du ConSensus c’est l’ensemble des objets qui composent le monde propre à une communauté culturelle. Son environnement tel qu’elle le réalise, ses conditions de ressources ou de contraintes, son patrimoine, l’état des lieux d’existence de la communauté culturelle. Les individus qui l’habitent y sont là comme recensés, dénombrés et regroupés par ensembles distincts de même que tous les acteurs et facteurs d’existence communautaire. On trouvera l’idée que certains objets acteurs et facteurs sont plus centraux et d‘autres plus périphériques sinon attribués à quelque extériorité. L’inventaire de ce monde propre peut-être ainsi hiérarchisé.

La dimension subjective, intentionnelle. La culture comme volonté. Une communauté majeure est un «nous» porteur de volonté. Cependant avant même cette conscience intentionnelle des aspirations communes des motivations spécifiques expriment tel ou tel Sens du conSensus. Pour la communauté culturelle cela apparait comme une subjectivité singulière, comme la psychologie d’un sujet collectif. Le pire et le meilleur font partie des intentionnalités possibles, spécifiques à chaque culture autant que la subjectivité des personnes est toujours singulière malgré des ressemblances. Des critères de valeurs culturelles propres servent dans chaque communauté culturelle de repère d’orientation désirable. Ces repères prennent toutes sortes de formes et notamment celle de la référence à des personnalités repères, les «grands hommes», ou des personnages, réels ou mythiques, dont c’est la détermination et la volonté qui sont évoqués.

La dimension projective ou historique. La culture comme histoire. Chaque communauté culturelle a une histoire propre et même plusieurs selon le Sens du ConSensus prédominant. Le récit des origines pour sa genèse, celui des péripéties spatio-temporelles de son développement historique, mais aussi ses projets de développement à l’avenir avec les récits anticipés qui s’y attachent. Chaque communauté culturelle se raconte et raconte sa culture ainsi. Prennent place dans ce tableau historique les choses et les hommes et aussi les évènements marquants. La narration historique donne aussi un lien de rationalité entre les composantes et la continuité temporelle de la communauté culturelle sa cohérence historique.

La composante sensible et émotionnelle. La culture comme passions. Le climat affectif né du conSensus joue un rôle majeur dans le sentiment de communauté d’affects, communauté fusionnelle bien souvent, communauté de passions, passions inclusives et passions exclusives. La culture communautaire dans ses archaïsmes est faite de ces passions éprouvées, recherchées ou fuies au travers, par exemple, de rassemblements qui font autant de chambres d’écho pour le meilleur ou pour le pire. A notre époque les médias y jouent un grand rôle dans un maniement de l’opinion publique qui n’est qu’émotion publique, un jeu d’échos. La culture communautaire c’est aussi toutes sortes de gammes de sensibilités, de colorations, de musiques, de sentiments qui expriment les variations du conSensus et en disent le vécu. C’est au travers de manifestations spécifiques que ce vécu est renouvelé et entretenu assimilant émotion partagée et unité communautaire. Il va sans dire que les passions culturelles sont porteuses aussi du pire que notre modernité s’est révélée incapable de comprendre préférant s’en abstraire dans un rationalisme impuissant au moment où les théories archaïques de la lutte nécessaire et supposée vitale proliféraient.

La composante factuelle et pratique. La culture comme usages. Les corps humains ou matériels sont engagés dans des interactions qui organisent subsistance et sécurité mais aussi tout ce qui conforte la communauté, ses membres et ses biens. Un savoir faire, des productions, des compétences spécifiques, des pratiques opportunes forment un ensemble d’us et coutumes qui caractérise une communauté culturelle. Cela dépend de son environnement et ses variations, cela dépend de l’historicité du moment. Tout cela se cultive pour en faire progresser la maîtrise dans les périodes ou les meilleurs Sens du conSensus sont à l’oeuvre. Tout cela régresse et décline lorsque ce n’est pas le cas. Ainsi lorsque des communautés s’approprient leur culture et leur développement elles progressent et lorsqu’elles en sont dépossédées notamment lorsqu’une caste, un Etat, un occupant s’en approprient le magistère elles régressent culturellement malgré les exploits affichés de la communauté dominatrice. Crises économiques dit-on, crise de dépossession communautaire !

La composante formelle et mentale. La culture comme images. La culture y a souvent été réduite en se prétendant universelle c’est-à-dire déconnectée de ses fondements humains et communautaires. Ces difficultés contemporaines sont le masque de la pensée culturelle, d’un déni des cultures qui se révèle de plus en plus comme un déni d’humanité au profit d’abstractions mentales idéologiques (cela en est la définition). C’est la culture de ses plus mauvais Sens qui amène cette distorsion là. La culture communautaire des re-présentations mentales en a été survalorisée tout en capitalisant une multitude de savoirs, d’oeuvres d’arts, de sciences, de modèles, de structures, de règles. Chaque communauté culturelle dispose d’un tel bagage toujours en développement, images auxquelles elle s’identifie, s’estime, se projette dans l’avenir, accompli sa vocation. On comprend comment le débordement universaliste est ou a été dommageable substituant le «pouvoir» des formes et de ceux qui les manient  au pouvoir des hommes dans leurs communautés. Il sera utile le moment venu de resituer le développement et la culture des re-présentations mentales comme un stade d’évolution des communautés culturelles. La crise des représentations (mentales) du moment, crise culturelle, marque une difficulté de passage à un nouveau stade de développement culturel communautaire. C’est l’enjeu d’une mutation de civilisation déjà avancée.

L’approche des communautés culturelles couvre un champ extrêmement vaste que la pratique de l’intelligence symbolique permettra de traiter utilement.

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035 – Communautés existentielles

Nous existons dans et par les communautés où nous sommes nés et venus au monde et celles que nous traversons ou là où nous sommes installés. Venus au monde telle est l’expression de la naissance qui est souvent re-connaissance sanctionnée par différents rituels comme le baptême ou des équivalents. Traduisons.

Pour un nouveau né, l’existence à déjà commencé depuis sa conception, drôle de mot pour ceux qui n’y voient que réalité biologique. Ce qui est gestation pour ses parents avec l’étrange échographie n’est pour l’intéressé que résonances dont Boris Cyrulnick nous dit à juste titre qu’elles ne distinguent pas le soi et le non soi. La conception c’est la rencontre entre deux Instances pour un conSensus qui est comme l’Instance d’un nouvel être. Et c’est son expérience première des conSensus qui constituera pour lui son existence. Quels conSensus ? Celui des communautés familiales, des communautés de vie de ses parents mais aussi des contextes de sa conception. Une rencontre de communautés, pour former tant une nouvelle Instance qu’une nouvelle communauté, en général considérée comme une nouvelle famille. La famille comme première communauté de vie. Cela échappe évidemment à tel ou tel réductionnisme qui ignore la transcendance humaine et donc toute la construction de l’existence humaine ramenée à quelques effets existentiels de causes existentielles. On notera pour d’autres analyses la prégnance du conSensus avec la mère et celle du conSensus avec le père, si possible comme conSensus communautaires. Les trois présences sont nécessaires à toute distinction du soi et du non soi le moment venu.

La famille, première communauté existentielle est l’héritière de multiples communautés qui en font une communauté complexe comme on le verra en son temps. En tout cas de cette communauté le nouveau né hérite la singularité de son existence avec l’universalité de son Instance humaine ( une question qui sera explorée ailleurs). Il hérite de cultures, de traditions, de l’histoire singulière de cette famille avec les circonstances de son existence dans les contextes ou elle vit et de la singularité du conSensus familial auquel participent avec les parents d’autres enfants ou d’autres parentèles. D’ailleurs la communauté familiale est aussi bien la communauté de proximité et une communauté élargie à des vivants et des morts bien souvent. C’est donc un tissu de communautés qui fait intervenir la notion de communautés de communautés et donne une première idée de la complexité des phénomènes communautaires. Ici nous ne nous intéresseront qu’à une sorte d’inventaire des communautés d’existence d’une personne, Instance unique et individualités multiples. En effet on notera que chaque communauté-monde traversée est le théâtre d’une expérience existentielle différente, d’une individualité différentiée. Nous ne sommes pas les mêmes existentiellement parlant dans les diverses communautés d’existence. À chaque moment nous sommes d’une communauté ignorant les autres et nous-mêmes dans ces autres communautés. Il faut une certaine conscience de la diversité communautaire pour appréhender notre diversité existentielle, celle de notre individualité. Il arrive quand même que nous sachions n’être pas tout à fait les mêmes dans la vie familiale ou dans la vie sociale ou professionnelle.

Avec la communauté familiale nous touchons à la complexité communautaire et à celle de nos participations communautaires. Mais continuons le parcours. Les écoles, les groupes traversés dans l’enfance ou l’adolescence constituent des expériences communautaires de plus en plus variées qui ne vont pas sans troubles quelques fois mais qui nous font aussi grandir. Seulement grandir humainement parlant pose d’autres problèmes et nous verrons comment cette question des âges de l’existence est si importante dans une vie humaine. Ici en tout cas il y a comme un héritage de ces diverses expériences communautaires dont notamment des relations pour la vie se trouvent nouées quelques fois ainsi que différents produits de conscience qui sont des re-présentations des conSensus communautaires en question. Cela veut dire que ces communautés vivent en nous bien au-delà de l’expérience immédiate par la réactivation des conSensus et les re-présentations que nous renouvelons. On peut en tirer comme enseignement que l’expérience communautaire est la source de tous nos héritages et le développement de notre existence et des mondes qui sont les nôtres.

Il y a ensuite les organisations, les entreprises, les milieux ou nous exerçons quelque profession. Autant de communautés qui ont leur monde propre dont nous faisons partie pour une part, pour y jouer un rôle aussi. Quitter ou perdre ce type de co-existence n’est pas toujours aisé. C’est comme une mort de celui que nous y avons été, au monde que nous avons partagé, et à l’individu que nous y avons été. Les communautés nous font vivre des morts au monde en préfiguration de cette mort à tous les mondes ou au Monde des humains. Mais en même temps nous vivons des venues au monde à chaque participation à un conSensus communautaire. Les balbutiements des débuts et les histoires existentielles qui s’y construisent constituent notre développement jusqu’à de nouvelles morts au monde. Mais y aurait il une mort aux mondes qui achèverait toute possibilité de nouveau conSensus ? Les renaissances que nous expérimentons de communautés en communautés ne seraient elles pas aussi des sortes de résurrections ? En tout cas l’entrée dans une civilisation du Sens et des communautés de Sens laisse prévoir une expérience décisive de notre humanité. Songeons à ces situations de vie mono communautaire, à ces situations de déni communautaire, à ces situations de dualités de vie communautaires, à ces enfermements communautaires ou ces évitements communautaires. Nous aurons à étudier ce que sont les voyages inter-communautaires et les Sens impliqués.

D’autres communautés existentielles sont ce que l’on peut appeler les communautés politiques. Commençons par les communes qui sont des communautés de vie où se déroulait souvent l’ensemble d’une existence individuelle. La vie et le monde communal touchaient à toutes les dimensions et composantes d’une vie de proximité. Les communes grandies ce sont des quartiers qui en tiennent lieu quelques fois ou d’autres communautés d’existence que l’individualisme, supposé a-communautaire, n’a pas reconnu. Des collectivités locales et territoriales ont marqué le glissement du phénomène communautaire vers une cartographie dont les constructions mentales oublient leurs fondements humains communautaires. Leur raison d’être reste communautaire même si la conscience communautaire a été affaiblie. Le développement communautaire à toutes les échelles reprend un chemin de maturation collective souvent interrompu. Des régions, des nations, des ensembles de nations ne font que porter plus loin le champ communautaire. Plus ces communautés politiques sont grandes et plus profondément doivent être ancrés leurs fondements dans les Instances en Consensus mais plus profond aussi est l’inconscient qui les fonde. Les communautés politiques sont ces communautés ou le devenir commun s’articule avec le devenir personnel au travers de structures de gouvernance. Les modèles en restent souvent archaïques ou d’une modernité déviante qui ignore phénomène communautaire et humanité de l’homme.

On pourrait citer d’autres communautés comme des communautés économiques. C’est ce que sont par définition des marchés avant d’être compris comme des systèmes mécanistes ou des chimères bienveillantes ou malveillantes. Mais toutes les communautés ont une composante économique comme politique et on ne fait là que marquer une dominante à élucider. Il y a bien d’autres communautés, spirituelles, d’affinités diverses, d’association autour de conSensus de tous ordres. Plus récemment on a parlé de communautés virtuelles (comme toutes les réalités humaines le sont) et on découvre la prolifération de communautés de tous ordres et de toutes tailles ou durée de vie sur Internet. Des communautés nationales en sont impactées et aussi toutes les affaires humaines. C’est en fait le signe de l’émergence de cet âge des communautés majeures qui s’annonce.

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034 – Mondes communautaires

Puisque chaque communauté humaine est le fait d’un conSensus sur une Cohérence ou ensemble de Sens, elle se présente existentiellement comme un monde, habité par les individus qui semblent alors la composer. On peut parler de communauté monde et il importe en effet de ne pas réduire l’existence communautaire à la collectivité des individus en oubliant que ces individus n’existent que dans un monde commun.

On rappellera ici que si tout se passe comme s’il y avait un monde commun ce monde n’existe que dans l’expérience de chacun mais une expérience partagée en communautés. Cela veut dire qu’il n’y a pas de réalité sans communauté de conSensus. La réalité est réalisée par chaque Instance qui est comme à la source et au centre de son monde. Son monde n’existe que dans l’expérience du conSensus c’est-à-dire par les autres. On pourrait dire encore que le monde commun est pour chacun comme l’intersection de son Instance avec celle des autres (conSensus). Ce monde en est l’expérience en premier lieu et aussi toutes les re-présentations qui l’augmentent. De même ces re-présentations ou consciences, celles du conSensus, sont propres à chaque Instance mais là aussi tout se passe comme si le monde augmenté était le même alors que les expériences restent différentes. C’est pour cela que malgré un effet d’évidence sur la réalité unique d’un monde commun les différents sont légions. Il faut y rajouter le fait que le conSensus est en plusieurs Sens mais que la participation de chacun peut-être orientée différemment. Ainsi le monde commun est-il bien différent selon les individus. Rajoutons que l’origine de chacun la maturité de sa conscience et peut être de son discernement des Sens, multiplient les facteurs de diversité de l’expérience première et ses re-présentations de conscience et donc les visages du monde commun. Rappelons aussi que chacun ne vivant que sa propre existence et sa propre expérience, singulières, la croyance dans l’universalité de celle-ci est fréquente malgré l’expérience des différences. Il arrive même qu’une exigence d’égalité existentielle viennent imposer une singularité au nom de l’universalité. Une des racines des totalitarismes modernes. Ce fait s’étend, on le verra, à la possibilité de communautés autres dont les mondes sont jugés à l’aune de l’universalité postulée du monde commun. De se fait c’est même la possibilité de communautés autres qui est niée et, en définitive, de toute communauté humaine. Ces rappels sont utiles compte tenu d’un contexte de croyances peu facilitateur et d’une nécessaire familiarisation théorique.

Pour en revenir aux mondes communautaires la structure cohérencielle de l’expérience humaine nous en donne les dimensions et composantes.

La dimension objective est celle d’un environnement, d’un contexte spécifique marqué par des objets emblématiques de son conSensus ou objets symboliques. Chaque communauté décrit son monde et le localise comme centre de l’univers, l’univers étant la postulation de l’universel. Cette dimension objective telle qu’elle est évoquée ici est déjà enrichie de re-présentations. L’expérience première est celle de l’altérité, et du jeu de présence absence des autres. Le collectif comme d’abord collection marque ainsi le monde premier et en signe les objets propres.

La dimension subjective est celle d’une signification commune, d’un pourquoi qui est la trace du Sens. Le monde commun est un monde d’aspirations, de désirs, de volontés supposées communes, assortis par exemple de critères du bien ou valeurs communes. Il est vrai que cette intentionnalité semble portée par la communauté des individus plus que par les choses bien que des «construits» soient aussi investis de finalités intentionnelles (organisations, entreprises, etc.). Là aussi les re-présentations ont augmenté la réalité première. Elle place elle l’individu dans la question du prolongement de l’intentionnalité qu’il porte en soi, dans le monde des altérités environnantes.

La dimension projective est celle d’une histoire de ce monde, histoire d’un point de vue collectif, histoire du monde à l’aune de l’espace et du temps de cette collectivité, fondés dans le conSensus communautaire. L’histoire est aussi évolution, développement, mutations, genèses et générations. Il n’y a pas de monde communautaire sans histoire et sans récit de celle-ci où s’inscrivent tous les présents et les projets. Le devenir spatiotemporel est déjà inscrit dans l’expérience première et il s’est enrichi des re-présentations. Notons cependant que les réductionnismes viennent amputer celle réalité monde ou bien la distordre par la perte de vue de la source humaine transcendante, celle des Instances et des Sens en conSensus, source spirituelle de l’intelligence symbolique.

La composante sensible. Le monde commun est marqué par les sensations, le vécu partagé, les appréciations et en définitive les colorations affectives d’un monde où ce qui est vécu par les individus et partagé est aussi confondu avec les propriétés de ce monde. Des re-présentations vont raconter ces propriétés sous forme de puissances d’un monde mythique. Chaque monde communautaire a ses climats et ses ambiances, ses éruptions et ses douceurs, ses calmes et ses violences, et toute une palette de couleurs, d’odeurs, de goûts et de musiques. Ici la métaphore et la réalité sensible ne font qu’un. Les individus  y participent tout en s‘y trouvant baignés.

La composante factuelle. Le monde commun est comme une sphère de matérialité que l’on figurera comme terre ou planète selon des re-présentations que le philosophe Peter Sloterdijk a bien décrit dans sa «sphérologie». Le monde comme sphère matérielle notamment est le monde des corps et des choses et aussi de leurs comportements et interactions. Tout un pan de la vie collective est pris dans un rapport aux ressources, aux transformations pour la subsistance, le confort (ou confortation) avec aussi les habiletés et les organisations d’efficacité collective. C’est, pour une grande part, le monde de l’économie communautaire dans sa dimension matérielle et technique.

La composante formelle est celle des formes images et structures qui représentent le monde mentalement et dans lequel les individus se reconnaissent. Toute l’épaisseur des re-présentations a fait des mondes modernes des édifices compliqués à tel point que le volume existentiel en est distordu. Cette composante prend presque toute la place. Le monde est ramené aux idéologies, aux formalismes, aux normalités, aux modalités formelles et idéelles qui se veulent universelles et causales. Les intellectuels maîtres du monde est la caricature d’un élitisme contemporain mis à mal par une mutation communautaire qui accèderait à l’intelligence symbolique, relativisant ainsi un magistère inquiet.

Cette composition des mondes communautaires porte des contenus différents selon les communautés mais aussi dans les communautés. La prétention d’universalité commence avec les individus dans leur communauté et envers les communautés autres. Et pourtant cette composition cohérencielle appartiens à l’humanité entière relevant du seul universel, l’humanité de l’homme en son Instance, ses Sens et Cohérences et la structuration de l’expérience première des conSensus. Au-delà, la diversité des conSensus, des participations aux conSensus, aux Sens engagés dans les conSensus relève des singularités autant que sont aussi singuliers les mondes communautaires dans leur contenus. Y aurait-il une communauté de tous les hommes ? Qu’en est-il alors de toutes les communautés d’existence humaines ? Y aurait il un monde universel et que deviendraient alors les mondes communautaires ? Autant de questions qu’il faudra explorer en observant la façon péremptoire dont elle sont traitées habituellement par tel ou tel réductionnisme.

 

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033 – Anthropologie communautaire

L’époque moderne en Occident a vu la montée en puissance et l’apologie de l’individu. L’individu, on le verra plus tard, relève d’une conception avancée de l’humanité, celle où une entité existentielle dite in-divis, indivisible, c’est-à-dire ayant une unité propre, est comme propriétaire de son existence. La conscience de cette individualité dans un monde scientifiquement expliqué trouve notamment trois sources (mais pas exclusivement on le verra heureusement). La source matérialiste qui fait de l’individu comme l’atome dans une masse (même étymologie), le produit aussi d’un monde matériel. Cet individu est totalement dépendant des conditions matérielles et collectives. La source rationaliste fait de l’individu une entité régie par des lois universelles, un «modèle» dont il est un exemplaire. La source individualiste fait de l’individu le lieu d’un «libre arbitraire» qui se définit et se détermine par rupture des liens de dépendance, ce qu’on appelle émancipation ou liberté individuelle, notamment vis-à-vis des obscurantismes ou vis-à-vis des milieux contraignants comme les communautés traditionnelles. Malgré leurs contradictions radicales les trois construisent la figure moderne de l’individu dont le rapport au collectif reste très ambigu.

Cette conception de l’homme comme individu est tellement familière que l’anthropologie communautaire doit en tenir compte. Elle apporte avec l’Humanisme Méthodologique une conception singulière du rapport entre les personnes et les communautés de personnes de telle manière que la liberté des premières passe par l’engagement dans les enjeux des secondes.

Tout d’abord une communauté humaine est de nature humaine. C’est en premier lieu une communauté de Sens ou communauté de conSensus. En effet chaque communauté est fondée sur le partage d’une Cohérence ou ensemble de Sens (inconscient commun ou collectif). Pour les Instances qui la composent l’expérience du Sens en conSensus constitue la réalité, celle de l’individu pour lui-même, celle d’un monde commun peuplé d’autres individus, dont les Instances participent au conSensus (inconsciemment en général). Ces réalités sont augmentées par les effets de conscience et de re-présentations. Il y a alors plusieurs aspects à explorer.

La réalité réalisée par une personne comporte son individualité existentielle, celle des autres et celle d’un monde qui est le sien. Tout cela est, pour cette Instance, expérience du conSensus. Pour une autre Instance partageant le même conSensus la réalité réalisée est celle de son individualité propre, celle des autres et celle d’un monde qui est le sien. En se plaçant au lieu de chacun, la réalité et la conscience de réalité sont très différentes par le fait d’une différence possible de participation au conSensus (origine, maturité…) et par le fait de l’exercice d’une conscience des réalités très différente (maturité, vocation, etc.). Cependant, de par le conSensus, à chacun la réalité commune semble la même, la seule, faute d’une conscience symbolique, conscience d’être, de l’Instance, du Sens et donc du conSensus. Ainsi il est tenté de croire en l’unicité et l’universalité du monde alors qu’il est seulement commun et qui plus est d’un point de vue différencié. Il expérimentera le fait de désaccords avec d’autres sur ce qu’est ce monde supposé unique, attribués à quelque faiblesse ou malignité. Il expérimentera aussi la singularité de ses points de vue et de son existence par rapport aux autres, qu’il comprendra comme sans doute différents de lui. Les autres individus lui sont ressemblants et leur conscience aussi, si bien que leur monde est supposé semblable sinon le même.

Il faut noter que pour l’existence communautaire, étant celle d’un conSensus particulier des Instances qui le partagent, il n’y a pas «d’autres mondes», extra-communautaires. Toute altérité est interprétée dans ce même monde. Il faut soit une conscience de Sens portant sur plusieurs Cohérences et donc communautés possibles, soit une certaine expérience multi-communautaire. En effet dans un moment donné, un espace temps donné il n’y a pas d’ailleurs pour une communauté (sinon quelques ténèbres extérieures) sauf s’il s’agit d’ensembles communautaires où se réalisent à la fois chaque monde et un monde de mondes, un monde multi communautaire. Cela dépend encore de la conscience des uns ou des autres et de la possibilité d’identifier, en soi-même d’abord, des points de vue communautaires différents.

Ainsi dans une communauté donnée, celle d’un conSensus partagé, vont de pair l’existence individuelle, l’existence collective, le monde commun supposé unique, la participation individuelle à ce monde, la participation humaine existentielle collective. Tout se passe comme si le monde et les existences, celle des hommes et celles de toutes choses étaient complètement interdépendantes. On verra néanmoins que différentes «visions de l’homme et du monde» multiplient les interprétations de ces interdépendances, selon des rationalités différentes notamment. Cette dépendance, co-dépendance est d’autant plus prégnante que ce monde et ses existants sont le fait d’un nombre important de parties prenantes dans le conSensus. Une réalité est d’autant plus tangible qu’elle est le fait d’un conSensus entre des Instances plus nombreuses. Si on envisageait des conSensus d’hommes par milliards alors les dépendances à un monde aussi tangible apparaitraient comme radicales.

Quid de la liberté humaine ? Celle de la participation au conSensus donc à une communauté de conSensus dépend de la conscience de Sens, conscience d’être en conSensus, à la source même de la réalité existentielle communautaire. On le notera avec insistance, il s’agit d’une liberté responsable, co-responsable de sa participation au conSensus, non pas par choix ou convenance mais par nature, nature humaine, bien sûr. On notera avec autant d’insistance que les implications de cette liberté dans le conSensus portent simultanément sur son existence individuelle, sur l’existence collective sur le monde commun et donc toutes les affaires communautaires et individuelles. On comprendra que les affaires individuelles sont communautaires et vice versa. La conscience de Sens amène avec l’autonomie de l’être (relative), la conscience des dépendances existentielles. La condition humaine existentielle est communautaire. Cette condition humaine peut être engagée dans la voie du développement communautaire celui donc du monde commun et des individus, voie qui peut-être révélatrice de l’homme Instance, être de Sens, transcendant à cette existence. On aperçoit que la trajectoire de révélation de l’homme au travers de son existence communautaire est la grande affaire de l’humanité mais que bien d’autres voies, d’autres Sens peuvent être impliqués qui l’en éloignent.

Si le champ communautaire est le champ même de l’existence humaine et celle du monde humain alors il faudra approfondir ce qu’est un monde communautaire où nous vivons notre existence. Il faudra aussi explorer la multiplicité des communautés humaines possibles et ce que nous avons à y faire. Enfin il nous faudra comprendre les ensembles communautaires et communautés de communautés structurant les monde humains jusqu’à un monde de la communauté humaine dans son ensemble. Alors l’anthropologie communautaire avec l’Humanisme Méthodologique permettra d’envisager autrement la plupart des affaires humaines, toujours communautaires. C’est cette perspective qui correspond aussi à la mutation du monde actuel passant d’une culture intellectuelle des représentations mentales à une culture du Sens et des communautés de Sens.

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032 – L’intelligence humaine

L’intelligence humaine vient avec la capacité de re-présentation de l’expérience première. Cela suppose le recours aux sources de cette expérience, le Sens en soi et le conSensus des Instances. Si la conscience est personnelle son contenu, lié au conSensus, a forcément quelque chose de collectif, culturel souvent. C’est une question que l’on aura à développer avec la question des communautés humaines. En tout cas l’intelligence personnelle peut concourir à une «intelligence collective» ou du moins ce qui s’y apparente. Si l’intelligence est associée à l’exercice de la conscience humaine elle en cultive les différentes possibilités. On pourra ainsi distinguer déjà six types d’intelligence existentielle: L’intelligence sensible, l’intelligence pratique, l’intelligence mentale (la seule qui vaille pour certains), l’intelligence analytique, l’intelligence intuitive ou l’intelligence rationnelle.

Pourquoi cette différentiation s’il semblerait préférable de développer une intelligence complète, intégrale? D’abord il y a des capacités d’intelligence différenciées chez l’un ou chez l’autre et il est souvent judicieux de rassembler des intelligences complémentaires. C’est comme cela que se constituent des équipes ou des groupes de coopération. Par ailleurs les réductionnismes conduisent à privilégier un type d’intelligence au détriment des autres types niant ainsi et méconnaissant le processus humain de conscience au profit d’explications opportunistes négatrices de l’humanité de l’homme et de sa transcendance.

L’intelligence est donc la faculté d’appréhender le monde, de le comprendre comme étant le monde dans lequel on existe. On notera que conscience, connaissance, compréhension sont trois termes dont la racine «co» implique un rapport de co-existence avec les réalités du monde alors que les réductionnismes font souvent de la réalité quelque chose de totalement indépendant de l’homme et de sa conscience. Le Sens en conSensus comme support de l’expérience première et de toute re-présentation pose la participation de la personne à toute réalité qu’elle partage avec un petit ou un grand nombre. La co-relation entre l’homme et les choses est liée à la participation au conSensus.

L’intelligence humaine est donc cette relation au monde qui, avec la conscience, établi les liens entre l’homme et son monde, entre les choses, entre les individus… Elle est aussi ce qui développe le monde par le biais de la multiplication des re-présentations qui deviennent réalité à leur tour. Pensons à toutes les musiques du monde, immense production qui ajoute à la réalité. Tout ce qui nous entoure, en ville par exemple, apparait comme réalisé par l’homme, effets de conscience selon tous les modes complémentaires. Et tout cela peut encore faire l’objet de nouvelles re-présentations pour de nouvelles réalisations. On découvre alors que les activités humaines sont un travail de conscience, d’exercice de l’intelligence humaine.

La combinaison des intelligences est infiniment variée mais il y a aussi ces réductionnismes qui se posent en référence et stérilisent quelque chose de l’intelligence humaine là même où elle prétend exceller. C’est le cas de l’intelligence mentale en Occident dans la période qui s’achève et dont les productions étouffent souvent bien des intelligences humaines. Elles détournent le Sens de leur exercice sur des modèle de pensée anti-humanistes. Beaucoup se déclarent pourtant humanistes mais d’un humain réduit à l’accessoire. A contrario la culture de la collaboration des intelligences multiples favorise la réalisation de l’humanité dans la réalisation du monde mais prépare l’accès à l’intelligence symbolique. Avec celle-ci la réalisation du monde est engagée dans la révélation de l’homme, les bénéfices de maîtrise de son humanité et donc son accomplissement. L’intelligence humaine n’est pas vaine si elle ne se contente pas de produire le monde mais d’y révéler l’humanité de l’homme.

Voilà le Sens à privilégier, celui que propose l’Humanisme Méthodologique avec l’accès à l’intelligence symbolique et son exercice. Viennent alors des questions de Sens. Quel Sens privilégier et quelles conséquences pour les hommes? Comment discerner le Sens de l’accomplissement humain, comment le partager en conSensus, et comment développer l’homme et le monde dans ce Sens pour favoriser la révélation de l’homme. Tel est le projet de l’Humanisme Méthodologique avec la culture de l’intelligence symbolique.

Une autre perspective est celle des niveaux de maturité humaine. On verra, le moment venu, que les types d’intelligences se cultivent dans un  certain ordre pour qu’ils progressent tous ensemble. L’intelligence symbolique intégrant les différents modes d’intelligence suppose aussi une maturité suffisante tout en orientant la culture des autres dans cette perspective.

Enfin il nous faudra approfondir ce qui fait le théâtre de nos existences et le siège de toute réalité humaine, les communautés humaines, communautés de Sens, communautés de conSensus. L’individualisme radical tente d’éliminer cette caractéristique de l’humanité en la remplaçant par des artifices propres aux réductionnismes qu’il fréquente. Artifices formels pour les uns, affectifs pour les autres, matériels pour d’autres par exemple. L’intelligence symbolique aura toujours à se référer à des communautés humaines de toutes tailles pour que s’y exerce aussi avec pertinence tous les modes d’intelligence humaine.

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031 – La conscience symbolique

La conscience existentielle est toujours la conscience de quelque chose dont elle est re-présentation. La conscience symbolique est la conscience du Sens (en conSensus) de quelque chose. Or, le Sens étant constitutif de l’Instance, la conscience de Sens est conscience de soi (et des autres dans le conSensus), conscience de quelqu’un. Pourquoi symbolique ? Si le symbole est ce qui renvoie à un Sens partagé, alors la conscience symbolique cherche dans chaque chose le Sens (en conSensus) qui la sous-tend. Mais la conscience de Sens n’est pas une re-présentation comme l’est la conscience de quelque chose mais une lumière qui éclaire la source en soi de telle ou telle re-présentation. On parlera d’élucidation du Sens de quelque chose, de discernement du Sens dont le seul lieu est en soi en son Instance, transcendante à toute réalité, tout en étant par conSensus en tous ceux qui le partagent. La conscience symbolique est celle de quelque chose, d’une réalité d’expérience humaine mais aussi de toutes ses re-présentations possibles. En effet le Sens est commun à toutes les re-présentations d’une même réalité, à toutes les réalités qui lui sont alors homologues.

Ainsi cette conscience symbolique qui est accès au Sens premier est accès au Sens de tous les homologues possibles, tous les effets de conscience de tous types et aussi bien de réalités à venir, à réaliser. Ainsi en provenant d’un processus d’élucidation du Sens d’une réalité d’expérience humaine ou d’une re-présentation quelconque, conscience de cette réalité, la conscience symbolique va faciliter toute autre re-présentation ou conscience de réalité mais aussi toute autre actualisation ou réalisation à son tour homologue. Ainsi, on le verra, la conscience symbolique est la clé de tout un développement de consciences existentielles mais aussi de réalisations homologues du Sens voulu. L’Humanisme Méthodologique y fonde l’intelligence symbolique et tous les processus de l’agir humain, une véritable ingénierie des affaires humaines.

Il faut maintenant explorer ce qu’est cette conscience et d’abord comment elle se produit.

Il arrive qu’une situation, un problème, une préoccupation se traduise par toute une série de re-présentations, souvent mentales dans nos civilisations modernes mais pas uniquement. Une certaine disposition intérieure de quête laisse venir dans un moment de lâcher prise une compréhension brusque. Tout d’un coup tout s’éclaire, toute une complication de conscience devient simple tout en gardant sa complexité. Mieux cette complexité peut être appréhendée et accompagnée de nouvelles re-présentations encore plus complexes mais toujours dans le déploiement de cette même simplicité. Ces nouvelles re-présentations sont alors disponibles à volonté pour accomplir de nouvelles réalisations sur tous les plans de l’existence. Expressions mentales et formelles, expressions corporelles et matérielles, expressions sensibles et émotionnelles, expressions objectives, subjectives, projectives et tout cela ensemble.

Cette expérience dont des réalités communes sont évoquées ici, est celle d’un éclairage intérieur qui transcende toute expérience existentielle, comme un accès à sa source en nous, source dont coulent «de source» toutes re-présentations nouvelles, comme à volonté. C’est là que la «lumière intérieure» se fait source d’intelligence et de créativité. Tout homme qui fait cette expérience sait que tout un travail l’attend s’il veut en partager les bénéfices avec d’autres, travail de langage, de communication, de partage qui ne va pas seulement de soi puisque c’est de conSensus qu’il s’agit avec d’autres Instances. Ce qui s’est éclairé intérieurement n’est rien de ce qui constitue l’expérience humaine ni quelque conscience ordinaire. C’est le Sens que nous sommes et nous constitue avec d’autres Sens qui se trouve éclairé d’une lumière pas plus visible mais dont les effets d’éclairage sont considérables. Il s’agit là de cette conscience de Sens qui n’est pas conscience de quelque chose mais conscience de quelqu’un de celui en qui cela se produit. Le Sens n’est identifiable que par ses expressions, ses actualisations et ses re-présentations. Si on peut le représenter par un flèche cela n’est qu’une figure évidemment. Il n’y a pas de flèche dans notre Instance mais des dispositions d’être, sources notamment d’intentions, d’aspirations mais aussi de toutes ses réalisations, notamment de conscience, de sciences et d’arts aussi bien. D’où vient cette lumière en nous ? Cela est un autre chapitre qui renvoie à ce que nous avons appelé l’Instant qui n’a pas de nom en propre mais seulement pour nous.

La conscience symbolique est cet éclairage en provenance d’une quête du Sens d’une réalité, d’une situation, de quelque chose de notre existence et dans notre expérience. Le processus d’élucidation du Sens qui n’est pas dans la chose mais en nous commence par une considération de la chose, une façon de mieux la réaliser quelques fois. Dans cette considération c’est une certaine disposition intérieure qui est à rechercher et c’est là un point particulièrement délicat. Dans cette disposition une re-présentation ou une série de re-présentations peuvent être réalisées. Une considération simultanée de toutes ces re-présentations homologues permet d’ajuster la disposition intérieure et quand elle est juste alors la lumière vient. Le paradoxe c’est que cette disposition est une disposition de Sens alors que ce que l’on attend c’est justement une conscience de Sens. La disposition ne peut se faire qu’à l’aveuglette. En fait ce sont les artifices méthodologiques ceux d’une discipline intérieure qui vont le permettre mais aussi et surtout une préparation par le conSensus avec d’autres qui savent trouver la bonne disposition de Sens. Personnes repères, influence du groupe mais aussi mises en conditions favorisantes et bien d’autres mises en situations que nous offre l’existence et notamment l’existence communautaire permettent de faciliter cette mise en disposition nécessaire à la conscience symbolique. On devine qu’il y faut aussi une certaine maturité pour ensuite, depuis sa propre conscience des Sens, aider les autres par un travail de consenSus à cette même élucidation. L’Humanisme Méthodologique y fonde toutes ses pratiques et la conduite des affaires humaines.

La conscience des Sens ou conscience symbolique amène trois types de bénéfices. Le premier celui de la connaissance intime des réalités d’expérience humaine par celle du Sens en soi qui est conscience d’être Sens. Science mais avec conscience. Très souvent des créateurs de connaissances nouvelles ont eu cette expérience qui a été niée par ceux qui l’ignorent surtout enfermés dans quelque réductionnisme. Ils ont témoigné de leur inspirations comme des Newton ou Descartes et bien d‘autres que les réductionismes matérialistes ou rationalistes par exemple ont évacué par impuissance et en définitive par anti humanisme radical.

Le second bénéfice est celui de la liberté de Sens celle de partager ou non un Consensus dans tel ou tel Sens, une liberté de Sens une liberté d’être qui est la liberté proprement humaine. Cette liberté conférée par la conscience de Sens n’a rien à voir avec l’élimination de contraintes extérieures ou une indépendance existentielle fantasmatique. Par contre elle permet de favoriser un Sens et en conséquence les conSensus qui en permettent toutes réalisations toutes re-présentations de conscience. Il est temps de dire que tous les Sens ne se valent pas ou plutôt que certains Sens correspondent à cette disposition source de conscience et de liberté et pas d’autres. C’est là toute la question de l’accomplissement humain et du bien de l’homme. Ce sera l’enjeu de la seconde partie des leçons d’Humanisme Méthodologique.

Le troisième bénéfice est une certaine maîtrise des représentations par le biais des conSensus selon le Sens voulu. C’est toute la conduite des affaires humaines qui est en jeu, affaires personnelles, affaires communes, toujours communautaires par conSensus. Toutes les affaires humaines sans aucune exception peuvent être mises au service de l’accomplissement humain bénéficiant de la maîtrise des uns pour aider à la maîtrise des autres. Maitrises bien relatives et toujours dépendantes des conSensus où elles doivent s’exercer. Ce sera l’enjeu de la troisième partie des leçons d’Humanisme Méthodologique.

Ainsi on en viendra à comprendre comme la réalisation du monde peut viser à la révélation de l’homme et que toutes les oeuvres humaines sont oeuvres de réalisation révélatrices. La révélation de l’homme se produit par la conscience symbolique des réalités, la conscience des Sens et de la transcendance de l’Instance humaine en chacun et en tous.

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030 – La conscience mentale

La conscience mentale est la re-présentation formelle de l’expérience première. Dans la projection de l’intentionnalité se déploient les formes de l’existence. La conscience mentale ou conscience des formes est aussi ce qu’on appelle souvent conscience réflexive. A cette conscience appartiennent le savoir et le dire. Le langage y participe sous toutes ses formes mais aussi toutes les formes qui dessinent quelque réalité première et qui les re-présentent. Cette conscience nous pose de nombreux problèmes. Le premier c’est que dans une certaine période de l’histoire, la nôtre, elle a pu être assimilée à la conscience tout court. Si c’est un bienfait qui ne va pas de soi cette idéalisation va souvent avec une méconnaissance des autres modes de conscience en devenant celle de l’élite. C’est sur cette méprise et ce mépris que sa suprématie s’est fondée. La science, que l’on sait pouvoir être sans conscience, en est venue à sacraliser son savoir. Ainsi la représentation est devenue une sorte de double abstrait de la réalité, produit par abstraction, par réflexion, ignorant qu’elle est une présentation à nouveau, une re-présentation. Elle fait ainsi abstraction du sujet et en même temps des sources de l’expérience première c’est-à-dire l’être de l’homme, le Sens et le conSensus. Ils font de la réalité première une réalité d’expérience humaine et des re-présentations un renouvellement de l’expérience première et non pas une sorte de copie. La perte de vue d l’homme va avec la perte de vue du haut et du bas dans la présentation et la re-présentation. C’est la déviance réductionniste qui est ainsi prédominante à tel point que les représentations comme les mathématiques ou les «lois de la nature» sont devenues les causes de la réalité grâce à l’abstraction de sa source humaine, source de l’expérience source des mathématiques et de toutes les notions utilisées. Les re-présentations mentales y sont posées comme se tenant par elles-mêmes et soutenant le monde, la réalité et l’homme réduit à son existence. Une inversion comme tous les réductionismes. Un autre problème se greffe sur le fait de la perte de vue de la source tant de la réalité première d’expérience humaine que la réalité seconde qui en est une re-présentation. C’est que les re-présentations de re-présentations ayant perdu leur repère construisent des édifices où la réalité est confondue avec ces représentations. Par exemple on peut appeler idéologie cette croyance dans une réalité qui doit être déduite des formes idéelles qui sont en fait des re-présentations seconde et pas premières. Mieux des travaux scientifiques portent sur des représentations de représentations dont les critères de présence ont disparu et qui ont perdu de vue la réalité première et bien sur son humanité d’origine. De tels édifices de représentations multiplient une complexité en complications indéfinies. Seules des conventions collectives, identificatoires font que tel ou tel régime est posé comme réalité de référence. De ce fait pour tel groupe sa réalité est une construction mentale érigée en référence. Cette conscience devenue hors sol a perdu de vue celui qui la porte, l’homme lui-même qui se nie au travers de cette édification. Un célèbre «anthropologue» Levi Strauss, un des pères du structuralisme assigne aux sciences humaines la tâche de dissoudre la notion d’homme, ce qu’il nomme l’anti-humanisme théorique. On peut se demander quel bénéfice et quelle gloire des hommes peuvent trouver dans cette négation par effet de conscience et par cette épaisseur de représentations qui sont devenues autant de masques de l’humanité. Ce n’est pas une raison pour rejeter la conscience mentale ce que d’autres réductionnismes s’empressent de prôner. Ils se piègent par la prolifération de discours idéologiques de justification pour avoir raison renforçant ainsi la confusion. Mais c’est aussi de la confusion que peut naître la conscience reste à savoir comment et pourquoi ce que d’autres leçons développeront.

 

La conscience mentale des réalités formelles. Les réalités formelles sont ces formes de l’expérience première, projections du Sens en ConSensus. La conscience mentale, re-présentation de l’expérience première est constitué de formes, projections du même Sens en conSensus. La forme-conscience n’est pas la copie ou l’image ni le reflet à l’identique de la forme première mais une réactualisation du même Sens. C’est donc là que se situe la source de la ressemblance. Ainsi il ne s’agit pas de l’image de la forme de l’expérience première mais une ressemblance provenant d’une origine similaire. Ainsi par exemple des formes comme le cercle ou le carré ou tel ou tel modèle formel ne sont que de nouvelles actualisations des Sens et conSensus à l’origine de l’expérience première. On pourrait ainsi noter que la science peut être vue comme conscience mentale formelle d’une réalité première dont les formes ne lui sont pas superposables. Au lieu d’une sorte de duplication des formes c’est d’une re-présentation à partir des mêmes Sens en conSensus qu’il s’agit et qui constituent le lieu commun en soi et les Instances en conSensus. Une illustration est la traduction d’une langue dans une autre qui passe par une ré-expression du Sens de la première expression. Le réductionnisme cherche une rationalité directe entre les deux formes alors que le lien passe par le Sens. Le réductionnisme fait de la forme première la cause de la forme seconde. Le lien entre les versions premières et secondes est un lien de Sens. A ce titre elles sont homologues. On en verra tout l’intérêt.

La conscience mentale de l’expérience sensible. Une expérience commune est celle de l’art où une expérience affective émotionnelle sensible donne lieu à une expression selon des formes que l’artiste associe en re-présentant le Sens de l’expérience affective. Musique, poésie, arts plastiques, peinture, art vivant, etc. expriment le Sens qui est à l’origine celui de l’expérience première affective. Celle-ci n’est pas ainsi la cause directe de l’expression artistique. Le réductionnisme verrai aussi une corrélation directe mathématique quelquefois entre les formes exprimées et l’émotion vécue par ceux qui la reçoivent. C’est toujours le Sens ou esprit qui, à la fois, inspire l’artiste même si l’expérience affective en a été la médiation première et, à la fois, fait écho chez ceux qui l’entendent.

La conscience mentale de l’expérience factuelle. La re-présentation des Sens de l’expérience première factuelle sous le mode formel nous donne la conception d’une science empirique dont se dégageraient des formes explicatives. On comprend le jeu du réductionnisme majeur de notre époque dite moderne. Ce sont les Sens de l’expérience première factuelle qui sont re-exprimés sous le mode mental et non pas le dégagement d’une forme explicative, mathématique par exemple. La conscience mentale des faits et des corps en interaction permet par exemple d’en parler et de le modéliser de multiples façons. L’intérêt essentiel c’est de médiatiser le Sens de l’expérience première sous un autre mode qui s’inscrit dans une re-présentation du monde et aussi de l’existence de chacun. A quoi cela sert-il alors si ce n’est pas pour expliquer les faits. Le Méthodologique de cet Humanisme aura beaucoup à en proposer.

La conscience mentale de l’expérience objective. Le nombre et le chiffre en voilà une illustration. L’expérience première de la distinction et du nombre (dans le ConSensus) est re-présentée selon des formes distinctives et des signes. Les signes de numération et les chiffres en sont des exemples mais aussi bien des figures, mathématiques, par exemple. Le rapport entre l’objectivation distinctive et les re-présentations associées à pu faire attribuer à la conscience formelle un caractère objectif qu’elle n’a pas. C’est la source de bien des erreurs surtout lorsque la prétention universaliste vient se justifier comme vérité objective.

La conscience mentale de l’expérience subjective. Le Sens que présente l’intentionnalité peut être représenté dans des formes qui en expriment la continuité, la logique. C’est la source d’une confusion dans la compréhension du logos. La parole intentionnelle ou la forme re-présentée viennent à la place du Sens qu’il expriment selon leurs registres propres et ici l’expérience première intentionnelle et sa re-présentation formelle. L’expression formelle des intentionnalités humaines alimente théories, philosophies, épistémologies qui apparaissent comme conscience mentale. On aura d’ailleurs à considérer ce qui est re-présentation mentale de l’expérience intentionnelle et la re-présentation mentale seconde de la première venant comme explication logique par exemple. Cet emploi de la logique met à l’envers l’ordre du Sens et ses expressions. La connaissance comme seulement connaissance de quelque chose sans être celle de quelqu’un vient aussi caractériser cette inversion.

La conscience mentale de l’expérience projective. Cette re-présentation formelle de l’expérience projective formule ou formalise, traduit ou exprime le déroulement et le déploiement existentiel de nos vies et celles du monde et de toutes situations. Le réductionnisme viendrait à croire que le dessin formel pourrait être projet qui se réalise ensuite. Le lien entre un déroulement existentiel et sa re-présentation mentale c’est toujours le Sens qui est à leur source en soi dans un conSensus avec d’autres. Ainsi la représentation mentale est celle du Sens que la réalité projective actualisait déjà. L’inverse est possible de la réalité formelle d’un projet qui se re-présente sous le mode projectif d’un développement existentiel. Cela fait partie des usages de la conscience que d’aller de re-présentations en re-présentations. C’est un principe même de l’agir humain.

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029 – La conscience pratique

La conscience pratique est une re-présentation de l’expérience première selon la composante factuelle. Elle se présente sous le mode factuel, corporel, celui aussi des interactions. La conscience pratique est donc celle du corps engagé dans des rapports avec d’autres corps, avec les choses. On peut aussi la considérer comme une conscience corporelle. D’une certaine façon c’est comme si le corps avait une conscience des gestes, des mouvements à effectuer, des choses à dire, des comportements donc. Cette conscience porte sur tous les termes de la causalité factuelle, des faits et de leurs effets, des instruments et moyens d’action, des outils, des matériaux, des transformations, des effets et de leur mesure. Cette conscience factuelle est celle des gestes de la vie, souvent acquis très jeune, celle des gestes artistiques, des comportements sociaux, des pratiques de la vie courante, des pratiques professionnelles. Il ne s’agit pas, comme le réductionnisme intellectualiste le suppose, d’avoir d’abord une représentation mentale qui ordonnerait les gestes. Faire du vélo ne s’apprend pas dans des cours de mécanique pas plus que tous les «faire» de l’existence. Pour la conscience pratique le savoir-faire n’est pas d’abord un savoir, un savoir qui n’est pas du tout indispensable dans de nombreux cas. Il existe aussi un réductionnisme de la conscience pratique qui voudrait qu’elle soit due à des réflexes innés, des propriétés intrinsèques des corps. Ce n’est pas au moment où la masse des corps se révèle comme une conséquence et non une propriété intrinsèque que l’on va poursuivre le réductionnisme matérialiste et sa croyance dans les effets de masses.

La conscience pratique de la réalité factuelle. Elle porte sur toutes les dimensions et composantes de l’expérience première et ici la composante factuelle mais spécifiquement sur le mode factuel. L’effet des faits, le faire des effets, le faire en faits. La conscience pratique est cette re-présentation que l’on nomme habileté, coup de main, réflexe, aptitude, compétence pratique. Le fruit des apprentissages c’est justement celui-là, cette capacité de percevoir et de mettre en acte les bons gestes, les bons comportements, c’est-à-dire efficaces quant aux effets produits. Pour les matérialistes c’est un résultat machinique ou mécanique, pour l’Humanisme Méthodologique c’est simplement une re-présentation d’une expérience première. Est-ce que ce serait comme une mémoire corporelle? Mais toute conscience est comme une mémoire en tant qu’elle re-présente une expérience première et même d’autres expériences de conscience. Nous y reviendrons avec la question de l’intelligence humaine.

La conscience pratique de la réalité sensible. Les phénomènes émotionnels, l’éprouvé, les sentiments et sensations sont perçus comme des événements des faits et leurs effets. La conscience pratique ou corporelle les considère comme des processus corporels, le corps en étant alors le siège. Tensions ou détentes physiques, douleurs et plaisirs, et même les sensations sont rapportées à des fonctions organiques. Le corps est alors vécu comme la matérialisation de ce vécu affectif et ses péripéties semblent s’y inscrire. Le réductionnisme en fera d’ailleurs la cause, le corps n’est plus alors seulement siège du plaisir et de la douleur par exemple, il en est la cause que l’on peut traiter par des gestes ou des moyens physiques ou chimiques. Il est vrai que la conscience corporelle ou conscience des pratiques est un régulateur majeur du régime des affects. Elle interviendra on le verra dans les apprentissages de la vie, ces « leçons de choses » de l’école de la vie.

La conscience pratique de la réalité mentale. Les représentations mentales sont ici considérées comme une activité qui ressorti de gestes, d’interactions, de productions d’effets. Elle suggère techniques et procédés d’exercice d’une compétence mentale. Le réductionnisme ferait volontiers des représentations mentales un pur produit de ces techniques allant jusqu’à les confier à des machines comme c’est une croyance devenue bien commune. La conscience pratique permet néanmoins de ne pas laisser les représentations mentales dans une pure idéalité mais contribue à les inscrire dans un mouvement du corps et des interactions de la réalité factuelle. L’utilité et l’efficacité mentale sont alors inscrits dans la composante corporelle des réalités. Cependant redisons-le les représentations mentales sont bien autre chose que le pur produit de techniques.

La conscience pratique des réalités objectives. Les éléments sont représentés comme des corpuscules et des corps pris en masses. La conscience corporelle les prend dans leurs résistances et leurs pesanteurs. Elle se traduira aussi par des mesures comme on se mesure à quelque chose. La conscience corporelle et pratique fait des objets des choses et dès lors peut les appréhender dans leurs interactions. Elle dénombre certes mais pour prendre en compte des masses, des corps, des propriétés physiques, traduisant ce qui est élémentaire en propriétés mesurables. On voit bien que toute une physique et une chimie empiriques se sont construites sur cette corporeification des éléments. Le réductionnisme supposera que ces éléments sont seulement des corps en interactions. La conscience factuelle, pratique, ramène à l’expérience corporelle la connaissance des choses. Manière de se situer parmi les corps. Il n’est pas indispensable de s’y réduire pour autant.

La conscience pratique des réalités subjectives. Les intentionalités, leurs qualifications et leurs tensions sont présentées comme des forces s’exerçant sur des corps pour produire des effets. La re-présentation pratique appréhende des forces de caractère comme des sources d’action plus ou moins fortes. La volonté est quelques fois comprise comme une force agissante et transformatrice. Le réductionnisme en fera la cause des phénomènes matériels, de l’interaction entre les corps à partir des forces qui les animent. La conscience corporelle, factuelle, pratique fera le lien entre cette tension ou la détermination associée, avec les actions ou productions. C’est comme cela aussi qu’elle qualifiera les choses par leur force agissante.

La conscience pratique et les réalités projectives. L’ordonnancement dans le temps et l’espace de tout existant est ici re-présenté comme une série de faits et d’effets. Si la dimension projective laisse apparaître une vue d’ensemble sur le parcours existentiel d’un existant, la représentation factuelle envisage un pas a pas, une succession de moments et de transformations que l’on peut dire ponctuels. Ainsi la conscience factuelle organise les événements dans un court terme qui se répète au lieu du moyen terme de la dimension projective. Ainsi si elle apporte une sorte de concrétisation des faits qui se succèdent la conscience pratique peut être réductrice si elle ne voit dans le parcours existentiel, dans l’histoire ou dans un projet qu’une succession de faits, de tâches, d’événements indépendants.

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028 – La conscience sensible

La composante sensible de l’expérience première de la réalité est faite des affects, des émotions, des sentiments, des sensations, dont la source est le conSensus dans le croisement mouvant d’un Sens de l’Instance avec d’autres Instances. Y règne la confusion entre soi et non soi de l’éprouvé. Elle va de la confusion de soi avec l’éprouvé à l’attribution à la réalité expérimentée des attributs éprouvés. On y trouve aussi la personnification de l’éprouvé comme entité agissante comme celles du bien et du mal par exemple. Cette confusion se résout par la conscience sensible c’est-à-dire grâce à une re-présentation de l’éprouvé. Cette re-présentation sous le mode sensible va permettre d’une part de différencier ce qui est éprouvé dans sa variété, son intensité et aussi de se différencier de ce qui est éprouvé dans la relation avec les autres. C’est donc la relation qui est alors identifiée par la conscience sensible, relation avec les autres, relation avec les choses, relations avec les situations dont les affects, le vécu, sont comme la substance même. Comme toujours un réductionisme fera des affects la source de toute relation et non pas leur effet. Du coup l’expression «c’est plus fort que moi» prend tout son sens et la dépendance affective, sensible est établie. Les addictions comme les passions ne sont rien d’autre. Les manipulations affectives des personnes et des foules y trouvent leurs ressources.

La conscience sensible de la réalité sensible est donc perception nuancée des affects et des sensations dues aux relations humaines et de leurs présentations dans la réalité d’expérience individuelle et collective. Son réductionnisme met en dépendance les hommes de leurs affects et des attributs de la réalité comme s’ils n’étaient pas d’origine humaine. (Le bleu du ciel n’est pas dans le ciel mais en nous et pas plus dans le cerveau). Restaurer la conscience d’être co-auteurs, dans la relation, de ces attributs n’est pas de première évidence par contre il est plus aisé de différencier les nuances par cette conscience sensible. Des artistes appréhenderont plus aisément les deux. Du coup cette conscience sensible prendra toute une palette d’acuité depuis la différenciation des nuances jusqu’au discernement d’en être à la source dans la relation. Il nous faudra le moment venu envisager des degrés de conscience et aussi un autre type de conscience qui est celle du Sens en conSensus. Ce n’est plus alors une conscience existentielle qui elle y prépare et qui en est aussi amplifiée.

La conscience sensible de la réalité factuelle. Nous appréhendons les choses et les corps aussi par ce qui est ressenti dans le rapport avec eux. La conscience sensible vient «colorer» le monde de toute une palette de ressentis. Par exemple nous sommes entourés d’objets que nous avons choisi parce qu’ils nous plaisent, nous réconfortent et nous confortent (confort). Nous en évitons d’autres pour les sensations ou appréciations que nous en avons. Pensons aussi aux aliments. Des objets nous deviennent familiers et nous pouvons régler nos usages sur des affinités acquises grâce à cette conscience sensible. L’artisan perçoit dans ses outils des finesses que d’autres ne perçoivent pas. C’est vrai pour tous les objets mais aussi tout notre environnement matériel et corporel et nos interactions avec le monde matériel et factuel. Les arts corporels y sont liés, les métiers aussi et le réglage de nos comportements. Inversement un conditionnement tyrannique peut-être infligé pour réduire les corps et les comportements à des exigences sensibles posées comme puissances.

La conscience sensible de la réalité formelle. Apprécier un texte, un tableau, un discours mais aussi un dessin, une forme construite, une image fait partie de ce qu’on appelle aussi une culture. Un «savoir apprécier» n’est rien d’autre que l’exercice de la conscience sensible. Celle-ci interviendra dans la poésie et dans les arts qui construisent des formes données à voir et à apprécier. Il a aussi une poésie des structures formelles, des mathématiques, des dossiers administratifs, des lois et règlements qu’apprécient ceux qui ont cultivé une conscience sensible à leur égard. Les sensations, les affects, les émotions les sentiments et toute la gamme des perceptions viennent enrichir les réalités formelles, les enchanter et pas seulement dans les spectacles organisés pour cela. Un réductionnisme viendrait juger de la valeur des réalités formelles, des représentations mentales sur ces seuls critères, une désolation de la conscience formelle. Par contre leur alliance est source de créativité.

La conscience sensible de la réalité objective. La réalité objective dans l’expérience première est liée au jeu de présence absence, binaire, et les ensembles quantitatifs avec les fréquences et probabilités de présence. La re-présentation sous sa composante sensible éprouve ces états du conSensus sous le mode de la proximité et de la distance, de l’angoisse de séparation à la réassurance de la proximité. Selon le Sens en jeu cependant, ce sont d’autres affects qui peuvent être éprouvés dans cette re-présentation. L’empiètement fusionnel et la joie de l’être en soi et pour soi correspondent à d’autres Sens en conSensus. La conscience sensible va aider à réguler le rapport aux autres et aux critères numériques comme signes de valeurs. A l’inverse, le réductionnisme sensible donnera aux chiffres ou aux nombres une valeur de puissance magique qui n’est pas absente des analyses quantitatives de la réalité.

La conscience sensible de la réalité subjective. Les intentions, aspirations, motivations, volontés, déterminations peuvent être re-présentées sur le mode sensible et associées à des affects. Selon leur Sens ces tensions sont associées au plaisir, la joie, la crainte, la peur et bien d’autres ressentis qui servent alors de guides et de repères à la détermination subjective. Il ne faut pas confondre l’intention et sa représentation sensible et le reductionnisme de la conscience sensible fera des indicateurs sensibles les causes mêmes de l’intentionnalité, tant dans l’attraction que la répulsion. L’ hédonisme par exemple, la loi du désir ou du dégoût feraient de la conscience sensible la cause des prises de position intentionnelle privant le sujet de toute liberté comme une girouette qui s’oriente selon le vent et non comme l’esprit-Sens qui assume ses positions. La conscience sensible fournit des indicateurs affectifs à la tenue et au choix d’orientations intentionnelles dans l’existence.

La conscience sensible de la réalité projective. Le développement dans le temps, des projets par exemple, s’accompagne de ressentis, d’affects qui s’éprouvent dans l’approche ou l’atteinte d’un but ou sa non-atteinte, joies et déceptions font partie de la re-présentation sensible de l’expérience projective. Les histoires que l’on raconte et se raconte avec le suspens et les enchainements rationnels, les surprises et les péripéties du parcours sont chargés d’affects. La conscience sensible accompagne les enchainements et les ordonnancements dans l’espace-temps et la conscience sensible apporte un puissant moteur ou un puissant handicap au développement en faisant éprouver l’implication des personnes dans la communauté. Cette implication est ignorée des rationalistes mais le réductionnisme de la conscience sensible en fait le seul moteur explicatif du passé ou de l’avenir qui serait entièrement soumis aux passions humaines. C’est la source de bien des manipulations ou au contraire des désimplications ou désaffectations d’une rationalité investie d’une passion tyrannique. La conscience sensible est encore ici la meilleure ou la pire des choses selon le Sens qu’elle emprunte qui peut être aussi bien un réductionnisme.

Nous aurons l’occasion de considérer le phénomène de conscience dans ses deux facettes, l’intelligence existentielle humanisante ou un réductionnisme déshumanisant.

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027 – La conscience rationnelle

La conscience rationnelle est une re-présentation selon la dimension projective de l’expérience humaine. Se présente dans cette re-présentation l’ordonnancement des choses selon une séquence historique et projective. C’est le rapport entre les choses selon une trajectoire temporelle d’enchainement successif. Ce rapport dit de rationalité est simultanément spatial entre les choses et temporel dans leurs successions. La conscience rationnelle porte plus sur le rapport que sur les choses elles-mêmes. Celles-ci sont d’ailleurs envisagées comme autant de constructions rationnelles. Si l’ensemble apparait dans une cohérence existentielle c’est surtout le rapport, la rationalité qui est ici re-présentée. On notera en outre que cette conscience rationnelle, procède soit de façon rétrospective pour parcourir l’enchainement qui amène au présent et de façon prospective pour parcourir par anticipation l’enchainement qui amène aux situations futures. On notera que les deux sont établis dans le présent et ici celui de la re-présentation. L’intelligence rationnelle peut être dite historique ou rétrospective quand elle veut traduire les raisons du passé et stratégique ou prospective quand elle veut traduire les raisons à venir.

La conscience rationnelle de la réalité objective. Cette dimension de l’expérience première est par nature aléatoire. La représentation rationnelle pourra établir des corrélations entre des éléments et des groupes mais ses enchainements ne peuvent être que probabilistes. La rationalité ne peut être ni prédictive ni explicative. C’est pour cela qu’un Albert Einstein réagit à une physique quantique par cette formule «Dieu ne joue pas aux dés». On pourrait lui répondre «peut-être mais l’altérité est par définition aléatoire». Il s’agit bien de l’altérité humaine des conSensus. Le réductionnisme rationaliste insistera pour postuler des rationalités cachées pour expliquer les éléments, restant en difficulté quant à ses prédictions.

La conscience rationnelle de la réalité subjective. Cette dimension de l’expérience première assure la continuité temporelle et une cohérence significative. Sa représentation rationnelle s’y retrouve pour ce qui est des enchainements, une sorte de déterminisme logique qui apparait selon une intentionnalité donnée. Par contre les éléments qui s’ordonnent dans le temps peuvent lui échapper sans une conscience analytique. Une autre difficulté est celle du changement de logique ou d’intentionnalité qui échappe à toute rationalité tout en en étant un vecteur, le vecteur subjectif. La conscience rationnelle re-présentation de la dimension subjective en apercevra les lignes de cohérence ou logiques.  Le rationalisme réducteur voudrait que les intentions, les cohérences logiques soient les conséquences de l’ordre rationnel qui serait premier. Il s’oppose radicalement à l’autonomie humaine du sujet qu’il voudrait résulter d’une rationalité à priori. Pas de libre arbitre pour le réductionnisme rationaliste.

La conscience rationnelle de la réalité projective. Elle excelle ici à re-présenter la raison et les enchainements rationnels dans leur complexité spatiale et leur succession. Conscience historique et stratégique, rétrospective et prospective, la conscience rationnelle permet de se situer dans le cours de l’existence par la mémoire comme par les projets et ainsi envisager son développement et ses buts. Elle permet de «mettre en récit» la re-présentation du passé comme la re-présentation du futur. Par contre le réductionnisme rationaliste en fait le résultat d’une procédure rationnelle, d’une rationalité à priori plutôt que le fruit d’un processus humain.

La conscience rationnelle de la réalité sensible. La raison et l’émotion ne font pas bon ménage paraît-il. En fait c’est le réductionnisme rationaliste qui fait de la raison la cause première et qui voit dans la réalité sensible que confusion, irrationnel ou pré rationnel. La conscience rationnelle peut très bien re-présenter des continuités issues de l’intentionnalité subjective et des différences issues de la multiplicité objective. La conscience rationnelle peut reconstituer des enchaînements d’émotions, de sentiments et en traduire la genèse aussi bien qu’anticiper sur les enchaînements à venir. Elle aide à sortir des confusions éventuelles et situer cette composante de la réalité dans la perspective d’un devenir et non pas d’un archaïsme régressif fatal. L’évaluation sensible en est un bénéfice certain.

La conscience rationnelle de la réalité factuelle. Elle vient ré-présenter l’enchainement des opérations, des interactions, des causes opérantes. C’est la rationalité opérative qui est ici ré-présentée.  Elle viendra pour déconstruire des enchaînements antérieurs et construire des enchaînements postérieurs. Une compétence pratique va s’en nourrir. À contrario, le réductionnisme rationaliste pose l’enchainement des causes comme premier et donc toute action passe par l’application d’un enchaînement rationnel. On trouve alors des opérateurs aliénés aux procédures rationnelles qui s’imposent comme dans l’idéal machinique. Le rationalisme à produit une mécanisation de l’agir humain confondant la cause rationnelle et l’ordre opératif. Nous en sommes imprégnés.

La conscience rationnelle de la réalité formelle. L’ordre des formes intervient dans la construction de représentations mentales complexes. L’un des exemples est le langage dont la syntaxe ordonne la séquence du discours. Les constructions intellectuelles rationnelles sont dites alors spéculatives. Elles peuvent aussi bien intervenir dans la relecture rationnelle des discours ou productions mentales que dans leur construction. On voit bien qu’une certaine maîtrise des représentations mentales est le fait de la conscience rationnelle. Elle a permis en effet de vastes constructions intellectuelles, culturelles, langagières, réglementaires, des représentations du monde dont la ré-présentation rationnelle est d’un grand intérêt. Le réductionnisme vient alors pour dire que la raison et ses enchaînements sont la cause des formes et représentations mentales, des savoirs comme des discours. La raison prend la place du sujet qui s’en trouve dépossédé de son intentionnalité. Il n’est pas sur qu’un Kant ne l’ai pas aperçu. La représentation rationnelle est donc aussi bien un moyen qui facilite la compréhension et la construction de nos représentations mentales en même temps que le réductionnisme nous en fait les agents subalternes. Des structures institutionnelles en ont été le produit aliénant.

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026 – La conscience intuitive

L’intuition est cette re-présentation de l’expérience première sous le mode subjectif. Elle accède à la signification interne, «ce que cela veut dire». Dans cette expression il y a comme un vouloir, une intention sous-jacente qui exprimerait une subjectivité qui se re-présente à nous, qui nous parle. L’intuition qui semble percevoir le coeur de la réalité le perçoit au cœur de soi-même. Tout se passe comme si la re-présentation subjective ou intuition était l’écho de l’intention présente au cœur de la réalité première dont on sait qu’elle est expérience du Sens en soi-même, Sens du conSensus bien sur. La conscience intuitive est donc cette re-présentation subjective de l’expérience première. Elle s’applique à toutes ses dimensions et composantes.

La conscience intuitive de la réalité objective. L’expérience première d’une réalité objective est celle de la présence des autres Instances dans le conSensus. La conscience intuitive reconnait la dimension subjective c’est-à-dire que les autres ne sont pas seulement en nombre mais sont aussi sujets porteurs d’intention. La conscience intentionnelle est comme l’écoute de l’intentionnalité de l’autre. Ce qui se trouve en nombre dans l’expérience première se trouve affecté d’une signification intentionnelle que l’on sait portée par le Sens en conSensus. Pas de statistique sans critères significatifs où l’intuition est indispensable.

La conscience intuitive de la réalité subjective. La dimension subjective de la réalité est celle de sa quiddité sa qualité propre, ce que cela signifie pour nous. La conscience subjective est la re-présentation de cela, sous le mode subjectif c’est-à-dire intuitif. Il y a comme une identification entre soi et la réalité sous cette dimension. Ce principe servira, on le verra, à l’élucidation des Sens, en soi même, des réalités considérées. L’intuition le préfigure en découvrant en soi ce qui se posait comme appartenant à la réalité sous sa dimension subjective. C’est par l’intuition et son exercice que le lien intime entre soi et le monde se révèle sous cet angle. S’il y a là une « intelligence du cœur » il peut aussi y avoir un réductionnisme où l’intuition devient puissance explicative de la réalité, virant à quelque toute puissance individualiste.

La conscience intuitive de la réalité projective. Le déploiement de la réalité, son développement spatio-temporel sont là re-présentés par une intuition qui appréhende la signification de se qui se passe, d’où cela vient, ou cela va-t-il, ce qui se prépare, les perspectives envisageables. Tout cela est le fruit de la conscience subjective de la situation ou intuition de la situation. Tout ce passe comme si l’intuition accédait aux dynamiques internes que l’on sait en rapport avec le Sens en conSensus. On pourrait aussi parler d’intuition stratégique. Comme toujours le réductionnisme négligera les rationalités en jeu et fera confiance à une puissance agissante du vouloir. Une caractéristique des tyrannies toujours étonnamment intuitives.

La conscience intuitive de la réalité sensible. Il s’agit bien d’une re-présentation de cette composante sous le mode subjectif de l’intuition. Il ne s’agit pas tant d’éprouver à nouveau le vécu sensible que d’en percevoir la signification (le Sens). L’intuition permet une compréhension de la réalité sensible, au-delà de la simple résonance empathique. Là encore un réductionnisme viendra expliquer la réalité sensible par des positions intentionnelles pouvant confondre le sujet intuitif avec les affects éprouvés. Je suis mes affects et mes affects sont ceux des autres, sont les autres. On appellera cela projection ou introjection. La conscience subjective n’est qu’une dimension de la re-présentation et l’intelligence intuitive est compréhensive mais pas confondante.

La conscience intuitive de la réalité factuelle. Elle accède à un pourquoi des choses. Qu’est ce qui fait que les choses soient ainsi, se présentent ainsi, ont tels ou tels effets… Cette re-présentation intuitive des choses factuelles est rapportée à des habiletés qui dépassent les simples mécanismes réflexes, au « sens » des choses que certains auraient par intuition comme le «sens» pratique. Il s’agit bien d’une re-présentation subjective de l’expérience première factuelle. Comme toujours un réductionnisme verra comme des pouvoirs magiques, des intentions portées par les choses et qui les anime. Cet animisme n’est pas absent des croyances modernes sur le jeu des causes et des effets.

La conscience intuitive de la réalité formelle. L’intuition du sens des textes, des images, des formes et modèles est courante même si elle inquiète les formalistes. Cette intuition viendra pour formuler, exprimer, dire, projeter ce qui l’inspire, dans la subjectivité de celui qui l’exprime. C’est un principe de créativité. L’intuition viendra aussi pour écouter et entendre les formes exprimées par d’autres, leur discours ou leur pensée, leur création éventuellement. Il y a encore un réductionnisme subjectiviste à l’opposé de cette intelligence intuitive. C’est le recours à l’opinion qui sait ce que cela exprime de son seul point de vue, de sa seule intentionnalité alors qu’elle n’est que re-présentation subjective de ce qui est déjà présent. C’est comme cela que l’on peut faire dire aux formes et expressions ce que l’on veut dans sa propre subjectivité du moment.

On le sait la subjectivité est ignorée par différents réductionnismes alors que l’intelligence intuitive permet d’accéder à une dimension essentielle de la réalité. Cependant elle peut se traduire à son tour par un réductionnisme subjectiviste qui rend alors suspecte toute subjectivité.

 

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025 – La conscience analytique

La conscience est re-présentation de l’expérience humaine. Cette re-présentation est une expérience que l’on appelle conscience de la réalité. La conscience analytique qui est décomposition en éléments correspond à la dimension objective de l’expérience de conscience. Ces derniers termes seront repris lorsqu’il s’agira d’autres dimensions et composantes de «l’expérience de conscience» , l’expérience de pensée par exemple.

La conscience analytique est re-présentation d’une expérience première mais ce peut être de toutes et de chacune des dimensions et composantes de cette expérience. Ainsi on peut considérer que chaque type de conscience peut s’appliquer à chacune des dimensions et composantes de la réalité de même que chacune de ces dimensions et composantes de la réalité première peut être re-présentée par chacun des types de conscience. Cela peut paraitre compliqué mais l’expérience de la conscience l’est même si les principes sont simples et l’ignorer est source d’égarements que l’histoire humaine nous fait connaître. Nous verrons, le moment venu que cela dépend du Sens dans lequel nous sommes disposés. Pour en finir avec cette introduction il faut rappeler que la conscience est une expérience qui elle-même est enjeu à son tour de re-présentation. La conscience s’applique à la conscience. On peut en effet développer une pensée de la pensée d’un philosophe par exemple ou de n’importe quel discours. On pourrait parler d’une méta conscience. Seulement cela pourrait se développer à l’infini. C’est dire l’intrication des re-présentations, des expériences réalisatrices, la complexité du monde d’expérience humaine, la difficulté de retrouver sous ces couches de conscience, l’être qui en est le lieu en son Instance. C’est pourquoi l’homme en développant sa ou ses consciences peut en arriver à se perdre de vue en tant qu’homme. La sagesse serait-elle comme cela a déjà été préconisé d’économiser la libre conscience individuelle pour éviter de se perdre? Oui s’il elle divague, non si elle se discipline pour atteindre l’effet inverse, la révélation de son humanité transcendante. C’est à cela que sert la connaissance de la conscience humaine et des clefs de sa complexité.

La conscience analytique procède par objectivation. Il s’agit de distinguer en se distinguant. Décomposer, séparer, différencier, dénombrer, compter, prendre en compte, en sont des actes élémentaires. On peut s’étonner d’analyses qui se ramènent à des tableaux de chiffres qui font le courant de professionnels éclairés et dont la représentation quantitative est le mode de conscience privilégié. Ils nous parlent cependant de réalités complexes et même peuvent donner aux chiffres le statut de réalité première. Si la conscience analytique s’applique à la dimension objective de la réalité, expérience première du Consensus, la présence de l’altérité et de l’aléa, alors la probabilité quantifiée est un mode de conscience analytique. La quantification, la numérotation, le comptage d’éléments sont les figures types de cette conscience analytique objectivante d’une «réalité objective». Il se construit des sciences quantitatives là-dessus et même des théories des nombres amenant à de nouveaux degrés de re-présentations. Qu’on en vienne à croire que la réalité est nombre il n’y a qu’un pas depuis longtemps franchi.

Mais la conscience analytique est aussi re-présentation de la dimension subjective, intentionnelle. Elle tente d’objectiver, de distinguer différentes intentions et leur mode de présence (présentation). Elle va par exemple établir des typologies avec des moyens de distinction. Nous en utiliserons avec les cartes de Sens ou de Cohérences. Les intentions sont l’expérience première du Sens rappelons-le. Ici on va donc distinguer, les qualités, les quiddités, en nommant pour distinguer. On pourra distinguer des aspirations, des motivations et il est bon qu’il en soit ainsi pour ne pas tout confondre. C’est un mérite de cette conscience séparatrice. Reste à s’assurer qu’elle discerne bien son objet à objectiver. Là viennent des problèmes. Ce mode de conscience ne peut y pourvoir seul. Confierait-on à un statisticien le soin de dénombrer les intentions s’il n’est pas en mesure d’établir des critères objectifs des différences subjectives? Un problème majeur d’une conscience sinon d’une science impuissantes à objectiver une subjectivité qu’elles ne discernent pas.

La conscience objective, analytique, est aussi re-présentation de la réalité projective. A ce titre elle va distinguer des degrés dans des ordres rationnels, des écarts par rapport à des critères de développement ou de progression. Elle peut dénombrer et distinguer des parties dans des ensembles en développement. Seulement si elle ne dispose pas d’une dimension projective de la conscience elle va réduire une réalité spatio-temporelle, un développement existentiel, en tableaux de chiffres et classements hiérarchiques. Nous voyons là ce qu’est un réductionnisme. L’objectivation ne sachant saisir son objet redécoupe la réalité projective selon ses critères. Par contre si elle sait appréhender le processus de développement elle pourra le caractériser par ses critères propres et les distinguer par sa re-présentation analytique. Un problème classique de gestion ou de contrôle de gestion où les critères «comptables ne sont pas ceux de la construction et la conduite des processus. La conscience analytique réductrice en vient à atomiser le continuum des processus de développement au lieu de permettre de l’évaluer selon ses propres échelles de valeurs. Le drame de l’évaluation analytique sans conscience projective.

La conscience analytique et objective de la réalité sensible. La réalité sensible est l’expérience de l’affectation de l’Instance par celles qui partagent un conSensus. L’éprouvé est le vécu du rapport dans la relation de présence absence selon le Sens en jeu. La conscience objective re-présente cette composante dans la distinction de ce que l’on peut appeler les nuances du vécu ou les nuances attribuées à la réalité considérée. On trouvera dans l’analyse des nuances émotionnelles, celle des sons, des couleurs, des goûts et autres musiques ou «vibrations de l’âme» une marque de la conscience objective. Des quantifications, des mesures, dénombrent des quantités, des degrés, des fréquences, des rythmes avec toute une arithmétique de la sensibilité. Le réductionnisme objectiviste ira jusqu’à considérer que ce sont les seules configurations numériques qui expliquent les nuances, les sensations, les effets émotionnels.

 La conscience objective analytique de la réalité factuelle. Distinguer et dénombrer les faits, les effets, les masses, les caractères physiques des choses et de leurs comportements est une activité de conscience objectivante classique. Ces mesures constituent des re-présentations objectivées de la réalité à tel point que ces représentations peuvent passer pour la réalité elle-même, comme si les nombres étaient agissants, les compositions et décompositions le seul principe actif. La conscience objective distingue et sépare les corps et nous distingue et sépare en tant que corps individuel. Le réductionnisme objectiviste oublie que c’est l’Instance de ce corps individuel qui objective. L’objectivation est un acte qui réclame un sujet et l’objectivité est une attitude, pas un fait. La conscience objectivante fournit des re-présentations de l’expérience première et peut être prise pour réalité première par cet oubli.

La conscience objective de la réalité formelle va s’attacher à distinguer, séparer, dénombrer des formes. Elle procèdera par catégories et typologies quantifiables, classements. Le «numérique» est cette activité qui gère des quantités d’informations en re-présentation des formes, images, modèles, textes, langages, etc.. Le réductionnisme objectiviste fera de cette re-présentation numérique la réalité première. De même l’analyse quantitative viendra comme source explicative des formes et des structures de l’expérience et des réalités formelles. La statistique par exemple pourrait se substituer aux  identités culturelles, aux représentations mentales, aux idées, qui ne seraient éventuellement que quantités d’impulsions cérébrales. On retiendra là aussi la différence entre la conscience objective, dimension de la conscience existentielle qui prend acte de l’altérité dans l’expérience du conSensus et le réductionnisme objectiviste qui fait passer cette conscience comme source de la réalité objectivée et les modèles quantitatifs comme source de toutes formes.

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024 – Consciences humaines

Le pluriel vient suggérer une complexité inhabituelle par rapport à l’idée d’une conscience qui relèverait d’un oui ou non, être conscient ou non. Viendront aussi les questions : conscience de quoi, conscience de qui. Comment ? Pourquoi ?

Trois volets à cette découverte de la conscience humaine, multiple. D’abord la question du rapport entre conscience et réalité d’expérience humaine. La réponse sera du côté d’une «re-présentation» de l’expérience humaine. Avec la structure cohérencielle de la conscience ce sont différents types de consciences qui constituent la conscience existentielle. Mais une autre conscience vient dépasser celle-là, la conscience de Sens. Enfin consciences et intelligences humaines viendront poser en les dépassant l’intelligence symbolique. Nous allons en parcourir ici les premiers repères.

La conscience comme re-présentation de l’expérience humaine.

Que savons nous de la réalité ? Ce que nous connaissons de l’expérience que nous en faisons. L’expérience est l’actualisation du Sens en conSensus structurée selon le cohérenciel de l’expérience première; cela vaut pour notre réalité existentielle. Mais il arrive que cette expérience soit l’objet d’une connaissance qui surajoute alors l’expérience d’être celui qui connait, doté d’une conscience. Dans un temps de prédominance de la conscience mentale on l’a posée comme conscience réflexive comme si elle était une sorte de double intellectuel, mental, de la réalité; qu’elle la représente. A tel point que cette représentation puisse venir décrire, prédire ou même se prétendre à la source de la réalité même. S’il y a là quelque déviance, on y trouve une piste de compréhension. Encore une fois le langage nous parle. Il y aurait re-présentation mentale de l’expérience. Cela veut dire «présentation à nouveau».

Comme nous l’avons vu la réalité est actualisation du Sens de notre Instance en conSensus. Actualisation dans l’actualité, présentation de la réalité. C’est cela l’expérience première que nous avons exploré. La réalité se présente ainsi selon une structure cohérencielle celle de l’expérience humaine. La conscience est re-présentation c’est-à-dire une expérience seconde. Comment est-ce possible? Simplement en comprenant que la re-présentation est ré-actualisation du Sens en conSensus. Une deuxième expérience du Sens en conSensus. Mais pour que ce soit possible il faut que soit toujours activé ou réactivé ce ConSensus pour que la personne soit en mesure de le réactualiser. On notera que l’on peut envisager une re-présentation de l’expérience seconde, de la conscience de la réalité première qui est alors conscience de la conscience. De même on peut aussi renouveller l’expérience seconde et re-présenter à nouveau la conscience initiale dans une seconde conscience.

Ainsi tout se passe comme si la conscience était un écho de l’expérience première qui peut se reproduire avec quelques variations comme aussi écho de l’écho. Cela rend compte des complexités de la conscience y compris qu’elle puisse être prise comme objet de conscience. Cela pose en plus que cette conscience et les multiples échos de l’expérience première complexifie l’expérience de la réalité. En effet les re-présentations sont comme des réalités secondes mais réalités d’expérience humaine cependant. Quelle est la réalité de la France, re-présentation de quelque chose sans doute, mais établie comme réalité sur laquelle d’autres re-présentations vont venir en écho et enrichir cette réalité là.

Un autre aspect est dans le fait qu’il n’y a conscience et re-présentations que s’il y a permanence de l’Etre, du Sens en l’Instance. L’expérience de la réalité, première ou seconde ou plus en écho, est expérience de l’Instance. La mémoire, le souvenir y participent. Cette re-présentation de l’expérience nous donne accès au travers des existants, consciences et re-présentations comprises, à l’être en nous, l’être de Sens notre Instance. Rappelons que l’Instance est comme l’âme, l’esprit ou plutôt l’âme spirituelle de la personne. Nous verrons avec l’intelligence symbolique comment la conscience existentielle peut nous donner accès à une conscience de Sens, de l’être en nous-mêmes.

La conscience existentielle, dimensions et composantes.

Si la conscience est représentation de l’expérience humaine alors de nombreuses oeuvres de l’humanité sont des témoignages de cette conscience. L’art et les sciences par exemple mais aussi les productions du langage, de la pensée et toutes sortes de réalisations qui témoignent de la conscience humaine, de l’expérience humaine, de l’homme lui-même en tant qu’être spirituel incarné. Il est d’abord important d’envisager les dimensions de la conscience et ses composantes en découvrant pour une part que ce sont différentes modalités de la conscience existentielle et qu’on retrouvera alors les réductionismes et les distorsions déjà rencontrées. Un grand problème de l’humanité, celui du développement et de l’usage d’une conscience qui le révèle ou qui l’aliène.

La conscience existentielle subjective est la conscience intuitive. La conscience existentielle objective est analytique, elle sépare et distingue. La conscience existentielle projective est une conscience rationnelle, elle articule et ordonne. La conscience existentielle sensible est une conscience affective qui éprouve et apprécie. La conscience existentielle factuelle est une conscience pratique, une habileté interactive. La conscience existentielle formelle est une conscience mentale celle qui est souvent assimilée à la conscience tout court dans la modernité. Il nous faudra étudier ces différents modes de conscience et leurs échos mutuels avec le type d’intelligence associée. En effet la re-présentation de l’expérience première ou de la conscience seconde peut se faire selon les différents modes, chacun faisant écho aux autres. Ainsi la corrélation entre les modes de conscience, de connaissance et d’intelligence est-elle d’un grand intérêt. On découvrira là une complexité que les idéologies de l’époque modernes ignorent et qu’il est temps de dépasser.

La conscience de Sens et l’intelligence symbolique

A quoi mène la conscience humaine? Pas seulement à construire un monde de réalités humaines mais à révéler l’homme lui-même dans son être transcendant à la source de cette réalité là. La conscience existentielle ne suffit pas il y a faut une conscience d’un autre type qui est la conscience de Sens. La conscience de Sens n’est pas la conscience de quelque chose mais de quelqu’un, de celui que nous sommes comme être spirituel, être de Sens. Par la médiation de la conscience existentielle mais aussi son dépassement nous pouvons accéder au Sens en conSensus qui y est actualisé. Cette conscience de Sens est aussi celle d’une Cohérence, un ensemble de Sens de notre Instance où le Sens est associé à son inverse et d’autres encore. C’est pourquoi elle est discernement des Sens. Et ce discernement est à la base de toute liberté humaine, liberté de choix de Sens, liberté de se disposer dans tel ou tel de ces Sens une clé majeure de l’Humanisme Méthodologique. Cette conscience de Sens est aussi conscience du conSensus dont dépend la réalité et la conscience existentielle. C’est la condition pour travailler sur ce conSensus. Outre le discernement, la conscience de Sens apporte une certaine maîtrise permettant un travail de conSensus c’est-à-dire un travail sur et dans la réalité commune, avec les autres. L’agir humain est en jeu et donc aussi le «Méthodologique» de cet Humanisme là.

La liberté issue du discernement n’a d’autre lieu que celui du conSensus. Elle en est donc responsable. Cette liberté d’être n’est pas une exonération des conditions autres mais une responsabilité, ayant ainsi à en répondre. La conscience de Sens relève d’un processus qu’il faudra comprendre pour l’exercer. Cela fait partie des pratiques de l’intelligence symbolique, un grand pan de l’Humanisme Méthodologique. L’intelligence symbolique intègre et dépasse les différents modes de conscience existentielle et considère que toute réalité est symbolique c’est-à-dire porteuse de Sens partagés. La conscience de Sens en est le processus révélateur.

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023 – Une réalité virtuelle

Après avoir exploré les dimensions et composantes de l’expérience première de la réalité et avoir resitué l’espace et le temps comme co-extensifs à cette réalité d’expérience humaine, il faut prendre un peu plus de recul pour considérer une réalité qui s’avère de part en part humaine. L’homme au centre des affaires humaines en commençant par le monde qui en est le lieu, lui-même affaire humaine, et l’existence individuelle bien évidemment ! Ce n’est pas une métaphore mais la révélation de l’humanité de l’homme au travers de la réalité.

Notons que cette «révélation» n’est pas nouvelle mais souvent peu lisible ou partielle et aussi qu’elle se produit toujours sur un fond de réductionismes anti-humanistes, distorsions de l’expérience humaine de la réalité, confusion de la réalité et du réel. Ce n’est pas parce que notre conscience, on le verra, est soit limitée, soit distordue, soit insuffisante ou bien qu’elle peut se focaliser sur telle ou telle dimension ou composante de l’expérience humaine qu’il faut confondre conscience et réalité, science et réalité. La science procède par des hypothèses et scrute utilement la réalité et ses régularités. Elle oublie trop souvent qu’il s’agit d’une méthode et d’un acte, entièrement humains qui portent sur l’expérience humaine et transforme l’expérience humaine. L’objectivation est un acte humain, l’objectivité est une dimension de la conscience humaine qui ne se tienst pas sans toutes les autres sauf par artifice d’occultation ou par oubli. Il faudra d’ailleurs approfondir l’agir humain dont l’acte de connaissance fait partie pour élaborer le connu c’est-à-dire une réalité d’expérience humaine à comprendre.

 La réalité est actuelle. Cela veut dire qu’elle se présente dans le présent, dans l’actualité. Nous ne cesserons de découvrir comment le langage nous parle de nous-mêmes lorsqu’on l’écoute. L’actualité c’est aussi ce qui se présente comme un acte. De ce fait, de ce «faire» même, pourrait-on croire, on a pu chercher qui était l’auteur de l’acte. Or l’acteur c’est déjà l’homme tel qu’il se présente sur la scène de l’actualité, la scène du monde. Ensuite l’auteur c’est l’homme en son Instance, en conSensus avec d’autres hommes. Ainsi, si la réalité réalise l’homme et le monde dans leur existence, l’homme dans son Instance en est co-auteur. Chaque homme n’a pas quelque pouvoir divin par lequel il créerait le monde mais ce sont les hommes qui le «réalisent» en actualisent la réalité, co-créateurs, co-auteurs de cette actualité. Alors vient la question qu’est-ce qui fait qu’il en est ainsi, qu’est-ce qui crée les Instances humaines et cette humanité qui réalise le monde? La question de Dieu viendra alors, d’un Dieu que même le Sens n’atteint pas, même s’il le vise, que la réalité ne connais pas même si l’homme repose en lui sans connaitre ce que créer veut dire, lorsque ce n’est pas acte humain de co-création du monde. Ce Dieu transcende toute humanité de même que l’humanité de l’homme en son Instance transcende toute réalité. Ainsi toute figure de Dieu en est comme l’ombre portée au travers de l’acte humain qui en témoigne. L’ombre de l’arbre nous en donne une image et nous parle ainsi de la lumière mais l’ombre n’est pas la lumière pas plus que l’arbre.

 La réalité est potentielle. Cela veut dire que la réalité qui est l’actualisation des Sens en conSensus, porte ce Sens, le véhicule, en est aussi le révélateur. La réalité témoigne de l’homme. Tout se passe comme si elle participait à la confortation du conSensus ou à la multiplication des participations au conSensus. En effet nous expérimentons que telle ou telle réalité, telle ou telle situation semble susciter en nous une réaction, une participation à cette réalité qui nous attire ou nous motive, pour le pire ou le meilleur d’ailleurs. Ainsi nous expérimentons le caractère apparemment agissant de la réalité ou de certaines réalités, dites alors moyens, instruments, méthodes. Les interactions factuelles, les structurations formelles, les résonances affectives semblent le fait de réalités dont nous sommes témoins ou auxquelles nous participons. Nous savons maintenant que la réalité n’agit pas par elle-même mais par le Sens et le conSensus qu’elle incarne. Ainsi une réalité potentialise un Sens et un conSensus susceptibles de transformer la réalité. C’est comme cela que beaucoup de réalisations potentialisent d’autres réalisations, actualisations à leur tour, potentielles. Seules les Instances, sont agissantes par les Sens en conSensus et les réalités en sont le vecteur. Les réalités sont potentielles en ce Sens qu’elles portent la puissance agissante des Instances Humaines et de nouvelles actualisations.

Ainsi la réalité est à la fois l’expression de l’humanité, en porte témoignage et porte la possibilité de nouvelles réalisations. Actuelle et potentielle. Mais à quoi cela sert-il à l’homme de réaliser le monde et de progresser dans cette réalisation sinon de révéler l’homme à lui-même. Mais ça c’est le chapitre de la question du bien de l’homme.

La réalité est virtuelle. Pour beaucoup cette expression renvoie la réalité à une fiction, une irréalité, une construction humaine artificielle. Or deux indices mettent en question cette idée. D’abord l’étymologie, celle qui consiste à écouter le sens des mots qui révèlent sans doute quelque Sens d’humanité. Si on en croit R. Grandsaignes d’Hauterive auteur du dictionnaire des racines des langues européennes (Larousse 1948 réédité 1994), virtuel vient de la racine indo-européenne Wir, du sanscrit vïràh, qui signifie homme. Homme en tant que porteur de volonté, de détermination, où la vertu, le courage, la force (de caractère), la vigueur, la valeur, la virtuosité, par exemple en sont des expressions de même que la virilité qui n’est pas forcément un privilège masculin. L’homme Vir n’est pas l’homme dérivé de humus qui en est une autre dimension. Virtuel signifie porteur de Sens humain et donc d’intentionnalité et de volonté humaine. La réalité est virtuelle parce qu’elle actualise et potentialise Sens et conSensus. La réalité est virtuelle parce que de source humaine, de vertus et de valeurs humaines. La réalité porte ainsi les virtualités humaines. Celles-ci constituent le réel humain de la réalité.

Qu’est-ce qu’ajoute cet exercice sémantique à la compréhension de la réalité d’expérience humaine. R. Grandsaignes d’Hauterive nous ouvre une piste. Word et Welt sont construits sur weor old et wer alt c’est-à-dire «âge d’homme». Quel rapport entre l’homme «Vir» et le monde ? Peut-être cet âge de l’humanité où la conscience du monde et la conscience de la capacité humaine à «faire le monde» viennent à maturité. Si la «mondialisation» de notre époque ne cesse d’inquiéter elle est aussi la conscience d’une responsabilité. Non pas celle d’un simple gestionnaire mandaté mais d’un co-auteur qui doit en assumer la responsabilité du devenir et donc le sien au travers. Comme le postule Michel Serres nous entrons dans un âge d’hominescence. C’est l’âge d’une maturescence, l’âge de l’homme c’est-à-dire de l’homme au centre des affaires humaines, co-auteur donc responsable.

Mais comment sortir de cette idée que nous ne serions que locataires de ce monde à subir ou consommer? À entretenir ou négliger ? En faisant l’apprentissage de la réalité comme virtuelle, en reconstruisant un monde de réalités virtuelles. Un immense laboratoire, à l’échelle de l’humanité est à l’oeuvre avec Internet (au passage c’est là que ce texte est aussi à lire). Encore balbutiante c’est «l’invention» d’un monde de réalités virtuelles, c’est à dire humaines qui est engagée. Ce monde de réalités virtuelles va devenir le monde, intégrant toute réalité d’expérience humaine. A courte vue on ne voit que fictions mais ceux qui vivent cela savent que ce ne sont pas seulement les écrans qui sont en jeu mais aussi les corps, les représentations mentales, et les affects. Mais tout cela change au fur et à mesure que l’homme réalisé change et que l’homme réalisant grandit.  Alors Internet sera oublié et le monde d’une nouvelle conscience aura changé de réalité. Ce n’est pas la première fois, le monde de la Renaissance est devenu le monde moderne mais celui-ci laissera la place au monde virtuel qui est un monde d’âge d’homme. World wide web.

 

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022 – L’espace et le temps

Si la réalité est humaine l’espace et le temps aussi. Dans la structure cohérencielle de l’expérience première la dimension projective nous avait déjà fait rencontrer l’espace-temps dans lequel se déploie toute réalité, toute existence. Le temps naît de l’expérience du Sens, associée à la dimension intentionnelle, subjective. La tension désirante ou inspirante, aspirante, motivante fait expérimenter la non-immédiateté. Le temps est inhérent à l’expérience première du Sens. Ce qui arrive cela m’arrive dans une temporalité qui s’exprime comme succession, déroulement, dans la dimension projective où mon existence s’inscrit.

L’espace naît, lui, de la distance dans l’alternance présence/absence ou proximité/distance. Elle s’associe à la distinction entre soi et l’autre comme ensuite entre l’autre et l’autre. La conception de l’espace vient de cette expérience première. La distinction qui fait nombre fait aussi les éléments et les corps qui s’inscrivent dans l’espace-temps de la dimension projective, c’est-à-dire l’histoire existentielle des choses, des réalités, des mondes, des individus.

Le temps est une source du mouvement mais celui-ci n’existe que dans l’espace. Le mouvement existentiel est le déploiement des choses dans leur existence. Celui qui va d’une venue au monde à une disparition du monde, disparition des existants, disparition du monde aussi (de tel ou tel monde).

Il y a dans l’expérience de la réalité, différentes appréhensions du temps et de l’espace

  • Dans la dimension subjective le temps est tension, l’espace est impulsion
  • Dans la dimension objective l’espace est distance, le temps est fréquence
  • Dans la dimension projective l’espace est étendue, le temps est durée
  • Dans la composante formelle, l’espace est enveloppe des formes, le temps est émergence des formes.
  • Dans la composante factuelle, l’espace est le milieu où se situent les corps et le temps est la séquence des faits et des effets.
  • Dans la composante sensible, l’espace est champ d’expérience, le temps est pulsion éprouvée.

Il se trouve que selon le Sens en conSensus la réalité peut-être distordue ou réduite s’accompagnant d’une conception du temps et de l’espace spécifique. On en a ici un premier aperçu.

On notera à cette occasion que dans chaque expérience existentielle, chaque réalité est réalisée selon un cohérenciel, référentiel où les propriétés de la réalité sont toujours les mêmes. Changer de réalité donc de conSensus c’est changer de cohérenciel, de référentiel, mais toujours selon les mêmes dimensions et composantes. Dans chaque réalité, monde ou chose, un espace temps se déploie. Seulement pas le même espace temps. Pour cela il faudrait envisager une réalité «englobante» dont le cohérenciel donnerait une spatio-temporalité commune. Seulement ce cohérenciel n’est pas celui de chacune de ses parties et il est donc celui d’un autre monde.  Autant de Cohérences dans l’Instance humaine autant  de mondes et bien plus encore. Si bien que pour l’Humanisme Méthodologique toutes les affaires humaines sont à situer dans un référentiel choisi, le cohérenciel de la situation. Cela vaut pour les situations macroscopiques, les grandes choses et pour les situations microscopiques, les petites choses. C’est encore un lien entre les affaires cosmiques et les affaires que l’on dit infiniment petites.

Une autre question s’associe à celle de l’espace et du temps c’est celle du mouvement.

En effet une réalité dont on annulerait l’extension spatiale disparaitrait et de même si on annule sa durée temporelle. Cela implique que rien n’est immobile dans l’espace temps. Soit c’est un mouvement de continuation dans le temps, soit c’est un mouvement d’occupation de l’espace à minima.

Le mouvement est à appréhender selon les différentes dimensions et composantes de la réalité.

  • Pour la dimension projective le mouvement est développement spatio-temporel, développement existentiel
  • Pour la dimension subjective le mouvement est motion intérieure motivation par exemple
  • Pour la dimension objective le mouvement est alternance d’apparition disparition au rythme aléatoire.
  • Pour la composante factuelle le mouvement est déplacement d’un corps d’un lieu à l’autre, la transformation ou transportation des corps.
  • Pour la composante mentale le mouvement est émergence et déploiement des formes, de la pensée comme du discours par exemple. Il dessine une trajectoire «d’écriture».
  • Pour la composante sensible le mouvement est un émoi, une pulsion, une interférence, une vibration…

Il faut ici prendre l’image de l’horloge, cette incarnation métaphorique de l’espace temps humain. Il articule une tension, celle d’un ressort par exemple, avec le battement alternatif qui va entrainer un mouvement circulaire en même temps que celui du balancier. Chaque partie de l’horloge marque une dimension du temps. Il faut bien sûr qu’un référentiel, le système des cycles horaires, permette l’interprétation du mouvement linéaire comme il a inspiré la conception et la réalisation d’une incarnation horlogère du mouvement existentiel. On en retiendra notamment le fait que c’est le produit (vectoriel) des vecteurs subjectif (intentionnel) et objectif (attentionnel) qui détermine le «moment» de l’expérience.

Ces aperçus montrent l’importance de ces questions dans les affaires humaines et leur dynamiques. Il faut rapprocher cela de ce qui a été dit de l’énergie dont la source est le conSensus et dont la manifestation est à la fois l’existence de la réalité et son mouvement dans toutes ses dimensions. Il faut pointer aussi le fait que si l’expérience réalisatrice se déploie dans l’espace et le temps il n’en va pas de même pour l’Instance, le Sens et les conSensus. Il sont transcendants à toute réalité et transcendent temps et espace dans lesquels ils ne sont pas, tout en en étant la source. Nos discours, nos réalités et ces textes mêmes sont existentiels donc dans un espace temps. C’est de telle ou telle situation existentielle que l’on en vient à parler de ce qui la transcende et c’est dans son espace temps que l’on inscrit les «figures» de l’Instance, du Sens  et des conSensus. Comme on le verra, les affaires humaines intellectuelles ou matérielles notamment, se situent dans un espace temps existentiel et c’est de là que la question d’accéder à la source transcendante du Sens en conSensus se pose. Il ne peut y avoir liberté de choix de Sens sans cet accès. Il en va de même pour l’agir humain. Si les questions et les réponses se situent dans l’existence, dans la réalité, la clef se trouve dans l’Instance transcendante. L’agir humain devra trouver les voies pour intervenir à la source de la réalité en question. Vaste chapitre qui conditionne le Méthodologique de cet Humanisme et le met à l’épreuve de la réalité humaine.

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021 – La réalité sensible

Dernière composante de l’expérience du Sens en conSensus la réalité sensible, disqualifiée par le réductionnisme rationaliste, a pourtant été très présente dans la recherche de compréhension de la réalité et de l’expérience humaine. Cela soulève des difficultés qu’il va falloir éclairer.

Cette composante se situe dans le cohérenciel, la structure de l’expérience première, entre le vecteur objectif et le vecteur subjectif. Qu’y a-t-il entre le Sens qui sous-tend la dimension subjective et la multiplicité des autres Instances qui participent au conSensus. Il n’y a rien dans l’Instance sinon la variation des rapports de conSensus. Dans l’expérience c’est un vécu sensible qui est éprouvé. Toute la gamme des vécus sensibles se trouvent ressentis depuis la peur de perdre l’être en perdant un conSensus, peut-être le bonheur de se retrouver en conSensus, rassuré sur son être en passant par la gamme de tous les vécus sensibles en rapport avec la multiplicité des éléments objectifs, des aléas d’altérité, et si on prend la composante factuelle comme référent la multiplicité des choses et des corps. On trouvera par exemple aussi ce que l’on appelle la perception. La vision, l’audition, toute l’expérience des sens, correspondent à un vécu sensible dans leur registre propre.

Un aspect du problème est que ce vécu sensible n’est pas propre au sujet ni aux objets. Seulement l’éprouvé peut-être affecté au sujet et celui-ci s’identifier à cet affect ou bien il peut être affecté aux objets comme l’une de leurs propriétés. Le bleu du ciel est-il dans celui qui le perçoit ainsi, ou bien dans le ciel comme une de ses propriétés. La peur est-elle le sentiment de défaillance du sujet ou la menace de l’objet. Certains diront c’est dans le cerveau que ça se passe. Idée mentale intéressante mais personne n’a vu le bleu dans le cerveau. Même si c’est en rêve que le bleu ou la peur apparaissent cela ne change rien à l’affaire.

Le plan des affects vécu comme affectation réciproque sujet objet est celui d’une grande confusion. Entre sujet et objet, subjectivité et objectivité. Entre soi et non soi. Et pourtant le bleu du ciel fait partie de l’expérience d’un conSensus de l’Instance avec d’autres (nombreuses à en voir l’accord sur ce fait). En font partie aussi le ciel comme la terre et tous les corps et tous les affects et toutes les sensations et perceptions.

Si on pousse l’analyse du conSensus sur le plan des affects et de la réalité sensible c’est la fréquentation des autres avec ses alternativités qui est éprouvé au lieu même où le Sens de son Instance y participe. De ce fait on trouvera une réalité ondulatoire, vibratoire, ou rythmée par le jeu complexe du conSensus entre nombre d’Instances. Il y a un rapport entre le nombre de la dimension objective et la fréquence de la perception sensible et aussi donc avec les corps ou corpuscules du plan factuel. Ce qui est corps dans le plan factuel est vibratoire ou ondulatoire dans le champ de la réalité sensible. Du moins c’est une possibilité.

La confusion du plan d’expérience sensible est source de bien des difficultés humaines à surmonter dans le rapport aux autres et, en définitive, au monde lui même comme champ de perceptions et d’affects. Il peut aussi conduire à des exclusions meurtrières. La difficulté d’une conscience de soi séparée, bien montrée par Boris Cyrulnick dans la période prénatale, se résoudra par des épreuves de séparation dans un jeu de relations intensives

C’est aussi tout le champ des relations humaines qui est le théâtre de cette expérience du conSensus dans le champ des affects. La proximité/distance y conduit à vivre des variations d’affects qui touchent au plus profond de la conscience de soi ou de la confusion associée. On voit que la question de la conscience va être tout à fait importante dans l’expérience de la réalité. Ce sera pour un prochain chapitre.

Il est encore un aspect important de cette exploration de la réalité sensible et du plan des affects. C’est par exemple ce que des émotions fortes font vivre. Ce qui semble c’est la présence d’une source de puissance et d’énergie qui peut être menaçante débordante, paralysante ou motivante. Pour Sartre l’émotion est la privation de motion ou de mouvement. Peut-être en effet qu’un mouvement peut contribuer à épuiser cette puissance. Ce sentiment de puissance dans les affects est aussi source de confusion avec l’attribution de la puissance au sujet ou bien à des objets. Il est cependant une propriété du conSensus qui procure son énergie à l’expérience, à la réalité d’expérience humaine. Cette énergie vécue comme source de puissance avec toutes ses variations est aussi impliquée dans le mouvement projectif ou cinématique (factuel). Des propriétés des corps, l’équivalence masse énergie, trouvent là leur source aussi bien que les motivations intentionnelles, et même les images mobiles de la création par exemple. Il est vrai que l’exercice du corps, de la pensée, de l’affectivité dans leur ordre propre semblent épuiser cette énergie qui trouve encore à se renouveler dans quelque conSensus. Cette énergétique de l’expérience première se retrouve ainsi bien dans l’existence ou réalité individuelle ou dans l’existence ou réalité du monde, réalité réalisée.

Cette compréhension de la réalité comme expérience humaine réalisatrice est bouleversante par rapport surtout aux réductionismes rencontrés y compris celui qui trouve dans la puissance des affects la source de toutes réalités. Cependant elle permet de comprendre la place de l’homme non seulement dans la réalité mais à sa source même. Il faudra mettre à l’épreuve cette conception de l’homme tant dans l’expérience humaine personnelle que dans celle des réalités et notamment toutes les affaires humaines. C’est ce qu’apporte l’Humanisme méthodologique comme perspective de l’orientation et de l’agir humain. Il reste cependant, bien des aspects de la connaissance de l’homme et de la réalité humaine à explorer.

La question de la conscience des réalités et de la conscience de soi comme être de Sens jouera notamment un rôle majeur pour envisager et le devenir de l’homme et son accomplissement dans son existence. Ils ne se limitent ni à son existence ni à celle du monde.

 

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020 – La réalité factuelle

La réalité factuelle

Après un monde de formes constituant la réalité formelle avec toutes les représentations mentales vient la composante factuelle de l’expérience première, celle du Sens en conSensus.

Comment l’expérience du Sens peut-elle se traduire par la corporéïté des choses, par la consistance et l’interaction entre les corps, par l’effet des corps les uns sur les autres et par les comportements qui s’y rapportent ? Les corps humains en font partie évidemment.

Dans la structure cohérencielle cette composante, ce plan d’expérience se situe entre les deux vecteurs de la réalité objective et projective. D’un côté le conSensus avec la présence/absence des autres. C’est l’expérience d’un  non soi qui «résiste» à l’intervention du soi. Cette résistance est l’expérience des limites, de l’inertie, de la possible transformation selon les éléments impliqués, du changement intervenant dans l’interaction. La corporéïté n’est rien d’autre que cette expérience des corps au travers de ces propriétés dues aux autres, en nombre. Mais cette résistance suppose mouvement, mouvement intentionnel donc engagé dans la dimension projective. La présence/absence objective ne suffit pas à faire des corps il  faut le mouvement projectif pour entrainer à cette expérience de la résistance au mouvement mais aussi du mouvement relatif lui-même.

La physique des corps vient là avec ses dimensions premières comme la masse, l’inertie, et ses interactions mécaniques. La mécanique des corps n’est pas la seule expérience factuelle. Cette expérience touche à tout ce qui s’inscrit dans l’altérité à l’épreuve de l’intentionnalité. Il se produit quelque chose et les corps se produisent, ils sont le produit de ce qui les faits et ils produisent des effets. C’est d’ailleurs seulement comme cela que l’expérience factuelle des corps est possible. Les physiciens savent que les propriétés intrinsèques des corps physiques ne se connaissent que par leurs effets sur d’autres corps. Encore une source de la relativité des corps. Seuls les faits sont expérimentés et les faits ce sont des effets. Cela est vrai pour toutes sortes de faits comme des faits de langage ou des comportements par exemple.

Cohérenciel

La réalité factuelle du monde et de nous-mêmes est un mode de présence aux autres dans le conSensus. L’altérité et l’aléatoire apportent les éléments dont la composition dans les corps réclame aussi la dimension projective c’est-à-dire l’engagement dans un mouvement d’existence. En effet la seule présence d’éléments en nombre ne fait pas une composition corporelle. Il y manque ce mouvement d’ensemble qui inscrit cette composition dans l’histoire et dans un monde.

Cependant, comme toujours, certaines conceptions communes de la réalité font des corps une existence première dont le reste serait le produit. Les formes seraient un aspect accessoire et leur construction mentale une abstraction peu utile. Les affects seraient aussi un effet de l’interaction des corps un signal parasite en quelque sorte. Le conflit pour savoir si ce sont les corps qui précèdent les formes ou les formes qui précèdent les corps traverse tout le monde scientifique même s’il est méconnu pour la plupart. Pour l’Humanisme Méthodologique ils sont co-extensifs, comme deux aspects, deux modes différents de la même expérience humaine. Ce sont deux expressions du Sens en conSensus.

Comme cela notons que l’existence humaine ne se réduit pas à l’existence d’un corps pas plus que celui-ci à l’existence corporelle d’un monde physique. L’un et l’autre sont l’expression des Instances humaines et donc de la responsabilité humaine. Le matérialisme subordonne l’homme aux interactions des corps physiques et le rationalisme aux formes «naturelles». Les uns et les autres sont des réalités d’expérience humaine, des témoignages d’humanité.

Pour les physiciens il sera temps d’interroger ces mystères que sont la notion de masse ou d’inertie. Celle de force n’est pas étrangère au Sens activé dont l’intentionnalité est une source plus qu’une simple image.

Pour les responsables de l’existence matérielle des choses et des hommes les enjeux matériels sont d’essence humaine. Comme l’expérience de l’altérité cela n’empêche pas les «résistances» qui constituent l’expérience même de la corporéïté. Aux faiseurs de miracle il faut annoncer que cela restera très laborieux. Seul le travail interactif des hommes peut transformer la réalité factuelle, ce qui se présente en faits.

 

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019 – La réalité formelle

Dans l’expérience du Sens en conSensus les dimensions premières, subjective et objective et la dimension seconde projective sont accompagnées de plans d’expérience que l’on peut situer dans l’espace qui relie deux des dimensions.

Cohérenciel

 La réalité formelle est la réalité réalisée dans un plan de représentations mentales, c’est-à-dire de formes. Les formes sont des discontinuités identifiables. Par exemple un cercle ou un carré sont des formes caractérisées par leur périmètre, leur limite, la discontinuité entre l’intérieur et l’extérieur par exemple. Parmi les formes dans l’expérience humaine il y a les formes géométriques bien sûr, mais aussi les formes langagières, les figures, les images, les structures et la cohorte des modèles, des règles, des normes. Les idées sont des représentations formelles, l’imaginaire est peuplé de représentations. Toute chose a une existence formelle, a une forme et si elle n’en avait pas, même floue, elle n’existerait pas pour nous. Toutes nos descriptions ordonnées du monde et des choses en sont des représentations formelles. En sont aussi nos créations mentales, du rêve à l’art en passant par la pensée et le discours ordinaire. Le fantasme et les formules rigoureuses comme toutes les représentations mentales peuvent être classées, découpées, en de multiples catégories.

La raison y est présente sous le mode de l’ordre et des rapports rationnels entre les formes construisant ainsi des édifices formels structurés et hiérarchisés. C’est une des caractéristiques de l’activité intellectuelle.

Trois grandes questions se posent alors. Comment se produisent les formes ou représentations mentales dans l’expérience humaine ? Les formes peuvent-elles être détachées des autres plans d’expérience (factuel et sensible)? Des formes sont-elles la cause première des réalités ?

Les formes apparaissent selon une morphogenèse. René Thom, un mathématicien contemporain, a été l’un des rares à avoir exploré cette question avec sa théorie topologique des catastrophes. Ses «prégnances» ne sont pas sans rapport, selon lui, avec les «Cohérences» impliquant des Sens en conSensus. Selon l’expérience première les formes sont dessinées par l’intention engagée dans une projection. Si bien que les formes apparaissent comme des projections formelles ou le volet formel de la réalité projective. La morphogenèse se produit dans l’expérience humaine du Sens en conSensus. Et en constitue un volet. Il est donc important de se tourner vers la dimension subjective intentionnelle comme une source de morphogenèse et vers la dimension projective comme déploiement rationnel de cette morphogenèse. Pour le langage par exemple une intention en est le vecteur de Sens, la signification, et un ordre discursif en donnera la structure syntaxique. Ainsi le Sens devient forme. Le rêve serait aussi bien l’expression d’un Sens inconscient, projeté selon une histoire en formant des images mentales. Cependant nous savons maintenant que cette expérience tiens aussi de la présence des autres et les variations de présence/absence. C’est là que se noue une complexité des formes et leur développement.

Si les représentations mentales sont posées comme abstractions de la réalité objective, comme une production autre qui représente la réalité en second lieu, alors elle serait comme une figuration de la réalité sensible ou de la réalité factuelle et en serait comme détachée. Un peu comme si l’activité intellectuelle était dissociable de son objet. Un peu aussi comme si la forme était détachable du corps qui la porte ou bien qu’une autre forme mentale celle-là était attribuée à un corps qui en a déjà une. Cela pose la question du rapport corps/forme ou affectivité/forme. On sera amené à différencier l’expérience première et l’expérience de re-présentation de l’expérience première dans un chapitre sur la conscience humaine. Il n’y a donc pas, dans une réalité donnée, de séparation entre le plan formel et les autres sauf à passer à une autre expérience. C’est le cas lorsque j’écris le récit d’un évènement antérieur, ce sont deux expériences distinctes avec leurs propres composantes formelles mais aussi factuelles et sensibles.

Si dans l’expérience de la réalité réalisée, toutes les dimensions et composantes sont co-extensives, simultanées si on veut, des distorsions de l’expérience vont donner à tel ou tel aspect un statut fondateur ou bien vont l’ignorer ou encore le séparer des autres. Ainsi la réalité formelle est-elle vue quelques fois comme séparée, artificielle, abstraite. D’autres fois c’est comme une réalité produite par la composante factuelle ou la composante sensible, comme une ombre portée ou un reflet. Elle est quelques fois aussi auto-produite lorsque des formes premières seraient à la base de compositions et de constructions plus complexes de la réalité formelle. Il y a aussi cette conception d’une réalité dont les causes seraient formelles. Ainsi dans la science moderne c’est une croyance fréquente, les formes mathématiques seraient explicatives de la réalité physique par exemple. Les lois de la nature sont ainsi d’ordre formel et structureraient la réalité qui en émane. Les systèmes qui sont des représentations du monde ou des choses sont pris comme déterminants de la réalité. Les structures des modèles, des méthodes sont considérés comme la source causale de réalisations qui en découlent. Il est vrai que s’y rajoutent quelques fois l’idée que ce qui est réalisé par la cause formelle l’est en s’appliquant à quelque substance informe et par conséquent indéterminée. S’ ajoute aussi l’intervention des hommes dotés d’une volonté de conformité et se faisant les agents des formes premières sinon sacrées.

Ce type de surinvestissement des représentations mentales, de la réalité formelle, est à la fois du à la culture d’une intelligence mentale justifiée mais aussi à une disqualification de l’origine humaine de cette réalité. Comme si les mathématiques n’étaient pas une production humaine mentale ! La raison s’est faite rationalisme, l’intention s’est faite déterminisme. Nous sommes là au lieu de pseudo humanismes qui dénient la centralité de l’homme, ce qui justifie aussi le développement d’un Humanisme Méthodologique.

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018 – La réalité projective

L’expérience du Sens en conSensus a donné ses deux dimensions objective et subjective à la réalité ainsi réalisée. Si le conSensus y est présent sous le mode du nombre et de la présence/absence, il l’est aussi simultanément sous le mode de la tension que représente en soi le Sens, activé par le conSensus. Ces deux dimensions sont comme deux vecteurs associés qui en produisent un troisième dans l’expérience, celui de la dimension projective. Cette réalité «sans épaisseur» que les deux premières dimensions expriment prend une extension dans ce troisième terme. La réalité projective entraine les composantes objectives selon une tension déterminante vers un déploiement existentiel, déploiement dans le temps et dans l’espace simultanément, dans un espace-temps plutôt.

Un double mouvement se manifeste le déploiement existentiel comme une émergence, une expansion et comme une histoire qui se déroule dans le temps. Dans les deux cas on part d’une origine qui est, au fond, le conSensus hors de l’espace et du temps. Il les transcende et se fait «commencement» avant d’être développement d’une histoire existentielle. On peut d’ailleurs envisager ce développement comme celui d’un «volume existentiel» aux caractéristiques dépendant des deux dimensions premières.

Ainsi selon cette dimension «projective» spatio-temporelle, la réalité se présente comme un ensemble de composantes multiples engagées dans un mouvement directionnel selon un déterminisme d’origine intentionnelle. L’unité de chaque chose existante sous cet angle tiens de l’unité du Sens et de la multiplicité du Consensus.

Ainsi, dans chaque réalité considérée il y a une «unité de devenir» s’appliquant à une diversité de composantes, chacune de ces composantes peut à son tour détenir une unité de même source mais avec d’autres éléments de composition.

Observons qu’il y a une unité de lien logique, la trace du Sens comme vecteur intentionnel, qui relie ici une diversité de composantes, ensembles et sous ensemble, la trace du conSensus comme multiprésence, «probabiliste et aléatoire». C’est là une compréhension de la rationalité, l’unité de rapport logique et, mieux, historique entre une diversité de composantes. Cette rationalité est celle d’un processus de réalisation existentielle de développement historique.

Ainsi toute réalité désignée constitue comme un monde complexe où chaque chose dépend de l’ensemble, par le Sens qui est commun et les ordonne et par le conSensus qui rassemble le multiple. L’unité du conSensus, rappelons le, tiens du Sens et de la multiplicité des Instances.

Vient alors le problème du réductionnisme rationaliste. Le rapport entre les éléments selon une chaine historique est «envisagé» comme une chaine causale La raison causale vient chercher dans la réalité même sa propre source ignorant la dimension objective et la dimension subjective.  Ni objet ni sujet mais la raison qui serait première. Le fait que des enchainements historiques se reproduisant est tenu comme confirmation de la causalité rationnelle, d’une raison causale. Il est vrai que l’on aura une difficulté pour en établir l’origine et il faudra bien une source hétéronome à la raison pour en justifier les propriétés opérantes sur le plan factuel et celui des modèles formels comme on le verra.

Ni besoin du sujet en soi, ni besoin d’objets autres mais une enchainement causal qui ordonne et relie toutes choses dans un monde entièrement rationnel. L’homme dit alors «être de raison» est seulement invité à le reconnaitre (découvrir la raison des choses) et à si conformer ( se comporter et agir selon la raison des choses). C’est le destin d’une chose parmi les choses à qui il est donné par la Raison première d’en savoir quelque chose. Telle est l’histoire que la modernité nous raconte.

Il est vrai qu’à la place de cette hétéro-détermination de l’existence des choses et des hommes parmi les choses «produites» se présente maintenant une possible auto-détermination de la réalité et du monde des hommes. Cette auto-détermination, telle que nous la suggère l’Humanisme Méthodologique, est non seulement celle de la construction de l’expérience du Sens et de sa structure cohérencielle mais aussi la possibilité d’une certaine maitrise des choix de Sens et des consensus.

Dans cette réalité-là, de nature humaine, et sous réserve de cultiver ce type de maîtrise, il est possible d’agir, de réaliser, de changer ou transformer, de créer même, s’il y a conSensus il est vrai. Et s’il y a une certaine conscience et maîtrise intentionnelle il sera possible de s’investir dans des projets, d’intervenir dans l’histoire du monde, de nos mondes, dans l’existence des choses dans nos existences. Cette auto-détermination, relative, de la réalité humaine est le point de départ d’une histoire humaine en devenir, en projet, en progrès. Une Raison hétéronome l’interdit, une raison autonome le permet toujours, relativement à la maîtrise intentionnelle et à l’altérité des conSensus. Pas de toute puissance là.

Mais alors quel est le progrès que peut viser tout projet humain, projet de réalisation existentiel ? C’est celui d’une révélation de son Instance au travers des situations existentielles, apportant ainsi cette maîtrise relative engagée dans un cercle vertueux d’accomplissement humain. De vastes chapitres en perspective.

Il est vrai que tous les Sens ne mènent pas à cette réalisation révélatrice et que certains vont s’engager dans des formes de dénis qui se traduisent par quelques réductionnismes tels qu’on en a vu trois avec l’objectivisme, le subjectivisme et le rationalisme. Dans un temps de fin de règne d’une modernité rationaliste il est temps de rappeler que le Sens précède la raison et que celle-ci en est l’expression, structurante de l’ordre des choses dans leur dimension projective. La nature humaine précède la nature des choses. Un renversement copernicien radical entre un anti-humanisme radical et un humanisme radical.

Il se trouve que la déstabilisation des paradigmes scientifiques prédominants laisse émerger d’autres hypothèses qui pourront réconcilier l’homme avec le monde existant en traçant la voie d’une liberté responsable. Oui, l’observateur intervient dans tout phénomène observé qui est en fait un phénomène humain, même si par l’étendue des conSensus la part de chacun restera souvent bien modeste.

 

 

 

 

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017 – La réalité subjective

Dans l’expérience du Sens en conSensus cette dimension est celle du Sens comme tension, tension en soi mais qui dépend de la présence des autres, du conSensus.

L’expérience de cette tension en soi, comme l’amorce d’un mouvement, d’une tendance, d’une aspiration, on la connait aussi comme intention, désir, motivation, volonté, détermination etc. C’est cela l’expérience du sujet, expérience qui le constitue même. Seulement, la source qu’est le Sens n’étant pas habituellement consciente on ne peut savoir si le sujet intentionnel est sujet à cette tension en lui ou sujet de cette tension. La notion de sujet est prise dans cette dualité de compréhension. Il y a en moi plus fort que moi ou alors je suis la source de cette force intérieure qui se confronte aux autres de par le conSensus.

Alors la dimension subjective de la réalité est liée au sujet qui la nomme, la qualifie. C’est ceci ou cela est une déclaration d’expérience subjective. Dans un cas elle apparaitra comme inhérente à la chose, à la réalité comme si cela s’imposait à soi, dans l’autre elle apparaitra comme l’expression d’une intention à l’égard de la chose qui devient ceci ou cela en conséquence. C’est le «point de vue», la position du sujet qui détermine ce qu’est la chose, la réalité, la situation considérée. A ce titre la réalité est endo-déterminée. Entendons cela comme : elle porte en elle-même sa propre signification qui la qualifie ou bien elle porte la signification que «je» lui attribue en conscience ou non mais toujours avec d’autres. Cette conscience de soi n’étant pas donnée d’avance alors je peux être persuadé que la qualité de la chose lui est intrinsèque. Nous savons que cette qualité est conférée à la chose en même temps que la chose existe dans l’expérience du sujet. Ainsi deux personnes peuvent attribuer à une même chose des qualités différentes et même intentionnellement divergentes. Mais pour chacune la chose est une et l’expérience de l’autre suspecte de subjectivisme. Il faut d’ailleurs un tiers ou une conscience mature pour que la dualité des expériences apparaisse comme dualité de la chose. Dit autrement le sujet aperçoit ce qu’est la chose pour lui sans se savoir l’auteur intentionnel de cette quiddité (ce que c’est).

Or, on le verra avec les plans adjacents de l’expérience subjective, les qualités sont toujours relatives au sujet (chaud ou froid, grand ou petit, bon ou mauvais..) et les représentations aussi. La république, la loi, l’idée n’existent que pour un sujet même s’il est en accord ou désaccord avec d’autres. Sans sujet rien de tout cela n’existe.

Souvent cette endo-détermination subjective de la réalité, de toute chose, est comprise comme un relativisme absolu, un arbitraire, un solipsisme, par ceux qui ne voient pas que ce n’est qu’une dimension de l’expérience du conSensus qui n’existe pas sans les autres. De là aussi la négation de cette dimension, dans un objectivisme par exemple qui ne veut re-connaitre que l’exo-détermination comme avec le hasard par exemple. Cette position est si répandue que la science y est souvent a assimilée. C’est en fait une position subjective qui s’ignore. Alors la subjectivité est réservée à des champs arbitraires où l’originalité du sujet est suspecte d’anormalité comme sa créativité.

De par sa dimension subjective le monde est celui de chaque sujet engagé dans des conSensus avec d’autres. Ils partagent alors les mêmes mondes en les croyants souvent uniques. Le subjectivisme ignorant le conSensus et l’altérité, fait de son expérience de la réalité le critère et le référent de toute réalité. De cette façon son point de vue est jugé universel et la subjectivité d’autrui disqualifiée si elle ne se rend pas à l’évidence.

Paradoxalement le subjectivisme tiens à une méconnaissance de la subjectivité et du Sens qui la fonde. Soit d’un côté il justifie l’arbitraire des appréhensions de la réalité sans possibilité d’un monde commun, d’une réalité commune; soit d’un autre côté il suppose une légitimité absolue de son propre arbitraire qui fait de la réalité un monde unique.

Le subjectivisme est donc présent dans les affirmations de l’unicité de la réalité comme dans les affirmations de l’arbitraire des conceptions du monde.

La réalité subjective est cette dimension de la réalité qui fait que nous en sommes parties prenantes, individuellement mais avec tous ceux qui partagent le même conSensus. De ce fait la réalité est à la fois témoin de notre position (subjectivité), témoin des autres (objectivité). Tout se passe comme si elle portait en elle le Sens et le conSensus qui ne résident que dans les Instances humaines et qu’elle s’en trouvait porteuse de qualités et de propriétés d’expérience humaine. On  notera que la force est une figure de la tension intérieure qu’est l’expérience du Sens en conSensus. Ainsi la force de caractère et la force mécanique auraient même origine.

La dimension subjective de toute réalité amènera à s’interroger sur son origine, son «originélité». C’est la réalité de qui, le point de vue de qui, selon quelle intention, aspiration, motivation, détermination endogène, volonté propre, signification, orientation, désir, pulsion. Autant de visages du Sens qui fonde l’expérience du sujet, la réalité individuelle, et tout ce qui ressorti de la communauté de conSensus.

Quel monde voulons nous? Voilà une question qui doit retrouver sa pertinence. Mais pour cela il faut pouvoir disposer d’une liberté de Sens et de conSensus. C’est tout un autre chapitre de l’Humanisme devenant Méthodologique.

Rappel de la structure cohérencielle de la réalité

Cohérenciel