Reprenons la source de cette dimension de l’expérience humaine. Il s’agit de l’expérience du conSensus de l’Instance avec d’autres Instances. C’est là spécifiquement l’expérience de la présence/absence de l’autre, de chacun des autres. Si tel autre est absent du Consensus pas d’expérience, si tel autre est simplement présent pas d’expérience. Il faut donc une alternance dans la présence de l’altérité. La présence se caractérise par sa fréquence, régulière ou non, ce que l’on retrouvera par la fréquentation des gens et des choses. En définitive l’expérience est celle d’une probabilité de présence (ou d’absence). Le nombre multiplie des facteurs ou acteurs de l’expérience. Il ne s’agit jamais d’un nombre absolu mais probabiliste, d’un nombre de fréquences alternatives.
Ces considérations aident à comprendre comment la dimension «objective» de la réalité est numérique, quantitative, probabiliste et par suite aléatoire. On remarquera que les mots clefs ici dérivent de la même racine que celle de «autre» en l’occurrence de l’autre être, de la présence/absence d’un autre être par rapport à l’être propre lorsqu’il a conscience de lui-même. Mais c’est dans cette relation alternative que l’être-soi se distingue comme un autre (qui fait nombre pour les autres). On notera encore que l’autre dans l’expérience de cette dimension n’est que nombre et probabilité, aléa. Sa qualité d’être humain relève d’autres dimensions. Ici c’est la quantité qui compte et sa «prise en compte» le contenu de l’expérience. En fait l’autre qui fait nombre n’est pas Sens dans cette dimension d’expérience mais comme une trace, une ombre, qui intervient dans l’expérience avec d’autres.
La réalité objective repose sur une combinatoire de nombres, sur des combinaisons de présences ou de probabilités de présences. L’expérience en vient à les distinguer, les compter, reconnaître comme des «paquets» de nombres. Les assembler et les séparer, les distinguer et se distinguer par là-même. La réalité objective, cette dimension de l’expérience du conSensus, est bien celle qu’il y a de l’autre, aléatoire, avec des constantes ou des constances qui peuvent s’expérimenter comme des groupes de nombres qui sont à la source de l’expérience. Elle se trouve ainsi apparaître comme exogène, exo-déterminée.
Il est intéressant de reconnaître que des théories tentent de fonder toute la réalité sur cette expérience. Cela va donc notamment avec l’abstraction du sujet et du projet. Cet objectivisme radical cherche dans les nombres et leur combinatoire la cause de toute choses. De nombreux travaux scientifiques et mathématiques cultivent cette position, l’ère du numérique se plait à croire que tout peut être digitalisé au travers de la dualité du 0 et du 1, présence/absence assortie, dans les conceptions avancées, d’une certaine probabilité. Les théories quantiques s’y retrouvent volontiers et ont été l’enjeu de débats sur la présence ou l’absence du sujet dans les phénomènes observés. Cela tient à l’interprétation de la probabilité soit comme présence du sujet, soit comme «état statistique» constaté ou calculé.
L’objectivisme radical déshumanise par son réductionnisme le monde humain posé comme donné, combinatoire de données élémentaires, d’éléments premiers. On notera la déshumanisation d’un monde fondé sur le nombre, les comptes, le quantitatif pur et surtout le caractère exo-déterministe de la réalité pour l’objectivisme. On notera aussi l’intervention de métaphysiques souvent non dites qui tentent de justifier cette réalité par quelque entité source. Parmi elles il y a notamment «la matière» selon certaines conceptions numériques, il y a aussi le hasard. Cette dimension n’est ni à absolutiser ni à nier comme avec d’autres réductionnismes. Elle est à prendre en compte, prendre en compte qu’il y a de l’autre, du non soi, de l’exo-détermination comme une des source de toute réalité d’expérience humaine, celle de notre propre existence individuelle aussi bien.