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076 – Elucidation des Sens

Elucidation des Sens

Comment parler de Sens à qui n’en a pas conscience et surtout d’être Sens (autre traduction d’esprit) ? Comment indiquer la voie d’accès à une conscience de Sens à qui ne l’a pas déjà trouvée ? Ainsi il faut se tenir dans le Sens de l’accomplissement humain, c’est-à-dire celui de l’élucidation des Sens, pour qu’ils se révèlent à la conscience. Par rapport à nos critères de conscience, même avancés, la conscience de Sens n’est rien. Ainsi le langage n’est pas le Sens et tout ce qui est décrit ou expliqué par son truchement n’est pas le Sens mais il en est l’expression, une actualisation, parmi d’autres homologies possibles. Par exemple je peux vivre une situation et aussi en parler. Ce que j’en dit est homologue à l’expérience vécue si la centration est la même. C’est probable à un moment donné. En fait le Sens, en soi, est bien agissant, tant pour l’expérience vécue que pour le discours tenu. En fait ce n’est pas l’expérience qui produit le discours mais le Sens qui produit les deux, sans que j’en ai conscience. Mais si je m’interroge sur le Sens de l’expérience à quoi me sert le discours sinon à re-présenter ce Sens ou alors l’expérience du Sens. En fait le Sens n’est ni l’expérience ni le discours sur l’expérience mais ce qui, en moi, est la source des deux. Voilà une piste pour trouver le Sens, en avoir une conscience spéciale qui n’est pas la conscience de l’expérience ni du langage mais celle d‘être Sens au travers de l’expérience et du langage. C’est cette découverte, révélation, en soi-même,  qui se produit, qui advient,  par cette considération simultanée de deux re-présentations homologues. Elle est comme une illumination, une lumière intérieure qui de l’intérieur et par ce détour, comprend non seulement les re-présentations en question mais se reconnait comme Sens.

En fait cette expérience beaucoup, sinon tous, l’ont vécue. Mais comme elle n’est pas identifiée par nos communautés de vie nous pouvons en perdre connaissance avec aussi la centration qui l’a permise. Lorsque tout d’un coup, après tout un travail qui paraissait vain ou même en sommeil, une compréhension essentielle apparait comme d‘évidence si bien que tout s’éclaire, même bien au-delà de ce qui avait été cherché. Alors une certaine conscience de Sens s’est produite. Elle n’a pas été produite, elle est venue de par une disposition d’être adéquate. Le travail d’élucidation du Sens consiste effectivement à trouver une disposition intérieure, donc selon un certain Sens, selon laquelle considérer simultanément deux re-présentations homologues, deux réalités homologues. Mais comment s’y prendre s’il faut maitriser le Sens selon lequel se disposer pour accéder à cette conscience du même Sens qui en confère une certaine maîtrise. C’est là que des artifices, des techniques, et surtout une discipline intérieure viennent y répondre. Une image en est celle d‘Ulysse qui devait tirer une flèche au travers de l’âme de 12 haches. C’est l’alignement sur les haches mais en visant leur âme (le trou où s’installe le manche) qui permet cette traversée, traversée de leur réalité matérielle par un flèche, une des figures du Sens). C’est en considérant simultanément (centration) deux ou plusieurs réalités homologues visant au travers de leur réalité même qu’arrive cette élucidation, cette lumière de la conscience du Sens (pas de flèche à voir ni quoi que ce soit d‘autre).

Ainsi la conscience de Sens arrive nous éclaire, grâce à une disposition d’être qui est favorisée par le jeu des homologies. C’est évidemment le rôle du langage si on sait quitter des yeux ses formes pour en scruter le Sens, en nous, le seul lieu ou réside tout Sens celui des mots comme des choses. Des traditions, des constructions culturelles, des disciplines ont cherché à favoriser quelque chose comme cela qui après un travail, une discipline, jouit, dans un lâcher prise de cette conscience d’être Sens. Mille langues l’ont raconté mais rares ceux qui en ont trouvé le Sens confondant discipline et contrainte, signes et Sens.

Or c’est à l’orée d’une civilisation du Sens, de l’homme Sens, qu‘émerge la possibilité d’une appropriation des processus qui permettent l’élucidation des Sens dans tous les domaines de l’existence et à propos de toutes choses. Ainsi dans les communautés de Sens, de conSensus, la poursuite du Sens du bien commun réclame de l’élucider et ce en toutes choses et dans toutes les affaires humaines communautaires. La quête de Sens devient clairement la quête de la conscience de Sens n’ayant pas à quêter ce qui est déjà là, inconscient, mais à en quêter la conscience.

Outre la révélation de notre humanité d’être de Sens, la conscience de Sens va servir à comprendre toute chose, toute situation, tout phénomène, toute expérience, toute re-présentation «sur le fond» (c’est-à-dire sur le fond transcendant en soi constitutif de notre humanité partagée). Elle va servir à discerner la pluralité des Sens de la Cohérence en conSensus et le Sens du bien humain parmi eux. Discerner c’est aussi éclairer les conséquences, ce qui engage la question du choix et de la liberté de choix. A un carrefour de Sens où la lecture des directions permet de choisir celle qui éclaire le carrefour comme ses implications, comment y renoncer même si le choix en est possible; paradoxe apparent de la liberté. Mais ce choix personnel engage le conSensus avec les autres qui ne va plus de soi, par rapport à une situation sous influence. Cela peut conduire à l’extrême, à quitter, une communauté, son conSensus et sa Cohérence pour en chercher une autre ailleurs. Cela peut conduire à subir un dissenssus par rapport au conSensus dominant et le vivre comme une exclusion dont l’histoire montre les extrêmes. Cela peut conduire à assumer une responsabilité de faire évoluer le conSensus en cultivant le Sens choisi, Sens du bien commun. Cela détermine ce qu’est une responsabilité exercée dans une communauté de vie ou d’activité par exemple. Cela permet enfin d’aider ceux qui le cherche à trouver les repères et les artifices pour trouver leur conscience de Sens, même au travers des longs chemins de l’éducation. C’est un rôle de repère accompagnateur qui va se développer dans un âge des communautés de Sens et de l’autonomisation responsable des personnes.

L’élucidation des Sens est une des pratiques majeures de l’intelligence symbolique, une des plus efficiente et des moins lisibles pour la plupart. On en verra différentes méthodes et conditions d’usage et aussi différents moyens d’approche en commençant par l’exercice de différenciation des Sens en soi à partir des cartes de Sens ou cartes de Cohérence (et de cohérences).

Le monde est plein d’homologies, culturelles notamment, qui nous sont données à élucider pour la révélation de l’humanité de l’homme, homologies que nous produisons sans le savoir dans toutes les affaires humaines. Elles servent à l’accomplissement humain si en toutes choses sans exception on cherche en soi le Sens et ainsi le meilleur Sens.

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075 – L’homologie

Homologie

L’homologie est le rapport entre deux ou plusieurs réalités de mêmes Sens. C’est un principe majeur de l’intelligence symbolique qui intervient dans les processus de réalisation, de révélation du Sens et de maîtrise de l’action.

Le principe de représentation de l’expérience humaine utilise l’homologie. En effet toute re-présentation se produit dans le même Sens que ce qui est re-présenté. Dit autrement toute re-présentation exprime le Sens de ce qui est re-présenté. On se souviendra qu’il s‘agit de re-présentations mentales par exemple où l’homologie traduit une re-présentation dans un autre registre et portant le même Sens. Traduire en langue étrangère, exprimer dans un langage ou un autre est un exercice du principe d’homologie où se conserve le Sens au travers d’expressions différentes. Il y aurait trahison plutôt que traduction si c’était un autre Sens qui était exprimé dans la traduction. Lorsqu’il s’agit d’exprimer un Sens le processus d’homologie interviendra souvent par le jeu de re-présentation homologue. C’est le cas de la traduction mais aussi de l’interprétation qui ré-exprime le Sens sous le mode d’une représentation dite «explicative» . Elle consiste à se situer dans un champ de langage convenu, savant ou stéréotypé par exemple. L’ignorance du phénomène d’homologie fera volontiers d’une re-présentation la cause de l’autre en l’absence du Sens qui en est l’origine commune.

On sait aussi que les re-présentations homologues, sont aussi re-présentations d’autres composantes de la réalité. Il peut y avoir homologie entre des représentations affectives et mentales et aussi des re-présentations factuelles corporelles. C’est comme cela que chaque pan de l’expérience humaine est homologue à tous les autres dans une même expérience et aussi entre différentes expériences. Il faut pour cela une unité de centration.

On notera maintenant que tout ce qui est re-présenté exprimé à partir d’une même centration est homologue, porte les mêmes Sens. C’est ainsi qu’une fois centré à partir d’une situation posée, d’un positionnement tenu, tout ce qui s’exprime en est homologue. Par exemple se trouver centré selon un positionnement pris à propos d’une question quelconque conduit à ce que tout ce qui sera exprimé, représenté à la conscience dans les différents registres de l’expérience humaine exprime le Sens dans une homologie ou une collection d‘homologies. C’est le cas des expressions de l’imaginaire à la base de toute créativité. C’est le cas des interprétations qui ne sont jamais explicatives mais témoignages de la position d’être de celui qui s’exprime en rapport avec l’origine de la centration.

La créativité est basée sur une centration où le créateur se dispose sur un Sens ou esprit d’où l’inspiration à partir de ce qui a incité à la centration. Par homologie l’imaginaire et ses expressions artistiques par exemple, retraduisent le Sens porté par le créateur. Son oeuvre, homologue à ce qui l’a inspiré, est aussi une médiation pour l’amateur dont les évocations par l’oeuvre sont des homologies si il se trouve en centration commune, en communion d’esprit (Sens) avec le créateur. L’oeuvre par le jeu des homologies a médiatisé le Sens.

Lorsque l’on fait partie d’une communauté ou d’un groupe centrés sur une Cohérence et un même Sens alors toute l’existence dans cette communauté exprime ce Sens par le déploiement d’homologies culturelles. De re-présentations en re-présentations, selon tous les registres de l’expérience humaine mais aussi dans tous les domaines de l’existence commune les réalités culturelles sont homologues. Elles renvoient de l’une à l’autre, se multiplient, pour former un monde d’homologies qui expriment la singularité culturelle de la communauté ou du groupe. Il en va de même si on considère une personne qui resterait centrée sur une Cohérence et un Sens, toutes ses expressions existentielles seraient homologues. Dans les deux cas on comprend que ces collections d’homologies constituent une identité dont les termes ne se ressemblent que par l’unité de Sens qui les porte.

Ainsi nous sommes soumis au régime des homologies qui retraduisent à chaque fois le Sens et la Cohérence où nous avons été engagé. De ce fait tout se passe comme s’il y avait un mécanisme fatal mais évolutif dans ses expressions qui conditionne notre existence. Seulement c’est la possibilité d’être engagés dans une voie d’accomplissement qui permet d’accéder à une conscience de Sens une liberté qui permette de choisir ses centrations et le Sens dont les homologies vont être fécondes non seulement pour se tenir dans le «bon» Sens (ou le pire) mais aussi pour révéler de quel Sens il s’agit. Ainsi des «voies d’accomplissement proposent des collections d’homologies textes, scènes, sentiments, comportements, rituels etc. tous homologues comme par exemple des religions, des sagesses, mais aussi l’éthique culturelle de communautés. Faute de conscience des Sens en jeu il est possible que restant centrés dans une même Cohérence le Sens pertinent en soit perdu pour déployer des réalités humainement préjudiciables.

Nous voyons que par le jeu des homologies nos réalités se construisent sur des centrations dont nous ne sommes par maîtres mais dont nous pouvons le devenir avec bien souvent l’appui d’autres qui sont capables d’une centration en conscience (de Sens).

Par ailleurs le jeu de représentations qui  se multiplient, affectivement, physiquement, intellectuellement comme augmentation de conscience existentielle sous toute ses formes construisent un monde cohérent. Lorsque la centration sur une Cohérence s’associe avec une variation des Sens alors les homologies deviennent incohérentes sauf pour chaque Sens où elles apparaissent, à chaque fois, cohérentes pour une incohérence d’ensemble. C’est là la complexité des mondes communautaires et l’enjeu du choix et de la culture du Sens du bien commun. A ce propos on observera que tous les «biens communs» sont homologues dans une communauté donnée mais pas entre communautés. Il faut constituer des ensembles communautaires pour y déployer de nouvelles homologies.

La construction de mondes d’homologies de plus en plus développés, l’expression de consciences ou de créativité par homologies, nous amènent à une nouvelle fonction des homologies par le fait qu’elles sont témoignage d’une centration sous-jacente. Il s’agit de leur rôle dans l’élucidation du Sens, conscience symbolique des réalités vues comme homologies. On en verra les processus et les usages majeurs pour le discernement des Sens, et la maîtrise de nos centrations et des affaires humaines homologues.

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074 – La centration

La centration

C’est, pour l’intelligence symbolique, la base indispensable à toute pratique. On en verra les principes, les pratiques ordinaires, la méthode pour poser les problèmes et, en définitive, la «discipline du coeur». La centration est le plus simple et le plus difficile à maîtriser puisque c’est l’exercice même de toute maîtrise. On va en parcourir ici les quatre volets précédents avant de terminer avec la poly-centration.

Les principes.

La centration est d’abord une position d’être, «centrée» sur une Cohérence de l’Instance, sur un Sens de cette cohérence et donc un conSensus associé. Elle est ensuite expérience première de ce Sens selon la structure cohérencielle. Celle-ci apparait comme une intentionalité appliquée à un objet contextualisé qui détermine un déploiement historique. Le positionnement en Instance pose un référentiel existentiel (le cohérenciel) avec ses deux déterminants sujet – objet et le troisième terme : projet. Enfin la centration désigne une situation-réalité avec ses enjeux et son histoire existentielle. La centration est aussi l’acte de se centrer et on peut considérer le chemin suivant :

D’abord désigner une situation existentielle, quelque chose, un fait, un sentiment, une idée ou un concept, toute chose qui puisse être désignée.

Ensuite la poser comme objet de considération mais aussi d’intentionnalité et de projection en posant son référentiel existentiel (cohérenciel)

Enfin élucider le positionnement en soi du Sens et de la Cohérence qui s’y actualisent.

Nous en verrons les traductions méthodologiques.

Les pratiques ordinaires de centration

Dans la vie courante nous sommes engagés dans des centrations choisies ou des centrations attractives ou même des centrations subies. C’est même notre lot que de se trouver centrés par les situations où nous sommes plongés, sous l’influence de ceux qui y sont déjà centrés et même orientés par quelque repère de Sens aux origines incertaines. Nous vivons ainsi ordinairement sous influence, immobilisés ou «promenés» avant de pouvoir privilégier ou même choisir en conscience telle ou telle centration. Mais nous jouons sans cesse avec des «centrateurs» comme nos lieux ou objets familiers ou les situations que l’on fréquente. On pourrait là noter l’idée de centrations familières et pointer celle de «distraction» qui est un artifice de dé-centration par passage à une autre. Les rituels de la vie individuelle et collective en sont remplis. Il y a dans l’existence des centrations majeures dont il semble que notre existence dépende, des centrations essentielles avec par exemple des pratiques religieuses, spirituelles ou fondamentales. Il y a des centrations professionnelles politiques, techniques etc. Mais aussi de ces centrations relationnelles qui vont de fréquentations ordinaires jusqu’à ce qu’on peut appeler mariage comme co-centration de vie. On devine l’importance de la question de centration et celle de sa maîtrise possible traduction même de la notion de liberté mais aussi de la notion de responsabilité et au bout du compte d’autonomie. Nous soulignerons aussi l’importance des co-centrations inhérentes aux conSensus et le fait qu’il n’y a pas de centration qui ne soit engagée dans une co-centration en particulier communautaire. On observera que le communautaire est affaire de co-centration et sa maîtrise, poursuite du Sens du bien commun avec ses repères et indicateurs dont la démocratie est un exercice. La démocratie comme exercice de co-centration communautaire, c’est dire l’immensité du champ de la question de centration et les bouleversements qu’elle va introduire en théorie et en pratique.

La centration comme pratique méthodique

Il est commun de penser qu’avant de proposer une solution ou d’engager une action il importe de bien poser le problème. Or cette discipline est très souvent erratique faute de centration. La préconisation est donc de procéder à une centration pour engager quelque action que ce soit. Trois questions difficiles mais indispensables sont à poser pour chercher les réponses plausibles.

C’est le problème de qui ? Il n’y a pas de problème en soi mais toujours de quelqu’un ou d’un groupe ou une communauté. La réponse ne relève pas d’un simple constat mais aussi d’un choix, d’une détermination, notamment si l’auteur de la question est aussi le sujet de la réponse.

De quoi s’agit-il ? Il s‘agit de désigner l’objet de préoccupation central du «qui» précédent sans lequel cette désignation est impossible à assurer. En fait c’est l’objet qui fait problème qui est à rechercher, étant au centre d’une situation, d’un contexte où, bien d’autres objets sont présents. La centration désigne une situation contextuelle et un objet central hiérarchisant d’autres objets autour de cette centralité comme selon une échelle d’importance.

Pourquoi cela fait problème ? Poser cette question c’est considérer que cela ne va pas de soi et que le Sens de la recherche de solution, l’aspiration, l’intention, sont ceux du sujet désigné précédemment à propos de son objet principal de préoccupation dans la situation posée. Ainsi tout se tient dans la centration qui pourrait être complétée par une question projective, par exemple sur le type de but à atteindre, en cohérence avec ce qui précède.

Cet exercice est souvent très éclairant même s’il est difficile. En fait ce travail de centration  de problème ou de situation est aussi un travail de centration intérieure pour celui qui l’accomplit qui en vient à «se poser en problème» en posant le problème considéré. On pourra parler d’intériorisation du problème, d’identification aussi au sujet du problème que toute recherche implique, ce qui posera des exigences de dé-centration par la suite.

La centration comme discipline du coeur.

La centration est une discipline qui invite à aller au coeur des choses, des problèmes, des situations et ce coeur c’est le Sens en conSensus, c’est-à-dire le coeur de l’homme, en soi et dans les communautés de conSensus. C’est aussi poser le rapport entre le Sens transcendant et la réalité qui le manifeste dans l’expérience humaine. C’est envisager les questions existentielles à la lumière de l’essentiel au coeur de l’humanité et l’humanité au coeur de l’existence et du monde existentiel. Ainsi par la centration toutes les affaires humaines sont mises en perspective avec la révélation de l’humanité en jeu. Pour y procéder, les interrogations ne sont pas un simple exercice intellectuel mais un questionnement intérieur où se trouvent les réponses, l’acte de répondre. C’est une discipline dont on verra la récurrence tout au long d’un processus d’action. Il y a donc de nombreuses implications à découvrir comme prise de position humanité.

Exercez-vous, avec un souci d’exigence mais pas de perfection.

La poly-centration

Pour mémoire il faut en parler sachant que c’est le plus proche de la vie réelle mais aussi difficile à penser et à pratiquer si on n’a pas d’abord bien maîtrisé la centration. Notons par exemple qu’un objet central d’une situation comme on l’a vu est associé avec d’autres, secondaires donc. On peut cependant envisager de passer d’un objet central à la focalisation sur un autre objet devenant central, du coup celui qui était au centre est devenu secondaire par notre seul acte de centration. Par ailleurs la situation en question est elle-même engagée dans d’autres situations sur lesquelles on pourrait focaliser la centration. Le passage d’une centration à l’autre avec la hiérarchisation correspondante est un exercice de poly-centration. Par exemple on peut se centrer sur une communauté et sa situation et passer à un ensemble communautaire et sa situation puis à une communauté participante à la première. Par exemple, passer de la France à l’Europe et à la Bretagne. A chaque fois une centration différente avec une hiérachisation différente mais sans exclusion. Pour chacune les autres sont secondes.

Ensuite à chaque situation ou objet central une Cohérence en conSensus. Pour chaque communauté de co-centration ce n’est pas la même (théorie des cohérences culturelles). Des lors les autres peuvent lui apparaître de ce point de vue comme prolongement de sa culture dans sa Cohérence et son système de valeurs, son Sens du bien commun. Mais une poly-centration permettra de passer d’une Cohérence à l’autre, d’une culture à l’autre, pour envisager les trois communautés de points de vue différents. Ne pas le faire (mono-centration) c’est réduire les autres à sa propre centration réclamant aliénation ou conflit. C’est le cas de l’universalisme formel qui confond la forme et le fond et réduit l’autre au même. Seule la poly-centration permet d’intégrer l’altérité dans la communauté et non pas la fusionner. Cet exemple significatif en ouvre bien d’autres dans toutes les affaires humaines où les centrations incontrôlées (immatures et sans maîtrises) sont source de bien des maux.

 

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073 – Définir l’action

L’action est l’engagement de toutes les activités humaines. Le champ est immense mais sa compréhension relève souvent plus d’automatismes culturels que d’une véritable investigation. C’est pour cela que la pensée de l’action, même compliquée, est souvent très pauvre. L’Humanisme Méthodologique ne se contente pas de comprendre et d’orienter mais il intervient dans le réel pour éclairer l’action humaine sous un nouveau jour en mobilisant des processus humains intervenant sur le réel.

Pour une première approche l’action se définit d’abord par son objet. Sur quoi porte l’action? La réponse n’est pas celle d’un objectivisme qui ferait de la réalité sur laquelle porte l’action comme un corps étranger rendant toute action humaine paradoxale. Il faut donc rappeler quelques principes. La réalité sur laquelle agir est constituée des re-présentations ou consciences et de leurs couches successives de re-présentations de re-présentations, formant l’édifice du monde ou du moins d’une situation visée. On sait qu’il s‘agit notamment d’affects, de faits, de formes mentales, le tout engagé dans une histoire spatio-temporelle. Mais la réalité ainsi «réalisée» est au fond re-présentation d’une expérience première déployée selon le cohérenciel. Ce cohérenciel peut apparaitre comme la source des réalités comme les mathématiques ou les lois de la physique peuvent sembler la source des phénomènes physiques. Il est vrai que l’étude du cohérenciel de l’expérience première nous a mis en contact avec des problématiques épistémologiques que l’on retrouve en partie dans les sciences. Les phénomènes se réalisent par re-présentations à partir de l’expérience première et sa structure cohérencielle. Il est de fait qu’observer quelque chose ne laisse pas apparaitre ce cohérenciel mais des re-présentations qui en sont issues par tel ou tel mode de conscience. Mais on le sait, l’expérience première ainsi structurée est l’expérience du ConSensus. C’est là la source de toute expérience et réalité humaine. Les Sens rassemblés en Cohérences dans les Instances humaines forment des conSensus partagés qui sont la cause humaine de l’expérience humaine donc des réalités humaines. On pourrait continuer et se demander d’où viennent ces Instances avec leurs Sens, leurs Cohérences et les consensus, d’où vient que ces conSensus fassent réalité avec leurs dynamiques actuelles et historiques. La réponse à cette question échappe à l’humain dans son contenu d’humanité mais se pose comme «manque principiel» qui est souvent nommé Dieu. Ensuite viennent des confusions entre ce qui serait Dieu en soi et ce qui serait Dieu pour l’humanité, engagé donc dans l’expérience et l’action humaine. Ainsi ce sur quoi l’action se porte, son objet est marqué de la participation de l’homme selon les phénomènes humains. Pas d’indépendance de l’homme, de l’action et de son objet. Par contre une position épistémologique indispensable. Selon la façon de concevoir la réalité l’action sur cette réalité changera évidemment.

Ensuite on peut se demander pourquoi agir. La réponse va se chercher du côté de la source c’est-à-dire du Sens de l’action. Ce Sens peut être un Sens général, une position humaine, une orientation comme on l’a vu. Ce peut être l’accomplissement humain qui est en jeu auquel cas le discernement des Sens et la révélation de l’humanité de Sens sont les finalités ultimes de toute action et toute activité humaine. Le sens de l’action peut être le Sens du bien commun, d’un situation particulière et l’action en emprunte tous les critères et toutes les exigences. Vivre et agir ont même Sens et toutes las occasions, situations et affaires humaines y participent. Il y a d’autres Sens qui se caractérisent par une «méconnaissance active» du Sens, une forme de déni et on pourrait dire que ces finalités de l’action occultent l’humanité de l’homme activement. Il en va des positions rationalistes qui font de la Raison la cause des choses et aussi matérialistes qui font des choses la cause des choses par l’interaction des forces de la matière. Il y a aussi un individualisme qui fait d’une sorte de puissance individuelle la cause magique de toute chose. Les variantes sont nombreuses où l’agir humain est posture accessoire subie au lieu d’un engagement en vue d’une révélation d’humanité. La réponse au pourquoi agir peut aussi se chercher du côté des structures existentielles de l’expérience première. Alors l’action sera le fruit d’une intention humaine qui nous renvoie du côté du Sens et de l’expression de finalités. Elle sera la conséquence d’un processus historique pour atteindre un but projeté et anticipé. Elle sera la visée d’un état, d’un résultat, d’objectif qu’il faut obtenir. L’action humaine peut chercher ses fruits du côté des affects et des relations, du côté du corps et des comportements, du côté des idées et des représentations mentales. Si c’est le Sens de l’accomplissement qui est engagé alors tous ces aspects sont impliqués dans toute action. C’est le cas aussi avec le Sens du bien commun selon les conditions culturelles qui l’accompagnent. Enfin le pourquoi agir se traduit en termes de transformation d’une situation, d’une réalité de quelque chose. Cette transformation peut être création – jamais ex-nihilo – progression selon un axe d’orientation, modification, suppression, construction, etc. Dès lors on pourrait engager quelque action répertoriée pour produire l’effet recherché ou quelqu’artifice, méthode, technique, outil ou procédure, sensés aboutir aux résultats escomptés.

,Enfin vient la question tant attendue du comment agir.

Il y a là une grande difficulté par la cohérence ou l’incohérence des croyances opératoires (ce qui agit) et des croyances portant sur la réalité des choses. Souvent existe une coupure entre les deux et avec l’expérience humaine. Par exemple l’agir mécanique réflexe et l’abstraction mentale, scientifique par exemple ou idéologique. Il ne s’agit pas ici d’une analyse critique de l’existant mais de déployer une nouvelle conception et de nouvelles pratiques associées. Dans les enseignements d’Humanisme Méthodologique on apprend très vite que les méthodes et techniques proposées ne marchent pas. Seuls les hommes marchent, agissent, même au travers de machines ou de procédés.

Seuls les conSensus sont la source des réalités et de leurs changements, donc toute action touche aux ConSensus, Sens et Instances en partage. Par ailleurs tous les projets d’action dans le monde passent par des enjeux existentiels et des artifices existentiels tels que méthodes, techniques, outils, moyens… L’important est de comprendre qu’ils ne sont pas agissant par eux-mêmes mais constituent des médiations pour les hommes, agissants par conSensus. Comme pour la communication ces médiations paraissent activer Sens et conSensus qui en retour s’actualisent dans une réalité transformée. De là l’apparence de l’efficacité des moyens alors qu’il s‘agit de l’efficacité de l’acte d’emploi des moyens, de l’acte humain donc. Ainsi c’est dans la réalité que des moyens, méthodes techniques, procédés, outils vont être mobilisés comme artifices de travail sur le Sens pour l’action. Il s’agit donc toujours d’articuler en conscience les réalités et accessoires de l’action avec les Sens et conSensus qui les sous-tendent. C’est la pratique d’une intelligence symbolique ou intelligence du Sens qui est alors développée sur la base des phénomènes humains sur lesquels agir et dans lesquels agir. Ainsi l’articulation Sens réalités demandera un discernement, du moins porté par quelque acteur qui peut ainsi déployer et diriger l’action. Il faut ajouter la question de l’expérience première et des structures cohérencielles qui semblent faire la médiation entre conSensus et réalités existentielles et vice versa. Cette structure cohérencielle trouvera tout son intérêt pour l’action d’intelligence symbolique tant pour la structuration des réalités et donc de l’action et ses moyens que pour la dynamique historique qui servira à penser l’action, ses moyens, les situations et toutes les réalités impliquées. Tout cela sera largement développé dans les prochaines leçons.

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072 – La communication trame de l’existence

Toute notre existence et celle du monde est actualisation de conSensus entre les Instances humaines. Les conSensus sont constitués et on le verra transformés par la communication entre les hommes, leurs «communions d’esprits». Leur actualisation se réalise dans les situations de communication qui transforme la réalité. Ainsi la communication humaine constitue la trame de l’existence, la nôtre et celle des choses.

Nous allons ici en explorer quelques facettes

La communication relationnelle

Toute relation est communication non seulement pas les situations partagées mais aussi par leurs composantes affectives, corporelles et factuelles, mentales dans l’histoire commune qui se déroule. On peut noter que la communication «fait le monde et notre existence» On peut même imaginer qu’une communication crée une réalité commune, celle d’un couple qui existentiellement et par quelques côtés fait un. Dans cette réalité commune que réalise le moment de communication chacun est à la fois porteur d’intention  et du Sens qui la sous tend et à la fois l’autre du conSensus qui en advient. On peut imaginer que des rôles soient ainsi posés ou bien que s’instaure une alternativité des rôles. Cependant la réalité commune qui actualise le conSensus est dissymétrique et cette dissymétrie est à la base des positions sexuées. Si bien que toute relation peut être interprétée comme la conjugaison (sinon la conjugalité) de deux positions sexuées. Toutes les relations humaines se réalisent selon cette dissymétrie qui est tout simplement la base de l’expérience première avec la structure cohérencielle. Tout ce qui est analysé comme participant de la réalité déployé selon la structure cohérencielle peut être maintenant compris comme l’actualisation de relations humaines où les rôles sont différentiés et si possible alternatifs. Pour ce dernier point cela dépend du Sens en question dans le consensus. En tout cas ni le fixisme existentiel ni le terrorisme intellectuel à ce propos ne témoignent du Sens du bien commun de quelque communauté que ce soit. En tout cas le vaste champ des relations humaines aussi vaste que l’univers s’ouvre à l’analyse des Sens en conSensus, des modalités relationnelles et des réalités existentielles.

La communication communautaire

La communication, partage de conSensus, est ce qui constitue les communautés humaines tant dans l’activation permanente de Sens d’une Cohérence, que dans les modalités de communication et dans les réalités communes. Ce qui fait l’unité d’une communauté est l’ensemble de Sens désigné comme Cohérence. Dans cette Cohérence ce sont tels ou tels Sens qui sont activés par telles ou telles communications. La communication communautaire se fait selon les modes d’expression existentiels culturels, la communication y est culturelle par ses médiations, dans le contexte des réalités culturelles pour les conforter ou les transformer. Si les communications sont l’écho du conSensus culturel elles le renforcent en retour. Dans ces communications l’intention est soit le fait d’un courant de Sens déjà là, actif ou passif, soit le fait d’un discernement particulier et d’une initiative singulière. La première conforte la communauté, chaque communication s’exprimant dans un reflet de la culture commune renforce l’activation du Sens engagé, créant ainsi des courants de communication selon les différents Sens qui la compose. On peut comprendre alors que, dans le conSensus communautaire global (Cohérence), des disSensus se développent selon les Sens particuliers mobilisés et renforcés. Dès lors on comprend que tels ou tels peuvent engager des communications destinées à conforter un courant plutôt qu’un autre. On comprend aussi que, disposant du discernement suffisant, le Sens du bien commun puisse être privilégié par des communications pertinentes. Nous sommes là au coeur de la question politique par exemple. Chacun est l’écho d’un conSensus communautaire et en même temps le renforce. Le rôle des personnes plus autonomes ou «responsables» est de privilégier en conscience (discernement des Sens) le Sens du bien commun dans les circonstances particulières où ils sont impliqués.

 

La communication intercommunautaire

La question est capitale au moment ou la crise des états / nations / territoires réclame une autre conception pour sortir de l’impasse du réductionnisme formel. La communication entre deux communautés vise à établir un conSensus. Il n’y a que quatre hypothèses réunies deux à deux.

Soit cela se passe sur le conSensus de l’une des communautés culturelles l’autre y étant intégrée, du moins dans le moment de cette communication. C’est le cas où la langue de l’une est choisie comme mode de communication. Si ce n’est la langue ce peut être toute autre caractéristique, modèle, ou monde de la culture intégratrice. Si le Sens est celui du bien commun alors l’autre communauté culturelle garde son autonomie son propre conSensus et son propre devenir tout en devenant membre de la communauté intégratrice. Si c’est un autre Sens alors il y aura soit dissolution progressive de la culture intégratrice par déploiement du conSensus tiers plus vivace, on dirait qu’une minorité à absorbé ou supplanté la majorité, soit dissolution de la culture intégrée ou assimilation (le modèle français par exemple). On voit bien que ce n’est pas le Sens du bien commun qui l’anime celui-ci visant l’autonomie des personnes et des communautés humaines.

Soit chaque communauté se déplace sur une cohérence commune créant une communauté de communauté. Si cette dernière est engagée dans le Sens du bien commun comme l’est chacune des communautés initiales alors la participation à l’ensemble communautaire renforce l’autonomie de chacune et son accomplissement humain. Ce pourrait être le cas de l’Europe ou de la France si c’était bien le Sens du bien commun qui était recherché et cultivé. Chaque communication doit alors être explicitement référée soit à l’une des communautés soit à l’ensemble communautaire. Un autre cas consiste à se rencontrer sur le conSensus d’une micro-culture qui parait plus pauvre comme dans les hôtels internationaux par exemple ou dans l’adoption de langues étrangères comme l’anglais par chacune des parties. On notera que la culture de la communauté anglaise est bien plus riche et différente de celle des milieux qui utilisent la langue pour des communications de champs plus limités.

La communication comme vecteur de changement.

Comme on l’a vu la communication passive relationnelle ou communautaire à pour effet la confortation du conSensus et par suite ses expressions et ses réalités. On peut dire que cette communication passive est à l’origine de toute homéostasie existentielle fondée sur une dynamique actuelle d’activation actualisation. On notera quand même que ce cycle homéostatique conduit invariablement à la mort existentielle de toute personne comme de toute réalité humaine communautaire (n’y en ayant pas d’autre). Question du penchant originel et de ses conversions.

Cependant il y a d’autres choses à vivre qui vont utiliser la communication comme vecteur de changement. Dans une situation il y a le Sens, le conSensus avec d’autres, et le déploiement existentiel qui en résulte. Le changement peut être changement de Sens, changement d’autres parties prenantes du conSensus ou changement de maturation dans la maîtrise de la situation et donc aussi de la communication. La communication s’inscrit toujours dans une communauté donnée et son conSensus et ici elle vise à transformer le conSensus soit en changeant le Sens dominant soit les parties prenantes. Cela suppose en principe une maîtrise suffisante pour sortir du régime passif. Or il y a deux cas qui peuvent être confondus l’acte de maîtrise permettant de se tenir sur une détermination du Sens à privilégier. Ou bien la fixation sur un Sens sans discernement mais par le soutien en principe d’un groupe porteur (minorité agissante). Dans les deux cas il est vrai que la communication pour une communauté assez grande pourra passer par le conSensus préalable d’un petit groupe ou de communautés intégrées à celle dont le changement est visé.

Le modèle type de la communication de changement est habituellement limitée à une expression significative du Sens voulu ou du partage de sens voulu. Plus précisément ce sont d’autres thèses basées sur l’efficience de la raison causale ou des mécanismes factuels ou bien des puissances émotionnelles qui sont, en général, invoqués, non sans quelque croyance magique à la clé. Ici ce sont les stratégies de communication qui seront envisagées dont on verra les principes et la mise en oeuvre dans les méthodes de l’intelligence symbolique.

D’abord notons qu’une communication humaine n’est pas réduite à l’affichage d’un quelconque message ou une information mais c’est une scène, une histoire qui s’inscrivent dans une situation déjà là. Ainsi la communication est une scène, un moment donnés à vivre et partager selon toutes les dimensions et composantes existentielles. Comme elle vise un changement dans la réalité commune et que tout changement passe par un travail sur le conSensus la communication est toujours stratégique. Au fond le processus de communication stratégique consiste, une fois clarifiés le Sens voulu et le contexte, à construire une scène à laquelle participent ceux qui y sont invités selon toutes les dimensions et composantes de l’existence. Cette scène donnée à vivre porte d’abord le Sens que l’on veut privilégier. Ses modes d’expression ou mises en scène sont homologues c’est-à-dire de même Sens que ce dont on veut privilégier le conSensus. Ainsi tous les registres de l’imaginaire, de la création, du langage, de l’expression sont possibles autant qu’ils signifient symboliquement ce que l’on souhaite. Il y a ainsi de multiples stratégies de communication relationnelles et communautaires qui représentent une grande partie de nos activités existentielles. Le storytelling (racontage d’histoire) est un exemple intéressant à méditer pour le meilleur Sens plutôt que pour le pire. Il ne faut pas jeter l’instrument et surtout apprendre à lire et à discerner ce qui nous est raconté de partout.

Si la communication occupe une grande part des activités humaines notons en quelques enjeux. La mobilisation collective par le renforcement ou l’extension d’un conSensus, l’enseignement pour la maturation individuelle et collective, les réalisations collectives, la gouvernance de toutes les communautés ou entreprises humaines, les rituels sociaux, les confortations communautaires médiatiques, les manipulations de l’opinion publique ou de «cibles» particulières, les régulations collectives…

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071 – La communication comme expérience

La communication humaine est de nature humaine. C’est pour cela qu’elle est d’abord partage de Sens constituant les conSensus qui fondent l’expérience réalisatrice. La communication est le moteur des dynamiques actuelles, source des réalités et leurs dynamiques historiques. Mais aussi elle est aussi expérience réalisée et par cela s’inscrit tant dans l’expérience première ou elle trouve sa structure existentielle que dans le déploiement de celle-ci où l’on va retrouver les visages et les dynamiques historiques de la communication.

D’abord considérons les composantes de la communication et ses dimensions structurantes.

Première composante, affective, la communication comme affectation réciproque, comme vécu partagé. Ce peut être le règne de la fusion confusionnelle, celui de la provocation affective ou émotionnelle, celui de l’influence ou la captation affective. Bref tout un univers des communications humaines qui sont posées comme fondatrices des relations humaines et de leur qualité, amour, haine, attractivité, répulsion etc. Cette composante est souvent considérée comme agissante, ou bien le but de la communication ou encore son moyen. On le voit le statut de cette composante comme pour les autres, est très variable, sans doute en fonction du Sens en conSensus qui donne la qualité spécifique de l’affect. La confusion de soi avec ses affects engage la recherche de communications affectives spécifiques comme fin et pas seulement comme moyen.

Deuxième composante, factuelle, la communication comme interaction, action et réaction. Sur ce plan la communication est un investissement du corps par les gestes, les signaux, et les moyens intermédiaires de transmission. La communication s’assimile alors à un transport avec contenus et véhicules, émissions et réceptions. On comprend que les sciences mécaniques soient souveraines lorsque la communication est réduite à cette composante. Cela ne veut pas dire que toute communication n’a pas cette composante ce que d’autres réductionnismes semblent oublier. La communication factuelle n’est pas sans utilité évidemment mais ce n’est pas pour autant que les autres composantes ne prennent pas part à toute communication humaine.

Troisième composante, la composante mentale dont les langages sont les contenus de même que les images, tous médiateurs des idées et formes de pensées. Tout se passe comme si une identification mentale était rendue possible par ces médiations. Leur importance est soulignée par cette formule de Mc Luhan disant que le médium était le message. C’est bien un certain trouble qui accompagne les conceptions formelles de la communication où de formes en formes, toujours médiatrices on ne sait pas quelle est la forme ultime du procès de communication, celle que les médiations veulent transmettre. De là cette interrogation sur la lettre et l’esprit, l’une véhicule l’autre, enjeu de la communication. On retrouve bien là le principe de la communication humaine où toute médiation, mentale, factuelle ou affective ne fait que renvoyer au Sens (esprit) et au procès de conSensus.

Mais examinons aussi les trois dimensions structurantes de toute communication humaine.

D’abord l’intention. Qu’elle soit consciente ou non, la communication est l’engagement d’une intention, soit une initiative propre soit une réponse à une initiative ou une situation. C’est le Sens qui en est l’origine si bien que toute communication exprime et véhicule un Sens dont l’intention est comme le vecteur, conscient ou non, passif ou non. Ainsi toutes les composantes d’une communication témoignent de cette intention, étant portées par le même Sens qu’elles déploient. Sachant que l’intention est la traduction du Sens elle vise par le conSensus à toucher l’intention de l’autre ou des autres en convergence.

Ensuite, la dimension contextuelle avec les autres sans lesquels pas de conSensus soit qu’ils en soient à l’initiative par leur intention soit qu’ils en soient simplement parties prenantes dans l’établissement et l’activation d’un conSensus. La présence des autres pose la dimension contextuelle de la communication,contexte qui conditionne la scène de communication, contexte qui est déployé dans et par la communication, contexte qui inspire le procès de communication. Le contexte étant la manifestation du conSensus elle fait partie du procès de communication.

Enfin la dimension historique de développement du procès qui porte le Sens et le partage. Elle se traduit par le déroulement d’une scène, d’une histoire, histoire réalisée factuellement, histoire racontée mentalement. C’est la dimension narrative qui se raconte en discours, en représentations mentales, en actes – gestes et situations et qui est aussi vécue sur le plan des affects. Cette dimension historique situe aussi la communication dans un continuum avec un avant et un après ce qui en fait un mode d’intervention dans l’histoire des hommes des relations et des affaires humaines.

Evidemment les histoires d’émetteur récepteur, de transfert d‘information, de maniement des images et des discours ne sont que des aspects marginaux du phénomène de communication humaine.

Dynamiques historiques de la communication.

La première est celle de la maturation des processus de communication.

On retrouvera d’abord une compréhension archaïque où, par le biais des affects (ou vécu d’affectation réciproque), une influence et une transmission quasi magique sont recherchés et interprétés dans la communication.

Une compréhension factuelle plus évoluée, s’intéressera aux interactions considérées comme le but et le moyen de communication, employant des outils et techniques appropriés et agissants. On parlera même de mécanismes de communication que l’on verra automatisés sinon numérisés.

Une compréhension mentale cherchera dans la gestion des signes et leur interprétation la sémantique et la syntaxe de toute communication ou bien d’une intégration mentale de la situation relationnelle conceptualisée.

Enfin c’est au Sens, initial et final mais aussi constitutif de la communication que l’on peut aboutir. Si la communication exprime et manifeste le Sens en conSensus elle participe à sa révélation en chacun la révélation de chacun pour lui et les autres, la révélation de l’humanité dans les situations et les affaires humaines. Ses médiations et manifestations sont alors médiations et manifestations du Sens plus essentiellement que toutes autres utilités. La communication du Sens en est l’expression existentielle révélatrice. La communication révèle l’humanité.

La seconde dynamique historique est celle de la construction d’une communication pertinente. En cela elle rejoint la question de l’action dont on verra les proximités avec la communication. D’abord c’est d’un Sens et d’un conSensus qu’il s’agit. Il faudra donc clarifier sinon élucider le Sens de la communication et aussi ceux à qui elle est destinée, le pourquoi, le qui et le pour qui. Ensuite on pourra projeter ce Sens en  scènes, signes, structures, stratégies, pour en déployer les médiations. Les moyens opérationnels supports organisation opérations viendront matérialiser la communication et enfin les affects sont à la fois la marque d’être touché et de toucher selon les enjeux affectifs.

Cette séquence on l’imagine sera itérative et c’est comme cela que la communication est un ajustement progressif jusqu’à l’entendement commun qui paradoxalement n’a plus besoin de cet artifice, du moins momentanément.

Ces considérations schématiques n’ont pour but ici que de pointer différentes facettes des enjeux et pratiques de communication qui en montrent l’essentiel et aussi la complexité existentielle. Les processus en seront largement développées avec ceux de l’action humaine.

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070 – La communication principes dynamiques

Principes dynamiques de la communication : activation actualisation

La communication est ce qui constitue le lien entre les hommes. Les relations interpersonnelles en sont le modèle que nos modernistes ont étendu à toutes choses tout en étant réduit aux interactions matérielles ou formelles. Pour l’Humanisme Méthodologique, la communication inter-humaine est évidemment un phénomène de nature humaine. Elle est donc à considérer tant du côté des Instances et du Sens que du côté de l’expérience existentielle et ses composantes.

Tout d’abord, la communication est partage de conSensus. De ce fait elle contribue à constituer les communautés humaines. De ce fait aussi elle est à la source des dynamiques actuelles d’où se déploient les réalités existentielles et leur dynamiques historiques. Il est intéressant de noter que des transmissions d’intentionalités se produisent avant même toute communication ordonnée. Le cerveau n’y est pour rien. Les tout petits enfants mais tout un chacun se trouve engagé dans un conSensus, sans conscience claire bien sûr, mais avec un sentiment d’évidence qui donne un effet de compréhension au-delà de toute explication.

Le conSensus entre deux personnes suppose un ajustement sur une même « Cohérence » ou ensemble de Sens puis un ajustement sur le même Sens dans cette Cohérence. Sur ces deux points on peut imaginer que l’un a pu influencer l’autre qui s’ajuste comme en résonance. On peut imaginer qu’il y était déjà prédisposé facilitant l’entendement mutuel que procure la communication. On peut encore imaginer qu’un contexte commun ait prédisposé l’un et l’autre à cette communication. Dans tous ces cas-là la communication vient comme une « communion d’esprit » ou de Sens qui réactualise la réalité de chacun, d’un monde commun et d’une histoire partagée. La communication fait exister, renforce et conforte l’existence. On peut même évoquer de ces communications installées, instituées qui construisent une existence commune ou même de celles qui en viennent à réaliser un autre homme, un descendant du conSensus. Un petit tour d’horizon nous montrera que nos existences sont tissées de part en part par ces myriades de communications, interpersonnelles et communautaires.

Le conSensus ne va pas toujours de soi. Si par exemple on est prédisposé dans des « Cohérences culturelles » différentes, alors le conSensus ne sera possible que si une Cohérence commune est trouvée pour que chacun s’y dispose. La fréquentation des mêmes communautés facilite les communications. En outre l’ajustement sur le même Sens ne va pas de soi. Par exemple si l’un est familier d’une certaine vision du monde ou orientation personnelle, il peut être moins bien disposé à s’ajuster à un autre Sens. Les croyances, les idéologies les engagements, les influences font ainsi barrage à des ajustements de Sens pour ceux qui n’ont pas une certaine liberté d’esprit (de Sens).

Inversement cette liberté qui permet de « s’ouvrir » a un conSensus, permet aussi de ne pas s’y engager.

Ainsi, par la communion des Instances, la communication réalise le monde dont nous sommes existentiellement parties prenantes.

Dans cette communication la communion des esprits ou conSensus peut apparaître passive ou active. Dans la communication passive le conSensus semble influencé soit par l’autre soit par soi-même, l’un et l’autre par le milieu et les circonstances qu’ils partagent. On aura ainsi une communication manifeste selon différents modes d’expression sans que les communicants en soient véritablement auteurs. Acteurs de la scène de communication mais pas auteurs. Il est vrai que beaucoup de communications sont de cet ordre ou chaque protagoniste est comme sous influence et contribue à influencer les autres. On peut se demander à quoi servent ces communications passives sinon à maintenir et renforcer un conSensus, pour le meilleur ou pour le pire. Il y a, bien sûr, tous ces cas ou une communication active de l’un vise à une communication passive de l’autre. Manipulations publiques, dominations « bien intentionnées » ou mal intentionnées, et toutes ces communications qui tentent, au fond, d’imposer un conSensus pour le partager et donc le monde qui va avec.

Une question que l’on aura a approfondir c’est comment maîtriser quelque peu une communication ? Il y a trois réponses. La première consisterait à identifier des moyens dont l’usage serait souverain. La seconde consisterait à trouver la bonne disposition pour influencer autrui. La troisième serait de disposer du discernement nécessaire à la détermination du Sens du bien, commun. On en verra largement les implications dans ce chapitre de l’agir humain.

Dans cette première approche il nous faut compléter le schéma en distinguant ce qu’il en est des Instances et ce qu’il en est de la réalité existentielle. Dans la situation existentielle la communication se présente comme expression, manifestation des protagonistes en même temps qu’un processus semble se dérouler où non seulement ces manifestations s’enchaînent et évoluent mais aussi la situation commune se transforme comme aussi la réalité existentielle de chacun.

Reprenons en les termes. D’abord la communication se traduit par l’expression de l’un et de l’autre, une expression alternée par exemple. Chaque expression est comme l’actualisation du Sens selon lequel chacun est disposé (dans la Cohérence en jeu). Ce qui est manifesté dit le Sens, le signifie. En même temps ce qui est exprimé « véhicule » ce Sens et par la même influence la position de celui qui écouté. En effet il ne fait pas qu’écouter ce qui est dit mais aussi celui qui s’exprime et, entendre l’autre, c’est comme se mettre en conSensus avec lui. Nous restons là encore très schématique. De ce conSensus comme reçu, comme entendu, comme consenti, empathique diraient certains vient ‘l’expression » de celui qui s’y trouve activé, autrement dit une actualisation dans une sorte de réponse, manifestation du Sens. On voit ainsi comment le processus circulaire se poursuit. Sens, expression, conSensus, réponse. Tout se passe comme si les expressions de chacun actualisaient les Sens qu’ils portent en eux qui étaient à leur tour activés par ces expressions. On peut alors imaginer qu’au fur et à mesure un entendement réciproque établi et renforce le conSensus en même temps que se développe une réalité commune.

On imagine toutes les difficultés et tous les obstacles selon les Sens en jeu et selon le discernement des parties prenantes. On imagine aussi bien que la communication se multiplie pour former des communautés de Sens et les mondes de leurs existences communes.

Avant d’entrer plus dans les détails du processus de communication on rappellera le fait que la communication engage et développe les dynamiques actuelles par lesquelles les mondes se réalisent et, on le verra, l’agir humain se déploie.

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069 – Les dynamiques historiques

Les dynamiques actuelles d’où adviennent les réalités désignées comme actuelles ne sont ni dans le temps ni dans un espace. Les expériences premières qui sont ainsi actualisées instaurent chacune leur espace temps qui fait que les réalités expérimentées sont toujours inscrites dans une histoire. Les réalités désignées apparaissent dans une existence historique où elles parcourent une trajectoire existentielle laquelle semble toujours avoir un début et une fin. De ce point de vue l’espace temps semble premier par rapport à cette histoire qui s’y déroule. Mais cet espace temps est instauré par l’expérience première qui est actualisation de conSensus.

Nous trouvons ainsi trois champs. Celui des conSensus et leurs dynamiques actuelles, celui des expériences premières actualisées qui instaurent un espace temps de référence pour toute réalité qui en est re-présentée. Enfin le champ des réalités désignées, les mondes et leurs contenus, relatifs à leur espace temps de référence.

Les expériences premières sont le lieu de trois mouvements.

– Un mouvement d’actualisation ou déploiement. Il peut être assimilé à une création continue mais non sans une alternance de déploiements et d’épuisements. Tout se passe comme si l’énergie de l’actualisation pouvait s’y épuiser et qu’une réactivation du conSensus réactualisait le mouvement.

– Un mouvement de succession des plans d’expérience. Depuis le commencement, se déploie l’expérience sensible, celle des affects, se distinguent les nombres d’espacements, traces des participants du conSensus, puis viennent les faits et leur croissance matérielle. Ensuite la raison ordonne dans l’espace et dans le temps ce que l’expérience mentale va déployer dans son registre pour aboutir à la conscience intentionnelle capable d’instaurer des relations et des consensus. Cette spirale sommaire, on l’a parcourue à plusieurs reprises montrant que l’histoire existentielle n’est pas linéaire mais comme une spirale de réalisation progressive selon des âges d’humanité. Ce mouvement réalise l’humanité de l’homme au travers de consciences successives qui en viennent à la révélation de ce qui en est la source dans les conSensus. Ainsi cette histoire est celle de l’avènement d’une maturation humaine au travers des âges de civilisation comme des âges de toutes les réalités et existences humaines.

– Enfin un autre mouvement se dessine dans une spirale inversée. C’est celui de l’exercice de sa maîtrise par l’humanité qui consiste à « faire le monde » au travers de toutes les affaires humaines. Tout l’agir humain se trouve là justifié. Ce monde est à réaliser par l’intervention de l’homme dont il se découvre peu à peu le maître, non pas pour jouîr d’une quelconque puissance mais pour découvrir qu’il est co-auteur de son monde et connaître ainsi son humanité. Réaliser le monde par l’agir humain c’est révéler l’humanité de l’homme accéder à sa liberté d’être humain. L’agir humain passe par le travail humain dans son Sens d’accomplissement. On voit bien comment la disqualification du travail humain est une disqualification de l’humanité de l’homme. Dans ce troisième mouvement qui est celui de l’agir humain nous en sommes à l’âge du Sens et des conSensus, l’âge à partir duquel le travail se révèle toujours travail d’humanité, engagé dans la réalisation des affaires humaines. Construire le monde n’y est pas une fin en soi mais le moyen de révélation et donc d’accomplissement humain.

Reprenons cette si simple et si complexe dynamique historique de l’existence, de tout existant. D’abord cette dynamique actuelle, issue des conSensus entre Instances humaines et dont l’accomplissement humain va donner conscience, liberté et maîtrise. Cette dynamique est donnée à l’homme qui pourra en maîtriser l’usage mais n’en est pas la source. Il s’y ressource comme source de tout existant. Ensuite ce qui lui est proposé, c’est cette histoire d’un parcours de maturation d’âge en âge jusqu’à cette maîtrise dont nous venons de parler. Pour cela il faut parcourir ces âges pour chaque existant, chaque individu, chaque culture ou civilisation. Ce parcours est jalonné de seuils de passages, de crises, de régressions, de déviances. Il reste l’axe de référence du grandir humain dont la proposition peut être refusée ou déviée ou alors engagée. Enfin l’histoire du développement humain, celui du monde et de toute chose par le travail de maîtrise qui vise progressivement à assumer en toute responsabilité la révélation et l’accomplissement de l’humanité.

Et maintenant, au travail.

A chaque problème, situation, projet, une méthodologie de maîtrise historique. Un niveau de maturité humaine développé dans l’histoire. Une prise de responsabilité des dynamiques actuelles par les conSensus. C’est à cette tâche que nous allons nous atteler avec les conceptions et pratiques de l’agir humain au seuil de l’âge du Sens, et de l’exercice de l’intelligence symbolique.

Avant de traiter de l’intelligence symbolique et ses méthodes il faut nous appesantir sur deux modes de l’agir humain.

Le premier c’est la communication qui participe à la dynamique actuelle qui déploie le monde

Le second c’est l’action qui participe à la dynamique historique pour développer le monde.

L’agir humain est toujours pris dans ces deux modes qu’à l’âge du Sens on va découvrir si voisins

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068 – Les dynamiques actuelles

Lorsque nous désignons quelque chose nous le faisons exister… dans notre expérience. Que ce soit un objet matériel, que ce soit un sentiment, que ce soit une idée, que ce soit une situation, un monde, l’univers, ou même notre individualité et celle des autres et aussi tout ce que nous nommons comme animaux, plantes, matériaux, institutions, catégories, espèces, projets, croyances, etc. Nous en faisons à chaque fois un objet de considération. Et de ce que nous avons désigné il peut nous venir cette question : d’où cela provient-il, qu’est ce qui le fait exister ainsi, comment pourrait on en changer quelque chose ?

Ce qui se présente ainsi, ce qui se place dans notre actualité, comme une actualité, presque comme un événement d’existence est comme le fruit d’une action, et d’un acte qui le réalisent et le rendent actuel. Dans la tradition d’Aristote on dirait, mais c’est bien sûr, cette chose est maintenant en acte.

Nous sommes là au coeur d’un conflit. Les choses s’expliquent-elles par elles-mêmes ou par d’autres choses ou bien par ce qui les faits advenir telles qu’elles nous apparaissent dans notre expérience et selon la variété des facettes de cette expérience. Or ce qui les fait advenir ce sont les conSensus, le partage de Sens des Instances humaines qui participent à cette expérience existentielle. Pour être plus simple et plus clair, ce qui existe dans notre expérience comme objet de considération, est la manifestation, l’expression de Sens en conSensus. Elle existe pour ceux qui le partagent et par ceux qui le partage. On pourrait dire que la chose, avant d’exister en acte, dans l’actualité, étaient en puissance dans les instances humaines. L’inconvénient c’est d’avoir un double monde celui des puissances et celui des actes or il n’y a pas de chose commune, la chose étant toujours dans l’existence même si cette existence est purement mentale ou aussi factuelle. Dans les Instances il n’y a que Sens et conSensus.

Pour préciser, le conSensus porte sur un ensemble de Sens, singulier, appelé aussi Cohérence. L’ensemble des Sens (centripète) contribue à la cohésion (centrifuge) des choses. Seulement, tel ou tel Sens prédominant, alors une orientation est donnée qui se traduit dans l’existence, par exemple sous le mode historique.

Ainsi le Sens dominant du conSensus explique l’existence de la chose considérée, l’oriente vers un devenir et une trajectoire existentielle, et participe éventuellement au bien humain. Chaque chose est ainsi entièrement déterminée par le conSensus et notamment son Sens dominant. Bien sûr, on peut en déduire que tout ce que l’on peut vouloir changer, transformer, réaliser dépend entièrement de ce qu’il peut en être du conSensus. L’intelligence symbolique a justement comme enjeu le travail sur le Sens. Elle renvoie au coeur de nous-même là où se trouvent les Sens des choses mais aussi à la participation de toute une communauté de conSensus sans laquelle rien n’existerait et par laquelle toute action doit passer.

Lorsque cet accès au Sens n’est pas disponible alors c’est l’intelligence des choses, leur finalité et les processus de changement qui ne restent accessibles qu’à tâtons, ou bien par le guidage de qui y aurait accès. L’ennui c’est la construction de systèmes explicatifs de l’existant par l’existant qui a pour but sinon pour effet de barrer l’accès à l’humanité de l’homme et du monde. Les choses ne sont pas ce qu’elles sont par elles-mêmes mais par conSensus.

Les croyances durement inculquées, sont tellement prégnantes que leur questionnement est lui-même évité, sinon suspecté. Par exemple, on dénoncera (subjectivement) la subjectivité des autres au nom d’une objectivité dont on se fait (subjectivement) le garant. Bien sûr il est recommandé de ne pas s’interroger sur les termes d’objectivité et de subjectivité et d’autres qui le mériteraient bien.

Précisons maintenant ce que sont les dynamiques actuelles. Il faut d’abord rappeler ceci. Ce qui est désigné comme objet de considération, quelque soit sa nature, son étendue, sa complexité et les circonstances de cette désignation, la réalité désignée est re-présentation d’une expérience première, celle du conSensus. Le conSensus s’actualise donc dans une expérience première dont la structure cohérencielle et les dimensions expérientielles sont posées. La « réalisation » procède par re-présentations ou modes de conscience qui augmentent la réalité première. Des couches de re-présentations successives font de l’objet désigné une construction existentielle complexe à partir d’une expérience première elle-même actualisation du conSensus. De ce fait nous aurons a distinguer d’abord une dynamique actuelle qui réalise l’expérience première et ensuite une dynamique existentielle qui fait évoluer, augmenter par exemple, les re-présentations et transformer la réalité. On parlera alors de dynamiques historiques. On verra en effet que les changements existentiels se produisent dans l’histoire mais que ce n’est pas le cas des dynamiques actuelles qui les instaurent.

Il est d’ailleurs à souligner que les Sens et conSensus ne se situent pas dans un espace temps quelconque, qu’ils sont donc intemporels comme les expériences premières non encore re-présentées. Ainsi les dynamiques actuelles ne sont pas dans le temps et ne résultent pas d’une quelconque succession de causes et d’effets.

Est-ce que pour autant les dynamiques actuelles sont de toute éternité ? L’actualisation des Sens en conSensus suppose une activation et cette activation est donnée par le fait du conSensus. Autrement dit le conSensus est la source non seulement des expériences premières et des réalités secondes mais il l’est dans le contenu et dans l’énergie qui les laisse apparaître comme puissances. L’actualisation du Sens, pré activé par le conSensus, donne à la réalité des choses son double mouvement, le mouvement d’exister et le mouvement de changement historique de l’existant.

Il n’y a pas d’autre source au mouvement que les dynamiques actuelles nées des conSensus, sauf à interroger : pourquoi en est–il ainsi et qu’est ce qui donne cette énergie au conSensus. Si l’homme par son humanité et ses conSensus donne son mouvement et sa consistance à toute réalité il les tiens de ce qui lui donne son humanité qu’il est invité à découvrir et à accomplir. Se révéler comme tel est ainsi la condition de cet accomplissement et l’enjeu de toute révélation. Mais cette révélation passe par l’expérience de la maîtrise des affaires humaines selon les principes de son humanité. Au lieu des pratiques qui se fondent sur un déni d’humanité, celles de l’intelligence symbolique visent simultanément une nouvelle maîtrise des affaires humaines et des réalisations humaines en vue de la révélation de cette humanité se réalisant. Ainsi la pensée et l’action n’ont qu’une seule fin, l’accomplissement de l’homme.

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067 – Le champ de l’agir

Dans son existence, l’homme agit et cherche à agir. Mais sur quoi agit-il? Agir c’est agir dans la réalité, sur la réalité, pour la réaliser, la transformer, la développer. Toutes les activités humaines sont agissantes. La passivité est le contraire de l’activité et tout se passe comme si l’homme et les choses passives ne pouvaient qu’être agis par quelque source autre. Mais alors l’action porte-t-elle sur telle ou telle composante de la réalité ou sur leur ensemble.

Agir peut être intervenir sur des affects, pour les susciter, les transformer, les provoquer, les faire évoluer. Il s’agit de ses affects, ceux de tel ou tel autre, ceux d’un ensemble ou une communauté de plus ou moins grande taille. Le plaisir, la peur, la terreur, la culpabilité, et l’infinie palette des sentiments et des émotions est en jeu.

Agir peut être intervenir sur les faits, faire, fabriquer, transformer, détruire, modifier, déplacer, changer, développer. Par le jeu et les interactions de l’existence, l’homme agit sur lui-même et son milieu.

Agir peut être intervenir sur les représentations mentales pour les produire, les développer, les transformer, les ordonner, les créer. Il s’agit aussi bien des siennes que celles des autres ou même de celles qu’on ne sait plus attribuer, les imaginants autonomes ou fixées une fois pour toutes.

On va pouvoir agir sur des choses, sur des situations, sur des moments vécus mais toujours sur ce qui sera désigné à cet effet. Agir a toujours un « objet » et il est désigné, fixé, par celui ou ceux qui agissent. Bien sûr ce sont aussi des ensembles complexes qui peuvent être visés par l’action s’ils sont désignés à cet effet.

Cependant, rien n’existe que dans une existence historique avec un présent, actuel, mais aussi un passé et un futur. Ainsi agir c’est intervenir dans une histoire, celle de ce sur quoi on agit. Le réaliser, le transformer, le déplacer même, c’est intervenir dans le temps comme par exemple une projection dans le futur. Tout enjeu futur, futur présent, est lui-même au début d’un autre futur, si bien que l’action initiale est renvoyée dans le passé. On verra que cet oubli du temps, caractéristique de conceptions « modernistes » est une calamité humaine. Agir comme intervention dans une histoire nous amènera à intervenir dans des processus humains. On notera que l’histoire est déjà le fruit de processus et d’actions humaines sur lesquels d’autres actions interviennent. Il n’y a pas de table rase ni de point final à l’action humaine.

Enfin, dans l’action humaine, l’homme ne se réduit pas a un objet agi par quelque force dont il ne serait que le moyen intermédiaire. Qu’il en soit conscient ou non, qu’il en soit plus ou moins maître, ce sont les intentions qui président à toute action. L’homme est le sujet de toute action humaine. Les affects, les comportements, les pensées participent a l’agir mais n’en sont pas la cause que l’intention, elle, manifeste.

Ces rapides indications vont être utile aussi bien pour embrasser le champ de l’agir humain que d’en pointer les erreurs. Pour certains c’est la mobilisation des affects qui est agissante, pour d’autre tout est question d’effets factuels et d’efficacité, pour d’autres encore ce sont des structures formelles, intellectuelles qui sont la source de l’agir avec la raison à la manœuvre. L’agir qui porte sur sa propre existence, celle des autres, celle des situations et réalités du monde dans lequel nous vivons, touche à tous les aspects de l’existence. Exister c’est agir et agir engage l’existence, engage toutes les affaires humaines, à toutes les échelles et de toutes natures.

Mais une grande question c’est qu’est ce qui agit. Nous pointerons à nouveau les réponses erronées. Est-ce que ce sont les choses, matérielles, qui agissent, par leurs propriétés, leurs forces et leurs puissances ? Ce sont peut-être des lois immatérielles comme les lois de la nature aussi universelles que les lois de la raison juridique, administrative, technique ? Ce sont peut-être quelques puissances magiques qui tirent les ficelles de ce qui se produit et nous arrive ? La question n’est pas si simple tellement les certitudes et l’absence de questionnement sont ancrés. Ce qui agit, c’est l’humanité de l’homme au travers des conSensus et par la médiation de l’existence elle-même.

La médiation c’est la question des moyens, intermédiaires. Mais les moyens ce n’est pas ce qui agit mais ce au travers de quoi cela agit. Les moyens ce sont les accessoires de ce qui est agissant. En fait rien n’agit sinon l’homme par ses conSensus réalisateurs et il ne peut le faire que par la médiation de ses modalités d’existence.

Ce sont ainsi tous les domaines de l’activité humaine, individuelle et collective qui sont l’enjeu de l’agir humain. L’Humanisme Méthodologique va proposer une ingénierie humaine basée sur des principes nouveaux, inattendus sinon inconnus du moins en conscience. Entrant dans l’âge de l’intelligence symbolique ce sont de nouvelles conceptions et de nouvelles pratiques qui vont se déployer. Après avoir cru que tout était une question de puissances magiques, après avoir cru que tout était une question de force physique, après avoir cru que tout était une question de règles et procédures on va voir que tout est une question de Sens et que tout ce qui précède en est un simple reflet.

Pour cela il va falloir reprendre sous l’angle dynamique la compréhension des réalités et des situations. Comment les choses se réalisent, comment elles changent et évoluent, comment nous pouvons intervenir dans ce processus. Si l’homme est au coeur des choses et des phénomènes humains alors c’est le recours à l’humanité de l’homme qui permettra d’accéder à un nouveau stade de maîtrise des affaires humaines. La sur-intellectualisation des temps modernes est un obstacle qu’il faut franchir non pas pour cesser de penser bien au contraire mais pour cesser de stériliser l’intellect par la réflexion.C’est donc non seulement une éducation à l’intelligence symbolique qu’il faut entreprendre mais aussi une rééducation par rapports aux déviances antérieures.

On aura donc à poser de nouveaux repères, tous conceptuellement étayés mais aussi construits dans l’expérience, qu’il s’agit de redéployer dans les pratiques nouvelles de processus humains.

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066 – Valeurs et qualités

On peut appeler axiologie la détermination des repères d’orientation vers le bien. Les valeurs sont à la fois, sensées être un principe axiologique – les valeurs c’est bien – et à la fois désigner les critères du bien. On évoquera « les valeurs » pour marquer sa référence au bien avant de désigner telles ou telles valeurs comme critère du bien. Cependant, la conception du bien et donc des valeurs de référence va déterminer de quel type de valeurs il s’agit. Par exemple les valeurs prises comme figures idéales vont s’exprimer par des postures, des semblants ou faux semblants ostentatoires et incantatoires et des critères de conformité. Les valeurs prises comme critères d’intérêt particulier d’un groupe ou d’un individu vont devoir répondre à des critères d’utilité, matérielle ou psychologique par exemple. Il y a aussi une conception des valeurs comme norme qui s’impose, comme dogme impératif en usage dans tous les totalitarismes. Pour l’Humanisme Méthodologique les valeurs sont des indicateurs du Sens du bien commun.

En conséquences les valeurs sont toujours propres à une communauté. Elles sont donc relative à une culture. Ensuite elle sont indicatrice d’un Sens celui du bien, commun aux membres de la communauté. Ce Sens du bien est un Sens d’accomplissement humain. Donc s’il est relatif à une part de l’humanité c’est bien de l’humanité universelle et son accomplissement qu’il s’agit. Enfin en tant qu’indicateurs les valeurs doivent s’exprimer dans des termes significatifs non seulement de chaque culture, non seulement de son Sens du bien commun mais aussi des circonstances et domaines où elles s’appliquent. Elles seront par exemple politiques, éducatives, économiques et relatives à toutes les modalités de la vie collective. Leur stabilité est donc problématique tant parce que leur rôle d’indicateur suppose une certaine constance mais aussi parce que la diversité et l’évolution de la communauté réclament périodiquement de nouveau indicateurs a durée de validité variable, de quelques siècles à quelques mois ou années. Évidemment les formules supposées éternelles ne le sont pas et leur sens est éminemment variable. Les tenants des figures formelles idéales font comme si la forme suffisait à dire le sens comme si le Sens du bien commun était donné par des formules toutes faites. Héritiers d’un universalisme dominateur nous sommes habitués à ces travers. Prononcer les formules fait l’économie de s’interroger sur le sens, sa pluralité et le choix responsable à assumer. La notion de liberté par exemple prend des sens différents selon les niveaux de maturité humaine et les mobiles en jeu. La notion d’égalité est une des plus ambiguës qui soit appliquant un ordre formel à des humains tous différents et des communautés infiniment variées. Il n’y a d’égalité comme de hiérarchie qu’en fonction d’une échelle de valeurs donnée, c’est à dire choisie comme référence indicatrice du Sens du bien commun. Poser un diagnostic d’égalité comme de hiérarchie dans l’absolu c’est poser comme absolue sa propre échelle de valeurs dont le sens reste occulté. Les « bonnes paroles » en matières de valeurs, on le comprendra, ne sont pas garantes du bien humain communautaire.

Ayant éclairé la notion de valeurs quant au sens et au champ de validité, ces valeurs se disposent comme référentiels partagés, comme échelles de valeurs et donc d’évaluation et aussi comme vecteurs et critères de valorisation.

Pour récapituler. Les valeurs sont les indicateurs dont se dote une communauté comme repères du Sens du bien commun qui leur est propre dans un domaine de développement ou un mode d’existence circonstanciel. Des valeurs qui se posent comme universelles dans leur formulation sont celle d’une communauté implicite ou explicite qui veut s’imposer aux autres en niant leur humanité singulière. Posant son bien commun à la place de tout autre elle impose des valeurs inappropriées donc inappropriables par des communautés autres sauf à se nier. De ce fait ces valeurs ne sont pas des indicateurs du Sens, du bien commun de quiconque par leur prétention formelle à l’universel. L’universel qui s’exprime au travers du Sens du bien commun de chaque communauté est transcendant à toute formulation et circonstance culturelle.

Les valeurs circonstanciée d’une communauté sont partageables au travers de référentiels de valeurs appropriés. Ces référentiels de valeurs vont servir à toute évaluation permettant une meilleure maîtrise de la conduite des affaires personnelles et communes et l’établissement d’échelles de valeurs communes. Celles-ci servent de guide pour l’amélioration des conditions, modalités et réalisations de l’existence communautaire et de la participation de chacun.

Il faut ajouter une définition, celle de la valeur. La valeur est une mesure de contribution à un bien commun et ses valeurs, selon une échelle de valeur appropriée par les parties prenantes. C’est ce qui permet d’apprécier les différences, les hiérarchies et les équivalences toujours relatives au Sens du bien commun propre. C’est le cas des monnaies dans l’économie, toujours communautaire. C’est le cas dans toutes les évaluations qui permettent de mieux maîtriser les entreprises et les réalisations, c’est le cas dans la mise en oeuvre de référentiels partagés ou dans l’éducation. Poser une mesure de valeur comme absolue et universelle participe de l’hégémonie communautaire dont nous avons parlé. Il nous faut y insister d’autant plus que nous héritons de systèmes de croyances dominateurs et prompts à s’imposer à toute autre culture. On a vu dans cette  partie des leçons, à quels réductionnistes, à quels Sens cela correspond qui ne sont pas d’accomplissement humain.

Nous voyons à ce stade que par les valeurs, l’évaluation, la mesure de valeur, c’est l’activité humaine. Elle est qualifiée dans son contenu et dans son développement sur la voie d’accomplissement, grâce aux bénéfices d’une maîtrise en humanité à cultiver tout au long de l’existence et de l’histoire.

Revenons sur cette qualification et la notion de qualité. La qualité est l’appréciation de la valeur propre des actes et des choses évalués selon les échelles de valeurs communautaires. La qualité est toujours relative comme la valeur et les valeurs. Elle est a la fois une appréciation et aussi le fruit d’un processus de qualification dans un cercle vertueux de qualité qualifiante.

Cette extension des valeurs à la valeur, à l’évaluation et la qualification de toute chose fonde les bases d’une praxéologique humaine qui va traiter de l’agir humain, des pratiques et des moyens que l’Humanisme Méthodologique propose. Elle est  fondée en humanité par la connaissance des phénomènes humains (épistémologie) et orientée dans le Sens de l’accomplissement humain que cette axiologie a développé. Et maintenant comment s’y prendre ? C’est la question abordée dans la troisième partie de ces leçons.

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065 – Ethique et morale

Il est convenu de considérer l’équivalence des termes l’un serait la version grecque l’autre la version latine du même concept. Cependant il est aussi convenu de distinguer l’éthique comme principe directeur du bien humain et la morale comme règle de vie imposée par quelqu’autorité (morale), convention sociale ou culturelle. Il serait même compris que l’éthique aurait une portée universelle et la morale une valeur relative, très relative puisqu’il serait de bon ton de fustiger les références morales au bénéfice d’une éthique de principes. Il est même de bon ton de qualifier telle ou telle éthique choisie et de disqualifier toute morale, l’une résultant d’un libre choix l’autre d’une imposition liberticide.

Pourtant l’éthique vient d’éthos et l’éthos c’est l’ensemble des habitudes des personnes ou d’une communauté culturelle. Les habitudes culturelles cela ne se choisit pas même si l’on peut s’y soustraire, les transgresser. La morale (latine) ajoute quelque chose à l’éthos c’est la caractérisation du bien en termes de comportements au sein de l’éthos. Ainsi l’éthique serait le respect des habitudes collectives d’une communauté et la morale le choix spécifique du bien parmi les habitudes communes.

On pourrait se demander alors si le Sens du bien commun aurait quelque rapports avec ces concepts. Le conSensus est bien la source de l’éthos d’une communauté, éthos qui repose sur les Sens, d’ordre spirituel. On pourrait qualifier d’éthique toute ligne de conduite qui se source dans un Sens, commun à une communauté de conSensus. Cependant les Sens en conSensus sont ceux des problématiques humaines dont seul celui de l’accomplissement peut être considéré comme celui du bien de l’homme en personne et en communauté. Ainsi il pourrait y avoir éthique à l’encontre de l’accomplissement humain. C’est bien ce que le relativisme dessine comme perspective. En effet dans la communauté, le respect de l’éthos laisserait le choix du Sens, critère d’un bien arbitraire. Le libre arbitraire caractéristique de l’individualisme y trouve sa justification. Le problème est que manquant à cultiver le Sens du bien commun comme étant celui de l’accomplissement humain il rate le discernement des Sens, la conscience même des Sens, condition de la liberté de choix du Sens de son engagement. Il rate la liberté spirituelle au profit d’une supposée liberté morale, liberté immature, dont les racines sont simplement ignorées et même niées.

L’éthique est alors ainsi l’alibi d’une exonération morale sans référence au Sens du bien commun et même au nom de quelque «bien commun» opportuniste. On en entend l’incantation de plus en plus fréquente au travers par exemple d’un républicanisme sacralisé, de concepts dont le Sens échappe (égalité), et aussi les fameux, intérêt général, bien public, démocratie, et toutes les figures à la mode ou à celle d’hier.

Propositions de l’Humanisme Méthodologique

On appèlera éthique toute visée d’un Sens d’accomplissement humain et les «habitudes» existentielles qui s’y rattachent. De ce fait le champ de l’éthique est d’abord celui de l’humanité de l’homme engagé dans son accomplissement. Il se traduit par la culture des modes existentiels associés. Ils sont d’abord inhérents aux structures existentielles et aux constantes de l’existence humaine dont on sait qu’elles servent justement à l’accomplissement. Ainsi le rapport aux affects, aux réalités matérielles et factuelles, aux réalités mentales ou intellectuelles, le rapport au développement humain et l’éducation associée et aussi aux conditions humaines d’existence engagent l’accomplissement de l’humanité. En particulier les structures relationnelles et la filiation humaine qui jouent un rôle symbolique majeur caractérisent une éthique humaine, contingente certes mais contingente à la nature humaine. Les réductionismes qui posent telle ou telle dimension de l’existence comme première disqualifient la condition humaine et donc l’éthique de l’humanité. Cette éthique de l’humanité peut être illustrée par une caractéristique particulière de la condition d’accomplissement humain. La «considération» de l’altérité par exemple mais aussi celle des différences qui expriment simultanément une commune humanité et le caractère unique de chaque personne.

Il se trouve que le Sens de l’accomplissement, de l’éthique de l’humanité, ne se reconnait dans notre existence qu’au travers des communautés et leur Sens du bien commun. L’éthique humaine ne trouvera de lieu que dans des communautés particulières qui lui donneront justement des expressions et des repères culturellement significatifs du Sens du bien commun. On verra alors le rôle que les valeurs jouent pour qualifier l’éthique dans un champ culturel et communautaire donné.

Dès lors, l’éthique de l’humanité ne se réalise à chaque fois que dans un contexte communautaire selon les critères de valeurs qui lui sont propres. Ainsi l’universel de l’humanité se traduit par des différences culturelles. Mais alors un problème classique c’est le jugement des autres communautés culturelles à l’aune de sa propre éthique humaine. C’est porter l’expression et les critères contingents d’une éthique particulière au statut d’expression universelle. Comment dire l’universel au travers du contingent sans porter le contingent au statut d’universel ce que tous les totalitarismes cherchent à faire? Une solution recherchée mais jamais trouvée sauf dans la déviance totalitaire c’est la définition de valeurs universelles. Le thème des droits de l’homme, dont on veut ignorer la multiplicité des versions, est une des tentatives. Une autre c’est de rechercher des valeurs communes aux religions et aux sagesses. Entreprise jamais aboutie non pas parce que l’humanité n’est pas la même mais parce que les conditions culturelles de son expression ne sont pas les mêmes.

Ainsi si l’éthique de l’humanité est commune à tous les hommes, elle ne peut s’exprimer que dans les conditions culturelles, multi-culturelles, des communautés humaines. Si les principes sont universels ils ne se réalisent que culturellement et c’est comme cela que toute éthique humaine contingente est aussi de portée universelle.

Quant à la morale on peut suggérer qu’il s’agit des traductions en termes de modes d’exister de l’éthique d’une culture, son Sens du bien commun. Le problème de la morale est non seulement que ses fondements éthiques sont contingents mais que cette contingence s’exprime dans des situations infiniment variées et évolutives. En effet si on se trouve dans une disposition éthique d’accomplissement selon le Sens du bien commun alors celui-ci se traduit par un développement, une évolution, une maturation, des circonstances changeantes et l’infinie diversité des affaires humaines.

De ce fait ce sont toutes les situations qui sont susceptibles de recevoir des indications ou règles morales mais aucune ne peut prétendre à la fixité ou à l’universalité. Les normes morales ont la fonction de servir de guide lorsque le discernement ne le permet pas en conscience. À contrario il faut que l’injonction morale s’appuie sur une confiance dans ceux qui l’édictent et qu’ils soient disposés selon l’éthique de la communauté, son Sens du bien commun. La morale est donc un support éthique en absence de discernement suffisant et en présence d’un tiers de confiance. Il est vrai qu’une chaîne de confiance doit remonter jusqu’au discernement des Sens et qu’elle est constituée des hiérarchies et autorités dites morales.

Il est clair que faute de discernement les abus moraux la détournent de son Sens éthique. C’est le cas notamment des interprétations réductionnistes de la morale et de l’existence et des dogmatismes au sens fixiste du terme. Un autre problème est l’acceptation du principe et des guides moraux. Il faut souligner que ce peut-être le cas de ceux d’une autre culture dont le Sens du bien commun n’est pas le même. Imposer un système éthique et moral n’est pas respectueux de l’altérité, il est donc immoral. Par contre former un ensemble communautaire avec d’autres permet de se doter d’une éthique et d’une morale communes tout en respectant celles de chacune dans leur sphère propre. D’autre part l’histoire d’une communauté culturelle en transforme les conditions existentielles et par suite les normes morales. La fixation sur des formes antérieures ou traditionalisme n’est pas le respect éthique du Sens du bien commun mais sa trahison. De même cette trahison éthique de la morale vient aussi de la négation de son fondement comme avec le relativisme moral ou le «libéralisme moral».

Les piliers de la morale sont donc d’abord l’universalité de l’humanité en chacun selon la singularité de sa personne, la singularité culturelle de chaque communauté avec son Sens du bien commun, les situations et affaires humaines communes. La morale touche à toutes les affaires humaines pour en donner une norme de circonstance y exprimant le Sens du bien commun. Cette norme, on l’a vu, ne vaut que comme indicateur de Sens et non comme injonction de conformité.

Ethique et morale sont des exigences d’humanité dès lors qu’elle sont vouées à son accomplissement dans le respect de ses déterminants existentiels, personnels, relationnels et communautaires notamment. Ce sont des exigences communautaires pour ce qui est de l’éthique du Sens du bien commun. Ce sont des exigences de participation au développement communautaire dont les règles morales ou référentiels de valeurs évoluent en conséquence.

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064 – Le bien commun en question

La référence au bien commun qui vient de mode, entraine des tensions exacerbées entre des postures et positions qui en ont tenu lieu de substitut. En effet la dialectique – individualisme collectivisme – n’a cessé d’opposer deux réïfications (chosifications) : ce qui relèverait du seul bien individuel et ce qui relèverait du seul bien collectif, chacun étant posé comme contingent à l’autre. Toute une série de problèmes issus de postures posées comme d’évidence, réclament d’autres fondements anthropologiques.

Ainsi l’intérêt particulier est-il considéré comme opposé à l’intérêt général ou bien l’un comme subordonné à l’autre. Ainsi sont opposés le public et le privé, l’un étant par exemple sous le contrôle de l’Etat et l’autre se retrouvant soit comme refuge et droit individuel de propriété soit comme tentative d’appropriation individuelle du bien public.

Ainsi la république (Res Publica ou chose publique) est-elle interprétée soit comme l’appropriation par le domaine public du collectif soit comme la co-propriété des affaires collectives par les individus – étatisme ou démocratie.

Ainsi la convergence du bien individuel et du bien collectif est-elle dans la plupart des cas conçue comme l’aliénation de l’un par l’autre avec des «partis pris» qui se constituent en partis politiques prétendant à la défense du bien commun sous les formes variées d’une aliénation de l’homme individuel et collectif.

Il est vrai que les systèmes de pensée ou plutôt les modèles idéologiques avancés cherchent à résoudre dans le cadre de représentations mentales, de modèles formels supposés rationnels, la question qui échappe à ce mode de conscience, celle de la transcendance de l’homme dans la personne et dans les communautés de personnes (Sens et conSensus). De ce fait, ignorant ce qui est le bien de l’homme comme Sens de son accomplissement, Sens transcendant son existence et toute forme de bien existentiel (transcendant ne veut pas dire niant le bien existentiel), ignorant aussi que toute existence est communautaire et que le Sens du bien y est alors commun, ces modèles ne peuvent donner de contenu anthropologique aux termes bien et commun sans construire des antinomies antagonistes. La prétention au bien rate alors le plus souvent le Sens du bien commun et le dessert en y faisant obstacle. Ainsi, individualisme et collectivisme sont, aux travers de leurs différentes variantes, les principaux obstacles à l’émergence d’une conscience du Sens du bien commun et de sa culture selon toutes les formes du développement humain. La référence au bien commun trahit alors le Sens du bien commun.

Examinons ce que l’Humanisme Méthodologique éclaire de ces problèmes.

Bien personnel et bien commun

Le Sens du bien personnel (vocation) ne prend forme, existentiellement parlant, que dans une ou plusieurs communautés. Il y participe ainsi au conSensus et au Sens (partagé) du bien commun. Sur le fond c’est le même Sens mis en conSensus par les personnes et, dans la réalité existentielle, c’est la part prise par l’individu aux réalisations communes inspirées et orientées selon le même Sens. On notera que la personne ne se réduit pas à ce seul Sens ni à cette seule communauté. Dès lors, son bien ne se confond pas avec les seules affaires communautaires.

Il faut souligner ici que dans une communauté donnée le Sens du bien personnel est aussi le Sens du bien commun, il y a dans la communauté d’autres Sens qui ne sont pas celui du bien commun et par suite qui desservent tout bien particulier. Les nuisances publiques, l’intérêt général aligné sur celui de factions poursuivant non le bien commun mais quelque déviance opportuniste sont le lot commun de la vie collective. C’est le fait d’individus déviants tant par rapport à leur bien humain que par rapport au bien humain commun. Ainsi la liberté humaine, de nature humaine permet à la personne de s’engager dans un Sens qui n’est pas d’accomplissement et ainsi de participer, initier, ou suivre un conSensus divergent de celui du bien commun. C’est pour cela que, les positions de Sens,  individuelles impactant le conSensus, chacun est responsable non seulement de son destin mais de celui des autres membres de la communauté. A ce titre le devoir humain d’accomplissement personnel est strictement convergent avec la contribution à la culture du Sens du bien commun et réciproquement. Ce «devoir» est l’exercice d’une liberté à cultiver (liberté de Sens ou spirituelle) en même temps qu’il est respect des modes existentiels communautaires c’est-à-dire le bien commun. Inversement, la communauté signifie son engagement dans son Sens du bien commun au travers de ses modes politiques, économiques, éducatifs et toutes ses affaires communautaires et indique ce qui fera devoir pour qui s’y engage aussi.

Ainsi, la communauté, signifiant le bien commun, signifie les déviances et donc les délinquances en même temps qu’elle se dote des moyens et des dispositions pour éclairer et juger ce qui sert et dessert le Sens du bien commun. Elle manifeste alors son engagement dans des activités comme celle de la police ou de la justice. Il est vrai que si sous ces vocables il n’y a aucun discernement du Sens du bien commun, ou même, engagement dans d’autres Sens alors police et justice desservent à la fois le bien commun et le bien personnel. Les communautés engagées dans le Sens du bien commun se dotent peu à peu des repères, des autorités repères, des institutions orientatrices, des compétences de progression et de développement entendus dans ce Sens, et aussi des modes de gouvernance culturellement significatifs.

Alors qu’est ce que la propriété sous cet angle, dans le Sens du bien commun la propriété est le propre de chaque existant, individu comme groupe, ce «en propre» participe à «l’en propre» de la communauté. Le propre appartient indéfectiblement à celui à qui il est approprié. Pour autant il appartient indéfectiblement à la communauté à qui il est approprié comme tout ce qui concoure au Sens du bien commun. Ainsi ignorant le Sens et le conSensus comme sources de toute réalité et toute propriété on ne peut penser que dans l’exclusion ou dans un arrangement formel. Rappelons cependant qu’il ne peut y avoir de contrat que dans une communauté donnée selon ses règles que l’on peut espérer exprimer le Sens du bien commun. Les modes de co-appartenance individuelle et collective réclament une compréhension symbolique des biens et propriétés (expressions de Sens partagés). Sans les exclure les composantes affectives, matérielles ou utilitaires et formelles ne peuvent seules en rendre compte. C’est pourquoi les régimes basés seulement sur tel ou tel aspect sont, au fond toujours iniques.

Le privé ainsi renvoie au propre mais n’exclue pas le commun. Un bien privé n’est bien qu’en référence aussi au bien commun, propriété commune. Le bien public n’est que la considération communautaire des biens privés, pas leur séparation exclusive. Il en va de même avec les ensembles communautaires. L’opposition privé public comme leur séparation radicale sont une disqualification de l’humanité de l’homme, les systèmes fondés sur leur séparation ou leur antagonisme des anti-humanismes et les partis qui s’y définissent des nuisances publiques et privées.

L’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers n’étant réductibles ni au nombre ni à une force, caractères propres du matérialisme. La prétention à dire l’intérêt général en référence à quelque conditions déclarées universelles n’est que la source des dogmatismes à visée totalitaire, ou leur tentative du moins. Il n’y a de général que du commun et du commun que d’une communauté donnée. Il est certains que les ensembles communautaires amènent à penser la communauté humaine dans son ensemble. Cependant il faudrait y rapporter une racine d’universalité au lieu même de l’humanité que chacun porte en lui-même, qui potentialise son être et que révèle son accomplissement, la visée même de son être. Pour parler au nom de l’universel dans le monde et y fonder une généralité il faut se faire témoin de cette humanité tout en reconnaissant la contingence culturelle communautaire donc de son expression. L’absolutisation du contingent, culturel et communautaire, est totalitaire. En déduire qu’il n’y a pas d’universel ni de principes généraux serait nier l’humanité de l’homme (relativisme) et ses multiples potentiels dont celui du bien s’il est commun. La visée de l’universel implique l’histoire et sa présence en l’homme. Elle récuse toute réification de l’un ou de l’autre tout en permettant heureusement les traductions dans les langages des multiples cultures communautaires. La république ainsi ne peut être universelle sans être totalitaire elle ne peut être que communautaire pour être au service du bien commun exprimant de façon singulière son témoignage de l’universel humain qui cherche à se révéler et donc s’accomplir.

La notion de service public

Sert ce qui contribue au bien commun et donc au bien particulier et réciproquement. Un service public qui ne sert pas le particulier dessert le bien commun. Un service public qui ne sert que le particulier dessert le bien commun. Tout service à une personne engagée dans une communauté de bien (commun) est un service public et tout service public ne peut être rendu que par des personnes particulières visant des particuliers. C’est donc un service particulier. La division service public – service privé est dans tous les cas un clivage de l’humanité, source d’antagonismes dévastateurs. S’il y a des organisations qui concourent au bien commun donc au bien particulier leur finalité en fait toujours un service public. C’est le cas de toute entreprise humaine concourant au bien commun dans une communauté. Un statut particulier ne se justifie que par des raisons culturelles et des modalités spécifiques de développement. Prétendre à un statut de nature universelle fait partie des entreprises totalitaires dont on n’a jamais vu qu’elles servaient ni le bien commun ni le bien particulier tout en affirmant le contraire.

L’Etat

L’Etat est considéré dans nombre de pays comme une institution nécessaire au service de la nation ou communauté. Il est vrai que la maturité d’une communauté passe par une certaine rationalisation des modes de vie et des règles de «l’éco-nomie». Cependant il est des cas où l’Etat domine la nation au nom de la Raison dont il se prétend maître tenant la société civile (la communauté) sous tutelle c’est-à-dire mineure. L’Etat doit être considéré comme l’établissement de règles, de modalités par lesquels la communauté organise son développement ainsi que tout ce qui contribue au bien commun. Cette «organisation» est un mode de gouvernance démocratique faisant appel à des ressources intra ou extra communautaire. Comme on l’a vu on ne peuy dissocier bien commun et bien particulier ni service particulier ou service public. Il n’y a aucune raison pour que les services d’Etat disposent d’un statut ou soient investis d’une vertu spécifique. S’il y a besoin de stabilités, de rationalités, elles sont culturellement et historiquement contingentes, liées au développement et à la vocation, communautaires. Ainsi donner à l’Etat un quelconque pouvoir sur la communauté est une entreprise à visée totalitaire qui place sa Raison (d’Etat) au-dessus de l’humanité des hommes, humanité qu’il ignore. Donner à différentes personnes et organisations particulières une mission de concours au bien commun suppose une gouvernance démocratique antinomique avec certaine conception de l’Etat. On objectera que le capitalisme nécessite une puissance d’Etat pour l’empêcher de nuire mais justifier une nuisance par la lutte contre une autre nuisance n’est qu’un raisonnement nuisible à l’humanité. Le Sens du bien commun, celui d’une communauté de référence et des ensembles communautaires (communautés), à toutes les échelles engage une conception de l’Etat contingente comme celle de la république, au service de la communauté c’est-à-dire de ses membres et pourquoi pas d’autres communautés. L’émergence d’un âge de l’humanité permettra de penser d’autres formes d’organisations communautaires que celle  d’un encadrement par une Raison d’Etat.

La reconnaissance du Sens du bien commun remet en question toutes les formes instituées de la vie communautaire et n’y échappent ni la démocratie, ni le politique, ni l’Etat, ni la loi, ni la justice, ni l’économique et encore moins l’éducation. Ils sont tous à refonder, c’est-à-dire aussi sortir des règlements de comptes idéologiques du passé pour les réinscrire dans l’humanité. L’orgueil des élites occidentales constitue un lourd handicap mais en même temps les bouleversements de la mutation de civilisation les montre souvent impuissantes, cellées dans leurs armures intellectuelles dépassées.

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063 – Le bien commun et son Sens

Voilà une question qui devient des plus cruciale pour le monde qui vient dans une nouvelle phase d’accomplissement de l’humanité. La question du bien de l’homme, inhérente a son humanité et son devenir implique les personnes dans le monde des communautés de personnes. Ce qui semble paradoxal aux individualistes c’est que la liberté radicale de la personne se cherche et s’accomplit dans la dépendance à l’existence communautaire. C’est dans une communauté donnée que l’on peut parler de bien commun. Ce bien commun ne peut être indépendant de toutes les personnes qui forment la communauté, c’est le leur. En même temps chacun est invité à contribuer au bien commun selon le Sens de l’accomplissement commun. Toutes les versions ont été proposées sinon imposées. C’est en effet au nom d’un privilège de puissance et de sentiments, d’habileté et d’utilité, d’intelligence ou de titre que le bien commun dit aussi intérêt général par exemple s’impose a tous, chacun s’y soumettant ou le transgressant.

Les modèles qui ne se réfèrent pas à l’humanité de l’homme et son accomplissement sont des leurres. Faut il en déduire qu’il y aurait un bien commun qui puisse être établi formellement par exemple, une loi universelle et définitive ? « La loi est faite pour l’homme et non l’homme pour la loi » dit l’essentiel sur ce plan.

Rappelons que le Sens et le bien ultime de l’homme transcendent son existence toujours partagée. Aucun bien commun définitif ne peut être posé, seuls des repères, des indicateurs, des moyens intermédiaires peuvent marquer le Sens du bien commun. C’est en effet comme modalité de développement en vue de l’accomplissement de l’humanité commune que des biens communs peuvent être conçus et réalisés. Ce sont des buts intermédiaires, pas des fins en soi, des processus de progression pertinentes pas des règles et procédures définitives. Rien ne peut être fixé en terme de bien commun mais rien n’est arbitraire. Le relativisme voudrait que la relativité des déterminations du bien commun ou particulier les rende tous équivalents par simple convention.

La relativité du bien commun dépend de deux variables : la communauté dont le Sens du bien commun lui est inhérent comme Sens d’accomplissement de son humanité, les conditions et situations singulières formées par les conditions de participation aux conSensus. Quelle communauté, quelle situation ? Sans y répondre ou bien on plaque un modèle incertain hors de son champ communautaire (domination des civilisations sur d’autres) ou bien on normalise le bien en exerçant une pression de normalisation sur les hommes à l’encontre évidemment de leur accomplissement. Tel est par exemple le dogme de l’égalité, supposée égalité de bien.

Le bien commun va donc prendre les figures indicatrices du Sens du bien commun dans tous les domaines en des termes spécifiques, dans toutes les circonstances, évolutives, pour toutes les situations personnelles et collectives. Qu’est ce qui est fixe ou permanent dans la définition d’un bien commun ? Rien d’autre que son Sens, invisible, mais cependant c’est une constance relative à son usage qui peut être celle d’un bien commun. Par exemple un projet, un modèle ad hoc, un but intermédiaire, figurent le bien commun comme horizon toujours provisoire. Existentiellement parlant seul l’horizon de la mort est fixe, l’accomplissement de l’humanité visant, au-delà, une liberté qui transcende déjà cette existence. C’est bien la difficulté de qualifier le bien commun vite fixé comme universel, alors qu’il n’est qu’un signe indicateur, provisoire. Par exemple le  » libéralisme spirituel » d’un Ferdinand Buisson reste impensé pour tous ceux dont la pensée ne dépasse pas les représentations mentales. Sa normativité ne leur est envisageable que comme dogme ce qui fait contre Sens eu égard au Sens du bien humain.

De même la réduction de toute autre communauté à la sienne, posée comme universelle, est une aliénation des autres et de sa propre communauté au nom de l’universel. L’universel pour l’homme est son humanité en chacun et nulle part ailleurs hormis le monde de la communauté de tous les hommes, pensable uniquement au seuil d’un accomplissement généralisé de l’humanité.

S’il y a des constances entre les communautés elles sont dues aux caractéristiques de l’humanité et en particulier le possible accomplissement pour toutes les problématiques humaines, les structures et composantes de l’expérience première – pas leur contenu.  Les différents plans de l’existence et les modes de conscience associés. Les structures existentielles font partie de ces constances aux contenus singuliers.

Pour passer des fondements humains du Sens du bien commun à ses réalités communes, nous allons en examiner quelques aspects.

Le Sens du bien commun de l’économie.

Production et échanges de biens et services voilà une définition dont les termes se réfèrent au bien humain et à ce qui le sert. On devine que si ce n’était pas le cas, ce qui est produit n’aurait aucune valeur. Nous aurons à approfondir plus tard cette notion de valeur. L’activité humaine, si elle est vue comme contribuant au bien de l’homme, s’inscrit donc forcément dans une réalité existentielle, un monde commun, celui d’une communauté donnée. Il n’y a d’économie que communautaire dès lors qu’elle sert le Sens du bien commun.  Alors les biens et services et tout ce qui permet de les réaliser relève d’un bien commun. Angélisme dira-t-on. Mais si ce n’est pas le cas alors ce n’est pas le développement humain ni son accomplissement qui est visé. Le dénigrement de l’économique rate ce qui est bien commun en négativant l’humanité sous prétexte de tel ou tel défaut. S’il s’agit de satisfaire complaisamment aux défaillances humaines des uns ou des autres alors ce n’est pas une économie communautaire mais une exploitation des faiblesses humaines et on ne voit pas pourquoi on s’efforcerait d’en faire une science pour mieux la gérer. Ainsi le système parasitaire qui est considéré comme économie fait fi des règles du bien commun c’est à dire vouées à l’accomplissement humain et de la maison commune qui est le lieu du devenir communautaire. Malheureusement les problèmes économiques habituellement désignés ignorent l’économie véritable ignorant les communautés qui le justifient et le développent selon leur vocation propre. Le Sens du bien commun de l’économie réclame d’abord de considérer la communauté de bien sans laquelle pas de bien commun. Il repose aussi sur des complexités liées aux ensembles communautaires mais c’est sans rapport avec les simplistes savants de l’universalisme totalitaire et bien pensant. Notons que l’économie communautaire, si elle mobilise des groupes humains, investi les personnes dans une logique de concourance.

Le Sens du bien commun de l’éducation

Le Sens de l’éducation est l’accomplissement des hommes dans le contexte de leurs communautés d’existence pour participer à la progression commune selon le Sens du bien commun. De ce fait l’éducation concerne tous les hommes selon leur âge ou leur degré de maturité humaine, les enfants aussi. L’éducation à ce titre développe progressivement l’autonomisation des personnes mais dans les contextes de leur existence et selon leurs communautés de vie et d’implication. L’éducation selon le Sens du bien commun se réfère à des biens communs relatifs à la communauté en jeu. Habitudes, habiletés, règles de politesses réciproques, langages communs, rituels de maîtrise des moments forts dépassant le contrôle par les individus eux-mêmes, règles de vie, contrats toujours culturels, statuts sociaux, modes de vie en commun, connaissances, idées, histoires. On peut y ajouter les méthodes pédagogiques, les organisations, les rôles et professions dédiées… Tous ces « biens communs » sont des expressions circonstanciées donc évolutives du Sens du bien commun propre à la communauté. Tel qui a appris à parler dans une langue devra recommencer dans une autre communauté linguistique.

Nous retrouvons l’inanité d’une prétention universaliste des biens communs dès lors qu’ils ignorent et méprisent les singularités communautaires et s’ils ignorent sinon méprisent le Sens de l’accomplissement humain qui justifie et construit toute démarche éducative. Il est vrai que le projet et les pratiques éducatives dépendent du niveau de développement et de maturité de la communauté et en conséquence de ceux qui s’y engagent.

 Le Sens du bien commun du politique

Dans les milieux archaïques on pense que le politique n’est affaire que de pouvoir et de combats, les intellectualistes prétendant faire science de ce qui est pulsions. Dans des milieux intelligents on pose la Raison comme devant gouverner les affaires humaines par des procédés et procédures rationnelles exécutées par des maîtres de la Raison. Dans des milieux qui se nourrissent d’évidences rationalisées, les lois de la nature doivent gouverner les affaires humaines sinon à verser dans un procès de contre nature. Les différentes variantes des conceptions du politique se justifient pas la nécessité d’agir pour le bien, celui-ci restant sous le décret de certitudes opportunistes. Mais si on se réfère au bien de l’homme comme chemin d’accomplissement alors le politique c’est la recherche, la détermination et le partage du Sens du bien commun dans les affaires de la communauté et de ce qui y concoure. Discerner le Sens du bien commun d’abord, le traduire en projets, en modalités de développement, cultiver le conSensus entre les membres de la communauté, orchestrer les concourances, délibérer des modes et consistances du bien commun dans toutes les affaires d’intérêt communautaire, réguler le conSensus et les affaires de police et de justice…

La nouveauté c’est qu’il n’y a pas d’autre lieu ni d’autre ligne que le Sens du bien commun de la communauté. Telle est la nouvelle conception d’une démocratie humaine donc communautaire et engagée dans le seul Sens du bien commun, contrairement aux errances formelles ou incantatoires dominantes.

Les Religions

On ne peut traiter du Sens du bien humain sans envisager les religions dont c’est la raison d’être qui concerne des milliards d’humains. Sont concernés aussi ceux qui tentent de faire du déni de religion le Sens même du bien humain. Régis Debray, spécialiste des religions, rapproche aussi les communautés et les religions comme inhérentes à la condition humaine. Il s’interroge sans succès sur le Sens, celui du bien commun notamment, en le cherchant sur terre ou dans le ciel et non en l’homme qu’il constitue.

Si en effet le Sens du bien commun est en l’homme c’est dans les communautés de conSensus et leurs réalités que se situent les conditions existentielles de la culture du bien commun. C’est dans un au-delà du Sens que vise tout Sens soit pour s’y perdre et s’ignorer soit pour se révéler comme principe d’humanité. On peut donc dire que le champ du religieux est aussi celui de la poursuite du Sens du bien commun si son lieu propre est reconnu comme le coeur de l’homme.

Ainsi tel ministre faisant référence à Ferdinand Buisson promouvant le libéralisme spirituel (un autre nom possible de la liberté de Sens ou d’esprit, visée de l’accomplissement humain et du Sens du bien commun) en fait « une religion pour la République ». Mais qu’est ce que cette « chose publique » qui est faite principe emblématique du bien commun ?  Ce pourrait être compris comme le Sens du bien, communautaire. Le déni de communauté comme le déni de religion en font un totem magique ou un sceptre de toute puissance.

 

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062 – L’accomplissement de l’humanité

Accomplir c’est mener à son terme ce qui est engagé, projeté dès l’origine. C’est à la fois la finalité et le chemin, la réalisation d’un potentiel comme d’une intention d’aboutir dont on porte l’aspiration et les conditions. Mais le terme, s’il est l’arrivée, la terminaison d’un chemin d’accomplissement est aussi un point de départ pour ce qui vient après mais ne s’inscrit plus dans l’histoire de cet accomplissement. L’accomplissement suppose qu’au commencement il y a un non encore accompli qui est appelé à s’engager dans cette voie. Mais celle-ci peut aussi ne pas être engagée, elle peut avorter, elle peut dévier de son enjeu. On comprend alors que des conditions la favorisent ou non, qu’elle dépend aussi de l’appropriation d’une maîtrise progressive de son engagement.

Mais il s’agit de l’humanité. Elle a été ici située en deux lieux, le coeur de chaque homme en son Instance spirituelle, et aussi du monde humain dont la communauté de tous les hommes fait l’histoire. C’est comme cela que l’on peut parler d’accomplissement personnel comme de l’humanité en soi et d’accomplissement communautaire jusqu’à l’humanité entière au travers de chaque monde communautaire et même de chaque chose comme re-présentation, expérience d’une part d’humanité.

Si chaque homme, chaque individu, chaque personne porte en soi ou plutôt est porté par l’humanité, son humanité, il n’en est pas maître, il ne la connait, ni ne peut l’investir de son propre chef, n’en ayant aucune conscience. C’est pour cela qu’une « révélation » de son humanité à lui-même, à elle-même, est une caractéristique de son accomplissement.

Mais la révélation de l’humanité en chacun qui s’accomplit est aussi la révélation de l’humanité entière, pour chacun et en tous et ainsi la révélation de l’humanité du monde, de l’humanité des choses, de l’humanité de chaque existence, de l’humanité au coeur de chaque culture, de chaque communauté, de chaque construction, de chaque entreprise, de chaque modalité de l’accomplissement humain et même de tout ce qui éloigne de l’humanité et qui est néanmoins expression de l’humanité. Les anti humanismes sont des manifestations d’humanité que sa révélation ne masque pas, n’ignore pas (comme le ferait un angélisme) en même temps qu’ils s’en sont privés.

Rappelons ici que l’humanité en nous est Sens, ensemble de Sens (Cohérences), ensemble de Cohérences ou problématiques d’humanité. En effet pour chaque Cohérences ou ensemble de Sens l’enjeu est de se trouver engagé dans le Sens de l’accomplissement, en cultivant le discernement des Sens, la détermination de l’engagement, les compétences d’humanité de cet engagement qu’exprime notamment une vocation. Rappelons aussi que toute notre existence et celle du monde et des choses naissent des conSensus ou partage d’humanité, plus précisément partage de Cohérences. C’est dans le contexte de nos existences partagées que se jouent les enjeux de la vie dont ceux de l’accomplissement humain qui prend les figures du développement des manifestations de notre humanité. C’est bien dans le champ de cette existence, fait de conSensus, que nous situons les modalités de notre accomplissement donc toujours inscrites dans les communautés auxquelles nous participons et le monde qui est le leur a chaque fois. Pensées, affects, implications corporelles n’ont d’autre champ d’existence que ces mondes communautaires ou se jouent les vocations culturelles. Mais c’est notre humanité que nous sommes qui vit cela et qui s’accomplit au travers de cela. L’accomplissement de l’humanité trouve sa source et sa fin en elle-même, en nous-même, mais ses modalités sont celles de nos existences personnelles et communautaires.

Envisageons l’accomplissement de l’humanité sous trois aspects

L’accomplissement comme réalisation progressive de l’humanité ou civilisation humaine

L’histoire de l’humanité est cette lecture qui rend compte d’une évolution dans le Sens de son accomplissement. Peut-il y avoir une autre histoire ? Non parce que ce n’est plus une histoire. Décrire un fonctionnement ou des transformations ou même des événements purement ponctuels ce n’est pas une histoire au sens humain du terme. Pour autant l’histoire de l’accomplissement humain n’est pas sans vicissitudes, sans impasses, déviations répétitions, fonctionnements et dysfonctionnements. En fait tout se joue et se rejoue pour tous les hommes pour toutes les communautés, avec ses régressions et ses progressions, avec aussi ses étapes de civilisation et ses crises de passage. L’accomplissement de l’humanité passe notamment par quatre phases de maturité.

L’émergence d’une conscience existentielle sous le régime des affects vient en premier où l’archaïque pose les arches de la structuration future de la personnalité des personnes et des communautés vécues comme tribus avec leur régime clanique. Le soi et le non soi sont en gestation et l’humanité ne se connait que comme lieu de ces dilemmes d’inclusions reconfortantes et d’exclusions angoissantes mais les deux en contradiction : fusion déniant l’un donc le soi, exclusion ouvrant à la liberté d’être soi. Tout cela va sans réflexion à ce stade et beaucoup y cherchent les justifications de leur être-soi. Combien d’idéologies archaïques, manichéennes s’y justifient déniant ainsi tout accomplissement humain au nom d’une humanité réduite à ses pathos?

L’accomplissement de l’humanité, prenant acte de la multiplicité des hommes, de leur existence dans un monde dont ils ignorent être les co-créateur, s’engage dans une maîtrise des interactions, des utilités existentielles. Un progrès technique, organisateur, déploie une civilisation du faire où les hommes découvrent leurs habiletés particulières et perfectibles dont ils se font démonstration. L’histoire de la civilisation humaine se tisse de la trame de ses réalisations extra-ordinaires en comparaison de l’impotence relative des non humains en la matière. L’humanité se réjoui de ses manifestations d’être humain. Cependant les bouffées d’archaïsme viennent souvent pour « pathologiser » les comportement ou pour tenter des régressions fusionnelles, à la fois rassurantes et déniant l’être d’humanité. D’ailleurs ces régressions se justifient de comportements non humains naturels, matriciels. En même temps se combattent les comportements passionnels, les puissances séduisantes et meurtrières. Confusion de l’être et de l’avoir dit-on sans plus de discernement. La civilisation factuelle, celle du faire, heureusement, engage dans la gratification de la réalisation de l’humanité, factuelle certes mais signifiant quelqu’au-delà du faire et du corps. L’accomplissement réalise l’humanité et signale quelque transcendance qui l’interpelle.

L’accomplissement découvre et développe la capacité mentale de représentations et avec l’âge de raison la capacité de lire et d’écrire un ordre rationnel dans les affaires humaines. Des lors des individus, non plus réduits à leur fonction ni leur utilité pas plus qu’à leurs pulsions, se trouvent libres de penser découvrant qu’il y a de l’être humain en eux, qu’ils partagent une même humanité qu’ils détiennent chacun en propre. Ils découvrent que cette humanité se partage dans les mêmes représentations, langages, idées, sciences, règles en même temps que chacun se distingue par ses propriétés d’être humain en propre. La difficulté est alors de penser simultanément le caractère unique de chaque individu en même temps que l’universalité des représentations dont il se sent capable et s’enorgueillit. Les utilités et les pulsions viennent jeter le trouble dans les tentatives d’être par simple abstraction et l’on voit des hommes avancés se conduire comme peu civilisés. Ce progrès de l’accomplissement humain et cette civilisation des représentations souffre à penser son humanité la cherchant dans ses représentations et perdant pied lorsqu’il s’agit de répondre à des interpellations de manque à être humain.

L’accomplissement s’engage ensuite dans la grande affaire de la révélation de l’humanité. Pour cela il doit reconnaître l’excellence extra-ordinaire des réalisations humaines et la vanité du savoir quant à leur source. Alors l’humanité se révèle comme cette transcendance en soi qui par conSensus, construit la réalité réalisée, réalité témoin des processus selon lesquels le « phénomène humain » se produit, réalité symbolique de ce qui en est la source, le Sens en conSensus, l’humanité comme Sens en chacun, l’humanité se réalisant par conSensus, c’est-à-dire partage d’humanité. À ce stade c’est à la fois l’humanité qui se révèle dans sa transcendance par rapport à l’existence, celle des civilisations antérieures et à la fois dans ce qui constitue le monde de nos existences et les transcende, nos conSensus d’humanité. Michel Serres souvent cité ici parle d’hominescence, ce qui reste incompréhensible pour qui en reste aux phases de maturité antérieures. Nous parlons de maturescence pour signifier ce passage à une maturité proprement humaine , c’est a dire fondée en humanité. Ainsi à ce stade se révèle l’humanité en soi et l’humanité du monde où nous existons et qui est la notre partagée.

L’accomplissement comme maîtrise humaine progressive des affaires humaines

C’est bien ce qui se produit au travers des phases de civilisation dans lesquelles nous sommes plongés et qui nous confère un niveau de maîtrise différent. C’est seulement la dernière étape qui touche à l’humanité elle-même et pas seulement ses propriétés et manifestations découvertes peu à peu.

Ainsi tous les affects sont maintenant reconnus comme l’éprouvé des conSensus, selon les Sens engagés. Les choses et les corps sont l’incarnation des conSensus et toute transformation, toute action, toute utilité, sont des jeux de Sens en conSensus. Les idées et les formes, les modèles et les règles sont l’expression, la médiation des Sens et conSensus. Les problèmes et les affaires de l’existence sont tous des jeux de Sens et de conSensus, d’humanité donc. Mais on voit là que ces jeux de Sens et conSensus s’expriment simultanément selon les trois plans dont aucun n’est la cause de l’autre. Ils ne sont que les réalisations des Sens et les consciences existentielles en constituent la consistance et forment des repères pour l’accomplissement humain.

Ainsi c’est au travers des aveuglements existentiels que l’on appelle consciences, que se manifeste l’humanité de l’homme et grâce à elles qu’elle peut en venir à se révéler comme leur source.

L’accomplissement de l’homme passe par le discernement des Sens qui sous tendent toute conscience, toute réalité. Il passe par l’engagement dans leur progression non comme une fin en soi mais un moyen terme pour accéder au discernement mais aussi à ce qui en découle. Ce qui en découle c’est la détermination du Sens du bien en chaque situation, celui qui permet de progresser dans ce discernement et cette détermination du « bon » Sens en chaque chose, en chaque situation, en chaque expérience, en chaque projet, en chaque existence. Ce qui en découle c’est enfin la possibilité ultime d’agir en conscience sur les conSensus c’est-à-dire les fondements même des réalités communes de toutes choses. Des lors c’est une nouvelle maîtrise proprement humaine qui se présente et qui s’exerce dans toutes les situations de l’existence et donc toutes les affaires humaines. Reste que ces conSensus dépendent des autres par définition.

Il faut souligner à ce stade deux choses. La première c’est que ce type de maîtrise ne procède pas par tout ou rien et l’accomplissement réclame sa généralisation progressive, toute une tranche de l’existence mature, de civilisation de l’humanité. La crise des croyances antérieures inaugure ce temps nouveau celui de la civilisation de l’humanité. La seconde alerte est celle qui rappelle que l’existence est toujours le fait de conSensus, communautaire donc. C’est le Sens du bien commun qui a chaque cas est celui que recherche et discerne l’accomplissement. Celui-ci est donc toujours communautaire dans ses modalités même s’il n’a qu’un seul siège, l’humanité de chacun en lui-même. L’accomplissement personnel passe par les autres et par l’engagement communautaire, l’agapé diraient certaines traditions.

Dans cette étape de l’accomplissement humain qui se révèlent culture de notre humanité source de nos existences commune la maîtrise progressive relève d’un au-delà de nos modes de conscience antérieurs, l’intelligence symbolique. Ce sera l’objet de la troisième partie de ces leçons.

L’accomplissement comme divinisation ou prise de possession de notre Etre.

L’être humain que nous sommes ne l’est que potentiellement tant que son accomplissement ne nous en confère la pleine possession. Devenir être est donc la fin et la voie de l’accomplissement. En deça le chemin ne connait pas sa fin et cherche sa voie en cheminant. En deça les conSensus qui nous font exister sont hors de notre conscience et de toute maitrise personnelle, mais c’est cela la condition humaine. Tout ce passe comme si cette histoire de l’accomplissement humain nous amenait non pas à une terminaison hors celle de la quête, mais à un commencement. Ce commencement c’est celui de l’être humain accompli.

S’il n’est pas l’oeuvre de lui-même il en reçoit la jouissance et cette jouisssance c’est la liberté de Sens et de conSensus donc, en conséquence, d’existences. Il faut donc se défaire de l’identification de l’humanité à sa seule existence pour que toute existence soit de sa liberté. Mort au monde, mort de l’existence et naissance à l’être en est un scénario connu. L’accomplissement de l’humanité c’est cette divinisation là. Etre humain c’est être destiné à se reconnaitre co-créateur du monde et de nos existences, pas de notre être, reçu pour devenir libre existentiellement parlant c’est-à-dire pleinement homme, accompli. Tout cela a déjà été dit comme « révélation » de l’humanité de l’homme mais tout cela a été compris soit comme auto création de l’humanité par elle-même soit comme révélation négative, de ce que n’est pas l’humanité : auto créateur ou simple effet contingent de causes existentielles, c’est à dire celle d’un Dieu.

Or si l’homme n’est pas créé de lui-même et si les déterminations de son existence, fait de conSensus lui échappent, c’est ce qui lui est donné à vivre et qui lui permet cet accomplissement : cette révélation de son humanité à laquelle est donné le monde pour sa liberté d’être humain.

Ainsi la ternarité de son existence et ses composantes (affects, faits et représentations mentales) sont comme un livre où sont écrites les structures de ce qui fait le monde et sa propre existence, livre par lequel c’est la révélation de son humanité même qui est en jeu. Pour cela il faut apprendre à lire ce monde avant de l’écrire comme co-auteur. C’est là l’histoire de l’accomplissement humain, c’est là ce que l’intelligence symbolique vise à exercer, la liberté d’être humain en voie d’accomplissement.

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061 – Vocations humaines

Le but de l’existence humaine n’est pas simplement d’exister mais d’accomplir son humanité. Cet accomplissement, on le verra plus précisément, consiste à trouver la voie par laquelle peut s’effectuer le développement d’une maturité humaine faite de consciences progressives. Au travers des âges elle amène à cette conscience de Sens, conscience d’être-Sens qui confère connaissance, liberté et maîtrise de soi et de sa participation responsable à l’existence commune. Tous ces termes auront à être précisés surtout dans un monde où les poncifs prennent la place de la pensée. Ainsi toute existence humaine individuelle et communautaire est dotée d’une vocation qui est sa voie propre d’accomplissement. On pourra alors considérer la vocation personnelle de chacun, la vocation de tout groupe ou entreprise humaine, institution, organisation, association, la vocation de toute communauté humaine locale, régionale nationale, internationale, ainsi que toutes les communautés de tous ordres et de toutes tailles.

Il nous faut cadrer le fondement théorique de la notion de vocation avant d’aborder les différents types de vocations telles qu’évoquées ci-dessus ainsi que leurs rapports.

Chaque personne ou chaque communauté repose sur un conSensus principal, ensemble des Sens qui forme une « Cohérence » ou problématique humaine. Parmi ces Sens il en est un qui est tel que si on s’y trouve orienté alors l’accomplissement et les développements qui y mènent sont engagés. On sait le paradoxe du fait que la conscience des Sens en est l’aboutissement alors que cette orientation de Sens en est la condition. C’est pour cela que nous avons besoin des autres et particulièrement de ceux, disposés dans leur vocation qui nous en donnent des repères. Personnages repères, indicateurs existentiels, valeurs communes, et toutes les fonctions de responsabilité humaine, proprement humaine, ont cette fonction tout en s’appuyant eux-mêmes sur d’autres repères.

Une vocation est caractérisée par :

  • Une problématique humaine « reçue en héritage » qui sous-tend les conSensus porteurs de situations « homologues » et de communautés constituées sur ce conSensus.
  • Un Sens privilégié de cette problématique, Sens de sa « résolution » par le développement et l’accomplissement humain
  • Un ensemble de dispositions existentielles propres à la résolution et la maîtrise de cette problématique qui vont faire des talents et qualités humaines spécifiques.
  • Des vicissitudes et situations existentielles auxquelles cette vocation se confronte en lui conférant simultanément un rôle de repère responsable vis-à-vis des autres concernés par la problématique et un développement de ses propres qualités et capacités humaines.

Il faut bien noter qu’une vocation est déterminée dans son Sens par la problématique héritée mais dans ses formes par les conditions existentielles en fonction du chemin engagé,ses épreuves, ses errances et ses progressions de maturité. Elle n’est donc pas figée, préformatée, mais orientée par définition, depuis l’héritage reçu, si tant est que cette voie soit empruntée. On notera aussi que la conscience de cette vocation et de son Sens en sont l’aboutissement progressif et non un préalable. Le problème de la vocation se pose pendant toute l’existence mais ne se résoud que progressivement.

 

Vocation personnelle

La problématique principale, parmi toutes les problématiques d’humanité portées en soi, est héritée de ce qui a présidé à une conception, parentale en général, elle même prise dans une situation d’humanité (conSensus spécifique) puis surdéterminée dans la situation existentielle des premiers âges, archaïque prénatale, primaire dans l’enfance et au-delà le cas échéant. Chacun est ainsi héritier de telle problématique humaine, de ses problèmes et de ses potentiels de développement existentiel et d’accomplissement humain. Chaque homme est unique mais les problématiques partagées conduiront à des vocations qui peuvent être similaires (homologues) bien que les conditions en soient probablement très différentes. A l’inverse des conditions apparemment semblables avec des problématiques différentes conduiront à des vocations très différentes.

On notera le regard récent sur ce qu’on appelle résilience. Des vocations exceptionnelles sont possibles à partir de problèmes existentiels antérieurs très durs. C’est là la condition humaine générale que les problèmes existentiels soient visibles ou non, manifestes ou non, partagés collectivement ou non, qu’ils touchent ou non les affects, le corps, les facultés mentales. Quelque soient ces conditions existentielles issues du partage de cette problématique (conSensus), le potentiel d’accomplissement humain et la vocation personnelle persistent. Même handicapés existentiellement, le rôle et la posture humaine (Sens) restent possibles, sans même parler de ce qui reste d’influence après la fin de la vie.

Sinon la vocation personnelle se déploie dans toutes les circonstances selon les chemins de l’éducation et du développement personnel, la participation à la vie communautaire de différentes communautés traversées ou habitées, les rôles professionnels et les responsabilités assumées. On remarquera qu’il y en a qui occupent de grandes parties de la vie et d’autres  rebondissent de formes en formes tout en cultivant le même Sens.

Peut-on reconnaitre une vocation et comment ? Peut-on en discerner le Sens dans une problématique humaine? Peut-on en faire projet en la projetant dans l’avenir ? Peut-on en reconnaitre les traces déjà marquées ? On ne pourra répondre à ces questions que dans la troisième partie de ces leçons ayant abordé le volet de l’action humaine de l’Humanisme Méthodologique après cette partie consacrée aux critères et repères du bien humain.

 

Vocations culturelles

La vocation d’une communauté est la culture du Sens du bien commun qui est le sien. On y reconnait le Sens du développement communautaire et de l’accomplissement à partir de la problématique qui forme son conSensus. La culture de la communauté y trouve sa raison d’être et ses valeurs. Elle y trouve aussi ses qualités, ses talents, ses capacités cultivées à l’épreuve de la problématique et des problèmes rencontrés en conséquence. Cette vocation communautaire s’exprime au travers de tous les aspects de l’existence collective : économie, éducation, réalisations, modes de gouvernance. Elle contribue au développement et l’accomplissement de ses membres mais aussi elle participe au développement et à la vocation des communautés auxquelles elle participe. Toutes ses activités peuvent être projetées selon ces critères et ces enjeux en en faisant aussi une attractivité pour d’autres personnes et communautés pour en partager les valeurs. Le développement communautaire comme l’économie communautaire sont ainsi engagés par la vocation culturelle et ses valeurs autant dans ce qui la constitue que dans ce à quoi elle participe avec d’autres communautés selon la théorie des ensembles culturels et des vocations propres. On voit bien comment les vocations personnelles différentes concourent à un vocation communautaire et comment celle-ci concoure à qualifier et construire ces vocations personnelles.

Il faut remarquer que c’est en tant que participant au conSensus communautaire que les problématiques d’humanité semblables sont rassemblées et que les vocations convergent dans le Sens du bien commun. Il faut aussi remarquer que les personnes sont porteuses de plusieurs problématiques capables de plusieurs conSensus et donc porteuses de plusieurs vocations circonstanciées. Participant à une communauté les personnes se retrouvent aussi dans d’autres communautés la constituant ou tout à fait étrangères. C’est ainsi que les vocations ne se déterminent que dans les communautés culturelles auxquelles elles participent, par affinité on le comprend ou par héritage ou encore les deux. Tel ou tel va rejoindre telle ou telle communauté pour y accomplir sa vocation, principale ou non. Il en va de même pour chaque communauté vis-à-vis d’ensembles culturels auxquels elle participe à la vocation par la sienne propre.

Ainsi la France dispose d’une vocation culturelle à laquelle participent toutes ses communautés culturelles par leurs vocations propres, régions, villes etc. Elle participe elle-même à la vocation culturelle de l’Europe et des autres ensembles communautaires auxquels elle contribue à la vocation. De même la vocation de telle ville est impliquée dans celle des ensembles auxquels elle participe et se trouve construite par la vocation de ses quartiers, de toutes les communautés qui la composent et de toutes les personnes qui s’y trouvent investies.

Ces vocations culturelles peuvent être élucidées (analyses de Cohérences culturelles) en même temps que le Sens du bien commun et que les valeurs qui en sont indicatrices, permettant ainsi de déterminer l’axe et la cohérence de leur développement dans tous les domaines concernés.

 

Vocations des organisations et entreprises humaines collectives.

Toutes les organisations, structures, associations, activités collectives, institutions sont des entreprises humaines dès lors qu’elles poursuivent un but quelconque. En tant que telles elles sont constituées d’une communauté engagée et exercent dans une communauté ou même plusieurs. Les ensembles communautaires complexes sont aussi des entreprises humaines dont on peut considérer à chaque fois la vocation et les jeux de concourance des vocations entre elles.

La vocation d’une entreprise est caractérisée par les biens et services qu’elle procure, servant ainsi le Sens du bien commun d’une communauté principale par exemple et donc sa vocation. Le lien entre vocations personnelles, vocations culturelles communautaires et vocations d’entreprises est un lien de concourance chacune concourant aux autres.

Les entreprises humaines – mais y en a-t-il d’autres – ne valent que par ces engagements de concourance des vocations que ce soient entreprises personnelles, collectives ou aussi les communautés où elles agissent. Il est clair que leur statut ne détermine pas leur vocation mais peut l’identifier et ainsi caractériser leur vocation et leur activité. Ce n’est pas le statut qui confère la vocation mais la vocation qui confère le statut selon les conditions culturelles de leur exercice.

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060 – Le temps des communautés

Le temps des communautés de Sens

Dans un cercle idéologique relativement étroit la notion de communauté est assimilée à l’archaïque, lieu de pulsions et de passions forcément anti-humanistes. Or les communautés humaines sont le lieu même de la condition humaine. Seulement pour comprendre cela il faut à la fois accéder au Sens au coeur de l’homme, le lieu spirituel de son humanité même et à la fois reconnaitre que toute réalité humaine naît du conSensus c’est-à-dire ce qui noue aussi l’existence des communautés humaines. Le troisième stade de développement humain découvre que l’existence humaine et toutes les réalités de son monde sont de nature humaine, fondées dans sa dimension spirituelle par la médiation des communautés de Sens. Le développement tertiaire, peu connu jusqu’ici, s’ouvre sur un nouveau type de conscience, conscience des Sens, des conSensus et de l’humanité du monde. Sa caractéristique est de découvrir que le monde humain est communautaire, multi-communautaire, que nos existences individuelles sont toujours inscrites dans des communautés dont nous dépendons, que la conscience des Sens, fondateurs des conSensus communautaires, nous confère une liberté de choix de Sens et donc de pensée et d’action dans le champ communautaire dont nous dépendons.

Le temps des communautés est celui de l’autonomisation responsable. Autonomisation comme chemin et comme culture, responsable car participant sur le fond et librement à l’existence communautaire et donc notre propre existence comme celle des autres et des réalités communes. C’est le Sens du bien commun de toute communauté de viser l’autonomie responsable de tous au travers des étapes de développement et à propos des affaires communautaires. Le développement communautaire est à la fois celui de la co-existence de tous et celui de l’accomplissement de chacun dans sa participation à l’existence commune. Fin en vue de l’individualisme du libre arbitraire souverain face à l’universel, fin en vue du conditionnement total de l’universel sur l’individuel, même par la médiation des pouvoirs et structures qui les imposent aux hommes mineurs. Il faut pour cela que la relativité humaine de l’existence des choses soit à la fois liée à la personne et aux communautés. Le relativisme le voudrait arbitraire, la relativité engage la responsabilité par la liberté.

Le monde des communautés de Sens

Le monde des choses nous est accessible par les sens et nous environne alors que nous y sommes plongés. Le monde des idées nous est accessible par l’imagination et ses structurations ordonnées ou rationnelles. Il va bien au-delà de nos sens sans pour autant être dénué d’affects et d’expériences factuelles. Une carte de géographie représente un monde que nous imaginons sans le voir mais la carte est imprimée comme une chose que nous voyons. Quelques fois nous ne distinguons plus le factuel de l’idéel et le monde des idées nous semble factuel comme si le faire était une capacité des idées. La carte pour certains est devenue territoire. Ce monde des idées est une réalité mentale et une fiction factuelle même si elles se rapportent à des choses. Par exemple un Etat, entité juridique, n’est pas un territoire physique mais un territoire mental dans lequel des espaces physiques locaux sont inscrits. Le monde des idées est ce monde de formes et de structures produites par la pensée et l’imagination humaine comme représentations des choses quelques fois mais aussi comme représentations de représentations très souvent. Le monde des communautés de Sens est un tissu de relations humaines rassemblées par groupes et ensembles communautaires. Nos existences et nos mondes pluriels sont comme la manifestation de ces communautés d’êtres de Sens et leurs conSensus pour former ces collectifs, ces individus, ces mondes de choses et d’idées, empreints d’affects.

Le monde des communautés est un monde humain, de nature humaine, un phénomène humain. Il est réalisation de l’humanité et par ce biais révélateur de l’humanité en chacun et en tous. C’est cela la nouveauté révélée, que les affects, les faits, les idées sont réalisations humaines et de ce fait révélatrices de ce qu’est l’humanité au-delà de ses manifestations existentielles. Le monde des communautés de Sens est comme le chantier de cette révélation passant par les réalisations qui en permettent l’accès. Toutes les activités humaines sont activités personnelles et communautaires et en cela témoignent de l’humanité qui s’y réalise, médiatrices de l’accès au Sens et conSensus donc à la liberté et aux maitrises associées. Si cette liberté est celle des personnes dans leur participation aux conSensus, donc à des communautés, elle est conditionnée par le Sens dans lequel elles sont engagées qui ne peut être autre que le Sens du bien commun propre à chacune. Dès lors le développement personnel au travers de l’activité communautaire et le développement communautaire au travers du service des personnes sont intimement corrélés. Du coup sont remis en question l’indépendance du développement personnel par rapport aux communautés d’existence et l’indépendance du développement communautaire de celui de ceux qui constituent la communauté. Ni individualisme méthodologique ni holisme méthodologique ne sont valides. C’est là que prend véritablement place un Humanisme Méthodologique.

Le panorama du monde des communautés de Sens doit être complété par le fait que toute chose, toute activité, toutes les affaires humaines sont situées, c’est-à-dire réalisées dans une communauté de Sens, dépendants d’une situation à laquelle elles participent. Ces réalités sont l’expression d’un conSensus communautaire dont les Sens résident au coeur des hommes qui y participent. L’intelligence symbolique ou intelligence des Sens sera mobilisée pour élucider les conSensus , choisir le Sens du bien commun plutôt que tout autre et déployer les réalisations affectives, factuelles et mentales et en définitive, communautaires, médiatrices d’humanité. Ces réalisations humaines communautaires sont dites virtuelles car porteuses des virtualités humaines les réalisant pour les révéler.

Enfin si le monde des communautés est tributaire des dimensions affectives, factuelles et idéelles qui le constituent, aucune n’y est cause mais seulement expérience humaine communautaire. Ce sont les réductionismes qui freinent cette conscience nouvelle qui embrasse toutes réalités comme expression d’une humanité qui se donne à être révélée. Tel est l’enjeu de l’accomplissement humain, tel est le programme du développement personnel et communautaire au travers de celui des projets et entreprises humaines.

Le développement personnel

Après le développement primaire avec son guidage affectif et la maitrise d’habiletés pratiques, est venu le développement secondaire avec le développement des idées comme les savoirs et autres représentations, avec une certaine maitrise par la raison. Vient ensuite le développement communautaire où l’implication dans la communauté et le monde commun, est déterminante comme espace de réalisation et de révélation. Ce qui a progressé c’est le champ de conscience et de réalisations, assorti d’une certaine maîtrise, fruits d’un travail éducatif et de l’expérience de conscience. Maintenant c’est sur le Sens que porte la nouvelle conscience et c’est donc un enjeu de développement que de cultiver le discernement des Sens, en conSensus au coeur de toutes choses, communautairement située. Mais pour cela il faut aussi participer aux réalisations communautaires au travers des affaires humaines communes, au développement communautaire donc. En outre le discernement des Sens permet des choix de Sens et un engagement dans le Sens choisi qui est à la fois, acte de liberté et aussi simultanément de responsabilité. L’intelligence symbolique y joue un grand rôle pour établir les voies méthodes et moyens de l’action humaine et de sa maîtrise. Cette maîtrise est doublement relative parce que située, localisée, et parce que toute réalisation et réalité dépend du conSensus et donc des autres. Cependant, la responsabilité comme l’action sont travail de conSensus et portent sur l’orientation et le développement communautaire qui vise, on l’a vu, le développement des personnes. Ainsi l’autonomisation responsable est-elle une traduction de l’enjeu et de la méthode du développement personnel à ce troisième stade. Le développement personnel se réalise dans le monde communautaire et en même temps participe à son développement. C’est ainsi que l’autonomisation n’existe que s’exerçant au service de la communauté et ses parties prenantes au travers des activités communautaires et notamment des rôles à assurer. Ainsi le développement personnel est-il ici simultanément développement d’une maitrise de soi et exercice personnel de la maîtrise d’une responsabilité dans la communauté par la culture de l’intelligence symbolique et ses disciplines (voir les leçons spécifiques). Il faut rappeler la complexité du monde communautaire et la participation de chaque personne à plusieurs communautés de dimensions différentes. Le foisonnement des communautés grâce à la proximité des relations à distance ouvertes par internet renforce ce champ multi-communautaire du développement personnel, contribuant ainsi à l’émancipation des identifications particulières et révélant la transcendance du Sens et la liberté qui est le propre de l’humanité. Le développement personnel est aussi multi-communautaire et rejoint l’accomplissement humain qui en est la finalité.

Le développement communautaire

Les communautés humaines sont formées par le rassemblement de personnes ou même de communautés déjà là qui ne sont pas annihilées pour autant. Leur développement passe toujours par des phases archaïques où règnent les affects, sentiments et pulsions ou même les pathos ou passions. Il passe aussi par la matérialisation des interactions et l’organisation des enjeux de subsistance et de production notamment. Ensuite se développent les représentations culturelles, visions du monde propre, croyances, valeurs idéalisées, structures, langues, sciences et expressions. Enfin s’aborde la question du développement proprement communautaire c’est-à-dire voué à l’accomplissement de la vocation commune et celui de ses membres. De ce point de vue là toute la vie et le devenir de la communauté est justifié par le Sens du bien commun qui va donner l’orientation et la cohérence de son développement. Dès lors toutes les dimensions du développement sont vouées à cet enjeu, développement matériel, développement intellectuel et aussi régulations affectives.

La communauté est prise comme un sujet de volonté et donc de projet axé sur la culture du Sens du bien commun visant l’accomplissement de ses membres. Leur autonomisation responsable est donc la finalité de toutes les activités communautaires. La communauté ne se limite pas à ses membres mais s’inscrit aussi dans des ensembles communautaires où sa propre responsabilité est engagée ce qui suppose une certaine autonomisation du «sujet communautaire» . Cette autonomisation responsable de la communauté vise une participation au développement des communautés auxquelles elle contribue et ainsi à leur développement, donc à leur autonomisation responsable. Ainsi les architectures, grappes ou constellations de communautés ont pour finalité l’autonomisation responsable à toutes les échelles au bénéfice final des personnes qui s’y trouvent incarnées. Dès lors les activités de développement communautaire sont ordonnées simultanément et réciproquement au développement des personnes et celui des ensembles communautaires jusqu’à la communauté de tous les humains de façon ultime. La mondialisation vient à considérer simultanément les multiples mondes communautaires où se réalise et se développe l’humanité de chacun.

Le développement communautaire passe alors par le politique qui vise à signifier le Sens du bien commun au travers de modes de gouvernance où l’autonomisation responsable se cultive. Un de ses noms est démocratie, pas celle identifiée à des arrangements statistiques ou à des procédures formelles et encore moins à l’expression d’opinions ou de préférences émotionnelles. La politique est un mode de gouvernance et on ferait bien de ne pas oublier que tous les régimes politiques ne sont que des vecteurs de cet enjeu et non la seule réification d’un idéal.

Le développement communautaire est aussi un développement éducatif visant chacun de ses membres tout au long de leur vie selon leur niveau de développement. Il vise aussi la communauté entière par le biais de macro pédagogies incluant les différents niveaux du développement communautaire comme ses productions et savoir faire, ses sciences et savoirs, ses croyances et pensées, ses structures et ses règles, ses expressions et créations. Il porte au-delà, sur d’autres communautés membre d’ensembles communautaires pour y jouer un rôle éducatif selon sa vocation tout en recevant le service d’éducation de la part de ces autres communautés. La singularité culturelle des communautés est corrélée avec sa possible autonomisation responsable alors que la prétention universaliste va avec le mépris de cette autonomisation des personnes comme des communautés.

Le développement communautaire est aussi un développement économique c’est-à-dire de la production et l’échange de «biens» et «services» biens qui concourent aux biens communs, services qui servent le développement des personnes et de la communauté. C’est donc sur l’échelle des valeurs, indicatrice du Sens du bien commun que toute valeur se mesure et que toutes les règles de l’économie communautaire s’établissent. Sont à nouveau visés l’autonomisation responsable de la communauté, celle des personnes, celle des autres communautés de participation. C’est dans ce cadre que les projets et entreprises communautaires se développent

Développement des projets et entreprises communautaires

La finalité des projets et entreprises humaines s’inscrit dans une communauté de référence. Elle rejoint le Sens du bien commun de celle-ci avec ses valeurs indicatrices et ses échelles de valeurs pour mesurer la valeur de quoi que ce soi et donc évaluer tout projet et toute activité. Une nouvelle cohérence se fait jour entre valeurs et valeur, dissociées par le déni de communautés. Le développement des projets et entreprises humaines de toutes natures, s’inscrit dans l’économie communautaire et vise in fine l’autonomisation des personnes et des communautés servies. Ce service se traduit par le principe de concourance au développement communautaire et celui des personnes, que ce soit sur des registres matériels, idéels, et même affectifs mais toujours s’inscrivant dans une communauté de référence.

En outre de nombreux projets ou entreprises humaines (qui en connait d’autres) sont portés par ce qui devient une communauté entreprenante, un projet communautaire. Cette communauté engagée l’est dans la communauté de référence à laquelle elle concoure. Alors la conduite de ces projets ou entreprises relève d’une gouvernance communautaire de leur propre développement. Ainsi le développement communautaire s’applique-t-il aux organisations, institutions, associations de toutes natures avec ses volets, ses enjeux et finalités. En particulier on pourra évaluer leur socio-performance ou contribution au Sens du bien commun de leur communauté de référence. On pourra aussi évaluer la socio-performance de toutes les activités et de toutes les contributions au développement de ces entreprises ou projets et leur Sens du bien commun propre. De même que les ensembles communautaires complexe rassemblent des communautés à toutes les échelles, de même des communautés entreprenantes constituent des ensembles communautaires complexes avec des ensembles communautaires de référence.

La complexité du monde ne s’est pas réduite avec le développement communautaire des personnes des communautés et des entreprises humaines. Seulement elle s’est simplifiée avec un paradigme communautaire cohérent à toutes les échelles et dans toutes les circonstances. Elle est ainsi alignée sur le développement humain comme cause et finalité de toutes réalités humaines, toujours communautaires. Pour une fois l’homme est le centre de toutes les affaires humaines au service de l’accomplissement des personnes et par la médiation des communautés d’existence comprises comme communauté de Sens. Telle est la civilisation dans laquelle nous entrons avec les troubles et résistances qui font crises mais aussi des émergences quelques fois balbutiantes mais déjà à l’échelle mondiale avec le concours sans précédent d’un internet. D’autres y voient l’émergence d’une post humanité technologique d’intelligence artificielle mais il faudra qu’ils se confrontent à leurs propres communautés et la question des valeurs et Sens de l’existence auxquelles on ne peut répondre après les avoir niées.

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059 – Le temps des idées

Le temps des idées

La deuxième phase du développement humain ou développement secondaire est celle du monde des idées. Il s’agit bien avec la conscience mentale de construire un monde de représentations. Ces représentations mentales ne sont pas des images photographiques des choses mais aussi une construction qui raconte l’expérience humaine aussi bien que l’expérience de soi-même. Par cette expérience mentale nous ne sommes plus seulement des choses interagissants avec d’autres choses avec habileté mais nous nous identifions dans un récit, un projet, une perspective ceux d’un monde où chacun trouve sa place tout en participant à la scène du monde. Le développement est alors cette construction idéelle qui a notamment deux fonctions : l’interprétation intellectuelle de l’homme et du monde factuel au-delà de la chose et de ses propriétés et l’ordonnancement des activités factuelles et du développement dans le monde des choses. La raison est l’instrument des deux, comprendre et agir concrètement, raison spéculative et raison opérative par exemple. La nouveauté est l’étendue de la représentation mentale qui n’est plus limitée à l’interaction de proximité et aussi sa mise en perspective à moyen terme c’est-à-dire au-delà comme en-deça de l’horizon du présent.

Le monde des idées rappel

Quelques définitions de l’idée :
«tout ce qui est représenté dans l’esprit, par opposition aux phénomènes concernant l’affectivité et l’action» Nous savons que ce sont des facettes de la même expérience mais ici l’idée vient en troisième lieu comme un autre type et niveau de conscience et fait retour pour appréhender, sur un autre mode, les expériences antérieures.
«Une idée est une vision des choses en esprit» (Wikipédia) Cela suppose qu’il y ait des choses dans l’expérience et que d’un lieu autre dit «l’esprit» un phénomène de conscience dit «vision» intervienne. Il y a le monde des choses et d’un autre lieu vient la vision des choses comme en recul qui en donne aussi bien un tableau d’ensemble que des vues de détails. Cet autre lieu peut être dit profondeur, hauteur de vue, recul, latéral, pour dire qu’il est comme ubiquitaire. Il peut être dit anticipateur et comme u-topique.

L’imagination et la rationalisation sont les maîtres mots de l’élaboration de cette conscience mentale auxquels il faut rajouter la question des langages ou systèmes de signes selon lesquels les idées sont exprimées.

Un problème doit être souligné avant d’entrer dans la question du développement humain à ce stade. C’est à la fois une incapacité à dépasser ce stade qui en fait quelques fois le sommet de l’expérience humaine et pire qui en fait le sous-bassement de toutes choses. La réification de l’idée et sa quasi sacralité en font le principe de toute chose et de l’abstraction mentale la condition de toute action humaine évoluée. Ces déviances sont particulièrement ébranlées lorsqu’il s‘agit de passer à un autre stade de développement et rendent obscures les lumières de la raison.

Le monde des idées dans lequel nous sommes immergés est celui de tous les «savoirs» qui sont des représentations mentales contingentes, des «vues de l’esprit» qui en arrivent à se prendre elles-mêmes comme objet de science. Il faudra distinguer le savoir comme chose à re-produire, le savoir comme image des choses rationalisée, le savoir comme participation à la scène du monde et son récit. Nous nous connaissons et reconnaissons par ces savoirs qui dépassent la portée de l’expérience factuelle et affective et nous situent dans un tableau du monde humain.

Le monde des idées est celui de tous les récits qui expriment aussi bien le sentiment ou l’expérience factuelle individuelle et collective et le situent dans un monde plus vaste. Toutes les expressions de pensée, dans les langages de l’art ou des langues de tous ordres participent, non seulement à l’extension du monde des idées mais aussi à sa projection dans le futur comme dans le passé ou le présent. Cette activité créatrice est une des moteurs du développement humain.

Le monde des idées est aussi celui des structures conçues pour être réalisées sous forme de constructions factuelles comme nos cités ou nos appareils de toutes sortes mais aussi comme règles d’organisation et de comportement. Les affaires de la cité, dites politiques administratives ou juridiques par exemple sont le théâtre des scènes et procédures instituées qui forment nos mondes d’existence collective mentale. Cela nous donne titres places, fonctions, identités, confortées par le jeux des signes de reconnaissance.

Le monde des idées est aussi celui de grand récits à vocation explicative et directrice de l’homme et du monde. Philosophies, religions, systèmes de croyances, idéologies rivalisent dans le traitement de la vérité du monde des idées notamment. C’est le lieu aussi de toutes les ambiguïtés entre la considération des idées comme premières ou alors comme le fruit de l’expérience humaine en développement. On laissera de côté les idées qui se prennent pour des faits ou des affects en ignorant leur source même.

Le développement individuel

Le contexte schématique du monde des idées permet d’aborder la question du développement individuel au stade secondaire. L’expérience des choses est une source évidente du développement mental. Ce développement est un travail de conceptualisation, de représentation de l’expérience pour l’inscrire dans le monde des idées. Même si le développement mental individuel est singulier comme l’est l’expérience factuelle, il n’est possible que dans le contexte d’un monde commun idéel déjà là. De ce fait la re-connaissance de ce monde commun est une condition du développement mental individuel. On pourrait distinguer un développement mental individuel dans un contexte collectif statique ou bien en développement et aussi un collectif dont le stade de développement est plus faible ou plus avancé que le stade de développement individuel. On peut aussi penser que dans un collectif le stade de développement soit hétérogène tout en constituant le contexte du développement de tel ou tel individu. L’une des caractéristiques du développement individuel dans le monde des idées est sa contribution au monde collectif mais aussi sa dépendance à celui-ci. Ainsi un enjeu est de trouver sa place dans le champ des représentations collectif, d’y tenir une place qui s’appuie sur l’existant mais aussi qui contribue à l’évolution de cet existant. Le développement individuel dans le monde des idées se nourrit du passé collectif, s’appuie sur les structures de ce monde collectif, se trouve aidé par des individus plus avancés dont c’est la fonction, contribue au développement de ce monde en y assumant un rôle d’aide au développement d’autres individus moins avancés.

Nous avons là le thème de la participation à la cité comme citoyen. Entrer dans cette phase de développement humain c’est naitre à une citoyenneté dans une cité développée mais aussi en cours de développement. Ce que nous avons vu ici c’est la construction de la cité et la participation du citoyen, construction mentale construction idéelle, qui porte au-delà du faire vers une projection dans le futur. Cette projection peut se nommer projet de société, processus de civilisation, en tout cas il articule individus et collectifs.

Le développement individuel est ici construction d’une identité individuelle selon sa place dans la cité et non comme un en soi. Il bénéficie pour cela de l’aide éducative d’enseignants qui facilitent les chemins de connaissance selon les cartes du territoire des idées de la cité. Il prend sa place dans la cité pour contribuer à son développement et en même temps poursuivre le sien en faisant évoluer sa participation. Ce développement individuel ne prétend pas à l’exhaustivité de la maîtrise des idées du collectif auquel il participe de même que chaque collectif chaque cité a sa propre culture des idées. La prétention à l’universalité des contenus idéels et leur maitrise est un handicap au développement de la cité et des individus.

Le développement collectif

Le développement humain collectif dans le monde des idées est celui de nos sociétés que l’on appelle parfois culture ou civilisation. Nous y sommes tellement inscrits que des représentations mentales comme la république, la démocratie qui sont des idées sont prises pour des faits ou même des affects. Il y a bien des faits et des affects dont sont issues ces idées mais qui en augmentent alors la consistance existentielle par la conscience nouvelle qu’elles inaugurent et par les développements qu’elles permettent. La cité avec ses conceptions, ses structures, sa culture, ses sciences, ses philosophies, ses croyances, ses institutions, ses modèles et ses lois, ses règles et procédures se développe non seulement par l’extension du champ des idées mais aussi par la rationalisation qui structure ce champ et l’ordonne en même temps qu’elle le mettent au service de l’existence et du développement, primaires dans le monde des choses.

Le développement collectif n’est pas un accès à un état idéal de la maitrise des idées mais par l’élaboration des idées qui rendent compte du monde des choses de la collectivité et contribuent à son développement primaire qui précède le développement mental. En outre il porte la représentation des choses de la cité au-delà de ses péripéties et au-delà de son champ de proximité et c’est comme cela que se construisent des collectifs de collectifs, des sociétés de sociétés, des nations et des ensembles multinationaux jusqu’à des ensemble mondialisés. Le développement de la cité construit le monde de l’humanité et la dialectique individu-collectivité s’étend à la dialectique collectifs-ensembles de collectifs.

Le moyens du développement de la cité sont singuliers, fonction de son expérience factuelle, son monde des choses et aussi de la participation aux mondes des idées multiculturel, des ensembles de collectifs. On notera un problème qui est une impasse, considérer que la cité peut être simplement un collectif d’individus en très grand nombre. C’est les exclure du procès de développement des idées sur la base de leur expérience de proximité et leur imposer des champs d’idées propres aux élites qui les ont construites. Ces dernières constituent un collectif dominant qui tiens les citoyens dans un état de minorité les empêchant de se développer à un nouveau stade et ainsi de mieux maitriser leur monde des choses propre. Cette alerte suggère aussi que pour sortir de cette impasse il faudrait reprendre le développement primaire et enchainer sur le développement secondaire à l’échelle des collectifs de proximité et d’en étendre le champ à d’autres collectifs au fur et à mesure de leur maîtrise. Seulement les «maitres de la raison et des idées» ne sont pas ceux qui le veulent ni le peuvent étant souvent enfermés dans leurs forteresses idéelles.

Le développement des projets et des entreprises humaines.

On l’a vu les projets et entreprises humaines sont le lieu de croisement du développement individuel et du développement collectif. Il en va de même au niveau du développement des représentations mentales mais avec le bénéfice de l’extension du champ à des ensembles de collectifs et à l’histoire rétrospective et prospective, le moyen terme.

Dès lors le champ d’activité et de maîtrise permet un déploiement dans l’étendue par la maitrise de la raison, c’est-à-dire étymologiquement une stratégie de développement. Ainsi la portée des projets et des entreprises humaines ainsi que sa maîtrise de leur développement sont d’ordre stratégique portant au-delà du visible factuellement mais pas mentalement. En outre ces projets et entreprises humaines ont pour vocation de participer et contribuer au développement tant des individus que des collectifs et aussi d‘autres projets et entreprises. C’est par ce canal que les individus participent au collectif comme citoyens véritables et que le collectif se développe en développant ses citoyens et leurs entreprises sans se substituer à eux et sans qu’il s‘exonèrent des enjeux collectifs qu’un certain individualisme croit pouvoir réaliser. L’erreur est d’oublier qu’il n’y a pas de développement individuel sans qu’il se situe dans un champ collectif quitte à le faire évoluer.

Ainsi la seconde étape du développement des projets et des entreprises et celui de la culture de leur capacité stratégique, prospective et opérationnelle et non pas l’extension quantitative de leur activité factuelle.

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058 – Le temps des choses

Le développement humain est une augmentation de conscience en même temps que des réalités humaines. Il est aussi augmentation de maturité et de maîtrise des affaires humaines abordables dans le monde correspondant au niveau de conscience et de réalité. Ce développement humain suit la trajectoire des âges lorsqu’elle trace la voie de l’accomplissement humain. Le développement est ainsi le déploiement existentiel progressif de l’humanité sur la voie de son accomplissement. Il porte sur l’existence individuelle, sur l’existence collective, sur les projets et entreprises humaines qui constituent les enjeux des affaires humaines. On va parcourir le processus de développement humain avec ses trois phases ou stades. Il est précédé par une phase préhistorique de gestation des individus comme des projets et des groupes humains constitués et suivi par une période de retrait ou de déprise.

La première phase de développement humain ou développement primaire est celui du monde des choses, le monde factuel. On peut le considérer comme l’enfance de l’humanité où elle acquière progressivement une certaine maîtrise de son existence dans l’environnement matériel qui est le sien. C’est l’affaire de chaque individu, celle de chaque groupe ou collectivité, celle de chaque projet ou entreprise humaine. Acquérir la maîtrise des choses c’est développer des compétences spécifiques et les exercer pour la subsistance, la sécurité, le confort qui est confortation existentielle. Pour cela sont investis des affects, acquis des habiletés et réalisées des performances humaines utiles. Si nous distinguons individus, collectifs et projets en fait le développement engage les trois et ne peut exister l’un sans l’autre. Par exemple si l’école est une entreprise humaine elle n’existe que par un engagement collectif vis-à-vis des individus concernés au sein de la collectivité et ses enjeux factuels.

Le monde des choses rappels

Le monde des choses est celui des corps, celui de l’expérience corporelle avec tous ses accessoires, les faits, les interactions, les mouvements physiques, les comportements, mais aussi les gestes et parmi eux le langage, des sons et des écrits. Ce monde est matériel, concret, organique et c’est celui des productions, des moyens de transformation des choses, des outils et instruments, des techniques et savoir faire. C’est aussi le monde des nécessités utilitaires, celui où se jouent les questions de subsistance, les questions de conservation et donc de sécurité, celles aussi de confort ou confortation de l’existence. Comme on le sait avec la conscience factuelle c’est le court terme qui est l’horizon des préoccupations et les pratiques sont à la mesure de l’utilité factuelle.

 Le développement individuel

Tout d’abord c’est l’expérience des choses, de la résistance des corps qui construit l’expérience de son propre corps, distinct des autres. Cette expérience se réalise dans l’interaction et cette interaction est guidée par les affects tant pour les gratifications et l’attractivité ressentie que par l’évitement ou la sanction des épreuves douloureuses. C’est tout un jeu de rapports qui multiplie les expériences et engrange cette conscience corporelle en même temps que ses habiletés. Il est vrai que la corporéïté n’est pas seulement matérielle mais aussi comportementale. La capacité de produire des effets selon des gestes organisés fait partie des propriétés corporelles, celles des choses et celles de son propre corps. On notera que celui-ci est à la fois ce qui agit et ce sur quoi les choses agissent. Il est le lieu de l’expérience mais aussi objet d’expérience. Ainsi on a pu croire que la transformation du corps, son conditionnement suffisait à lui faire produire tel ou tel comportement tel ou tel réflexe. Oui comme chose parmi les choses non comme corps humain individuel en développement.

Il s’agit bien en effet ici de développement humain qui dépend on l’a vu du Sens selon lequel il est engagé. Il est vrai que l’expérience factuelle ne se suffit pas pour discerner ce Sens parmi d’autres. Comment différencier un Sens de progression et un Sens de régression puisque l’une et l’autre sont associées à des satisfactions et des épreuves? Une première réponse est dans la nécessité de la guidance de personnes capables de proposer, de provoquer des expériences de progression sans favoriser ni même soutenir des expériences de régression. On ne confondra pas par exemple l’expression d’un consentement et d’un contentement gratifiant avec une récompense régressive. Distinction délicate qui nécessite une certaine maîtrise humaine. L’autre réponse c’est celle de l’apprentissage, apprentissages d’habiletés, capacité d’interagir et ce dans un conSensus gratifiant. La gratification a une part d’affects mais elle est aussi dans la conscience individuelle, factuelle, de sa propre capacité, marquée comme un bien, commun à la collectivité, aux autres en tout cas.

Le désir de grandir des petits qui rencontre le désir de leur édification comme individu capable sont de puissants moteurs de l’expérience d’apprentissage. Il ont pour vertu de parachever le grandir aussi bien des petits que des grands. Tous ceux qui font métier d’aider les petits à grandir savent combien cela les grandit eux aussi.

Le développement individuel suppose toujours que quelqu’un aide à grandir humainement parlant. C’est comme cela que les enfants sont «élevés» pour qu’ils s’édifient peu à peu. Ainsi c’est toute une éducation basée sur les apprentissages non seulement des bases du comportement dans une collectivité mais aussi de toutes les capacités opératoires jusqu’aux plus sophistiquées. Les apprentissages pratiques comportent aussi bien ceux des techniques les plus avancées à des âges aussi avancés, tout au long de la vie. Il s’agit alors de se tenir dans les dispositions de l’enfant qui expérimente pour connaitre et faire, pour savoir faire. Le programme de cette éducation est la leçon de choses. Non pas un discours péremptoire sur les choses mais l’apprentissage guidé de ce que les choses nous apprennent de nous-mêmes dans nos capacités et ainsi les réalisent.

Le développement humain individuel n’est pas une émancipation, comme un arrachement à des dépendances primitives, mais une construction, une édification. Non pas un combat contre une sous humanité mais un chemin de réalisation existentielle dans la découverte simultanée du monde et de soi co-construits par l’expérience guidée et dans l’acquisition des capacités d’interagir utilement. Ce n’est pas non plus le culte de l’exploit mais de ce qui fait grandir l’homme y compris dans ses exceptions et ses performances humainement mesurées, c’est-à-dire fructueuses. Ce développement commence par les premiers pas de l’individus suivis par l’acquisition des savoir faire communs puis par l’apprentissage de savoir faire spécialisés en fonction des utilités communes et des capacités personnelles singulières. Des talents se révèlent, des métiers s’apprennent et s‘exercent, des excellences se cultivent et s’évaluent par les utilités humaines que déterminent la collectivité et ceux qui portent en son nom la mission de guidance.

Le développement collectif

Le collectif est un ensemble d’individus rassemblés par une proximité d’interaction. Le développement humain du groupe est bien sur corrélé avec le développement des individus mais outre qu’il est hétérogène il constitue pour chacun d’eux un environnement où se développer. Le développement du groupe est à la fois la croissance de son existence, l’édification de son monde en qualité et quantité et l’édification simultanée de sa maîtrise des affaires collectives. On peut ainsi parler d’habiletés collectives, de capacités, et aussi d’expériences et d‘apprentissages portant sur tous les registres de l’existence matérielle. Le développement collectif est ainsi celui de sa subsistance et notamment de ses capacités de production d’utilités communes. Il est aussi celui de sa sécurité comme par exemple son habitat qui lui confère aussi un certain confort ou confortation. Le développement collectif est celui d’une maîtrise humaine pratique qui porte sur le concret de l’existence. Les affects et les gratifications collectives interviennent de même que le guidage du collectif dans le Sens d’une progression humaine plutôt que d’une régression. Cela suppose l’existence d’une maturité avancée susceptible de guider le collectif. Cette maturité avancée peut être celle d’individus jouant un rôle de conduite, quasi éducatif, au sein du collectif ou venant d’ailleurs.

Le développement du collectif est un développement de proximité mais qui lui permet des interactions avec d’autres collectifs, toujours à proximité. Ainsi différents collectifs proches peuvent constituer des collectifs plus larges dans les limites de l’expérience de proximité. Au-delà il faudra avoir recours à un autre type de conscience et de développement par projection intellectuelle. Le développement humain primaire se heurte d’ailleurs à un obstacle issu d’une déviance du développement intellectuel qui prend ses représentations ou modèles pour la source et la cause du développement. Il disqualifie alors le stade primaire rendu incapable de grandir par lui-même et mis en dépendance «pour son bien».

Le développement des projets et des entreprises humaines.

Il passe par une phase d’apprentissage où individus et collectifs expérimentent les réalités qui sont les leurs et celles qui les environnent et avec lesquelles ils entrent en interaction. La démarche de développement est alors empirique, pragmatique mais éclairée par des repères de progression pertinents. Il faudra ici aussi quelque tuteur qui guide et oriente, s’appuyant sur le jeu des affects, tant pour la gratification que pour la traversée des épreuves. La compétence individuelle et collective, la performance selon ces critères sont à la fois à cultiver et développer en même temps que les utilités du projet et de l’entreprise sont satisfaites. Ce développement met en oeuvre force techniques, instruments, outils et moyens et se constitue un patrimoine de savoir faire qui en est un des indicateurs. L’efficacité est relative au développement humain c’est-à-dire des potentiels et des enjeux humains des individus et des collectifs. Ce développement des projets et des entreprises humaines est aussi le lieu intersection du développement individuel et du développement collectif. Ainsi on ne peut parler de l’un ou l’autre sans qu’ils se trouvent investis tôt ou tard dans de tels projets et entreprises. C’est pour cela que la structuration pédagogique des apprentissages en dépend. C’est pour cela aussi qu’il faut dénoncer l’inanité d’un développement individuel qui ne serait pas investi dans celui de tels projets et ne soit aussi un apprentissage des entreprises humaines. L’idéologie intellectualiste fait ici des ravages se nourrissant de (pseudo) savoirs sans savoir faire.

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057 – Seuils et mutations

Entre les différents âges des seuils de transition marquent des moments forts et quelques fois décisifs de l’existence. Trois seront étudiés ici. Le seuil de la naissance ou venue au monde entre l’âge archaïque et l’âge primaire. Le seuil de l’adolescence entre l’âge primaire et l’âge secondaire. Le seuil de maturescence entre l’âge secondaire et l’âge tertiaire. On citera pour mémoire l’âge du retrait entre l’âge tertiaire et les âges de la déprise.

Chacun de ces seuils est une épreuve de passage. Elle est à la fois comme une mort, une perte d’un monde et d’un mode existentiel familier au profit d’une renaissance a un autre monde où le mode existentiel sera nouveau et donc aussi la conscience de soi comme du monde. De ce fait l’épreuve est déstabilisatrice. Elle ouvre normalement sur un état de faible maîtrise et ferme un état de plus grande aisance. Selon l’antériorité l’épreuve de passage sera plus ou moins difficile. Elle est d’ailleurs caractérisée par deux crises. La première est une crise de remise en question d’une situation existentielle familière avec d’éventuelles résistances au changement. La seconde est une crise de maîtrise face à une configuration existentielle nouvelle. La première peut-être ou non douloureuse, la seconde bien qu’inquiétante peut-être enthousiasmante et joyeuse.

Ces seuils de passages ou transitions de vie sont aussi à considérer dans l’évolution des situations humaines, projets et entreprises, communautés, civilisations. Sur ce dernier plan nous sommes dans une mutation de civilisation entre un âge secondaire, âge des représentations mentales, âge de la raison et un âge du Sens et des communautés de Sens. Nous en verrons la nature des crises de passage dans lesquelles nous sommes engagés. On notera enfin que l’épreuve de passage d’un seuil, réveille les crises des seuils antérieurs plus ou moins maîtrisées et accroît le trouble existentiel.
Reste à considérer que chaque seuil est comme un carrefour dans lequel trouver la bonne voie, celle de l’accomplissement humain, favorisé ou défavorisé par les environnements communautaires si bien que c’est quelques fois l’occasion d’en changer.

Le seuil de la naissance

Depuis un monde de sensations, où le soi et le non soi sont confondus pour le futur nouveau né, intervient cet événement paroxystique d’être comme jeté dans le monde dans un en soi coupé de ce milieu maternel et ses environnements sensibles. L’en soi vit des sensations mais qui sont en grande partie nouvelles et heureusement il en retrouve quelques unes dans la proximité physique avec sa mère et aussi ses environnements familiers. Il y a ainsi l’en soi fusionnel et l’en soi séparé, distinct qui vit d’autres expériences. Celles-ci sont terrifiantes ou bien gratifiantes notamment si elles permettent le retour à ce monde fusionnel familier. Ce seront les premières expériences de l’âge primaire où le jeu des interactions avec le milieu va construire simultanément un en soi individuel et un monde environnant distinct de plus en plus.
Être sous l’emprise du milieu ou l’avoir sous son emprise, être structuré par les structures du milieu, être le jouet de l’environnement ou s’expérimenter comme intervenant dans cet environnement, toutes sortes d’expériences. La position maternelle favorise telle ou telle. Expérience de toute puissance ou de toute impuissance, expérience de la normalisation des structures de vie du vécu donc aussi, expérience des conditionnements subis, expérience de la demande qui abouti sans immédiateté toute puissante, voilà des orientations données aux premiers temps de la vie et dont les orientations ne sont pas sans rapport avec le Sens donné à la naissance d’un nouveau né. Tout le temps de l’enfance sera marqué par des retours à ce carrefour mais dans un voyage aux expériences foisonnantes et passionnantes. Ces questions se poseront aux créateurs et aux initiateurs de nouveaux mondes, de nouvelles institutions ou organisations.

Le seuil de l’adolescence

L’enfance a construit un individu autonome quant à ses comportements acquis mais dépendant quant aux conditions de son existence et le support de son environnement affectif. Si la logique de progression à pu prendre le dessus sur les logiques et pulsions régressives, la première crise de passage sera relativement anodine et l’adolescent pourra reconstituer des milieux et relations affectives plus indépendantes sans pour autant rejeter ce dont il va se séparer et notamment sa famille. Le rôle du père (symbolique) facilitera alors le passage et l’investissement dans un monde nouveau.
Si cela n’est pas le cas alors la crise sera plus sévère. Rejet du monde ancien et dépendances ou addictions compensatoires. Difficultés d’assumer sa nouvelle position dans un monde inconnu et difficile surtout si les attentes n’en sont pas suffisamment construites et les propositions pas suffisamment claires. Les enfants rois risquent la déchéance et réagissent dans la violence des sentiments qui reprennent le dessus et les passions destructrices et autodestructrices sont possibles. Ceux qui au contraire sont investis dans la naissance à un nouveau monde, à une citoyenneté ou participation à un environnement social et intellectuellement construit, s’attacheront à y trouver place et statut, titre et mode de vie pour participer aux enjeux socio-professionnels. Ceux qui sont plus orientés vers une indépendance profitable, alimenteront un narcissisme individualiste exploitant les opportunités du nouveau monde avec quelques fois les armes de l’ancien, qu’ils n’ont pas vraiment quitté. Ainsi des réussites de l’âge secondaire sont quelques fois des signes d’immaturité avec une revendication infantile de liberté et de droits. Cette position d’une adolescence non dépassée peut se jouer aussi au niveau d’une communauté, d’une (fausse) civilisation qui seront profondément ébranlées si la perspective d’un nouvel âge, d’un seuil de maturescence se présente. Nous sommes dans une situation de ce type où les crises d’un nouveau passage sont particulièrement éprouvantes et les résistances au changement paroxystiques. Les idéologies modernes en occident sont les boulets de la nouvelle mutation alors qu’elles se voudraient les bouées de ce qu’elles considèrent, comme un naufrage, devoir continuer à grandir et changer de monde.

Le seuil de maturescence

Le passage d’un âge où la maîtrise de la raison à pu construire un monde structuré, juridiquement, scientifiquement, administrativement, socialement, culturellement avec son intellectualité et ses élites sélectionnées à Un autre âge est un ébranlement inquiétant. Plus l’idéalisation, l’universalisation des modèles, des normes, des modes de vie individuels et collectifs s’est auto admirée, plus sa remise en question est critique.
Cela vaut pour les personnes, bien établies, élites ou simplement en bonne place et pour les communautés et civilisations. Il se trouve que l’aventure d’un nouvel âge reste rare si la communauté ( pays milieu ) et sa civilisation n’y sont pas engagés. Il se trouve que le monde est engagé dans une mutation de civilisation au seuil de maturescence. De ce fait c’est la compréhension de cette mutation et des crises associées qui peut éclairer les aventures individuelles expérimentées par les personnes, et la connaissance de cette transition mutation dans le développement humain qui éclaire la mutation de civilisation.

La première crise est la crise des représentations et de la Raison devenue insuffisante. C’est aussi une crise des modèles et des systèmes intellectuellement construits. Là ou il y avait maîtrise continue il y de plus en plus de défaillances, comme si ce qui avait marché ne marchait plus (entendu chez des responsables).
Elle impulse trois logiques de fuite que l’on voit s’agiter.
– La crispation sur les modèles du passé. On entend alors beaucoup d’incantations et de formules sacrées avec un accroissement des rigidités et des volontés de restauration.
– La fuite en avant dans les images, les signes, les subterfuges, les changements radicaux instantanés, la prolifération des lois et des règles, les statuts, les structures existentielles. L’individualisme souverain veut faire la preuve de son libre arbitraire, et est prêt à revendiquer même l’impossible et l’extravagant.
– La régression sceptique et déçue de la civilisation avancée. Le courtermisme primaire devient prioritaire, les pulsions archaÏques sont mises en valeur au travers d’un trafic émotionnel. La perspective du dépassement apparaît comme trop dangereuse et ramenée aux crises du passé, crises de puissance, crises de subsistance par exemple. La décroissance fait figure de nouvelle trajectoire.

La quatrième logique est celle de l’aventure du dépassement, de l’engagement dans un âge du Sens de l’autonomisation responsable, de l’engagement communautaire et de la refondation des enjeux communs recentrés sur l’humanité des affaires humaines, la responsabilité commune, le Sens du bien commun à toutes les échelles; politique, éducation, démocratie, économie sont concernés.

Seulement les moyens de cette nouvelle civilisation sont a développer : discernement des Sens, travail de conSensus, créativité orientée, intelligence symbolique. Comment assumer des questions inconnues avec des moyens inconnus. C’est ce qui fait la crise de passage qui est une crise de Sens.

En fait chacun et chaque communauté sont confrontés à la question du Sens de leur existence, du choix de Sens et de l’engagement partagé dans un Sens choisi. La responsabilité personnelle est investie dans le discernement, la détermination et l’engagement dans le Sens du bien commun.
Cela va dans tous les Sens alors qu’on ne sait pas encore ce que Sens veut vraiment dire. La conscience de Sens est très empirique, subjective mais aussi fragile aux influences.
En particulier les conceptions du monde et de l’homme, supposées d’une unique vérité formelles, sont foisonnantes et restent dans le non dit, n’étant pas habituées à ces approfondissements, a ces implications et responsabilités. Par exemple la crise de Sens confronte aux paradigmes en crise. La crise de la logique de rationalité, antagoniste à la logique de puissance, la crise de la logique naturaliste, antagoniste à la logique humaniste anthropocentrée. Ces crises de la compréhension et des connaissances se traduisent en courants de pensée où les pseudo évidences veulent faire l’économie du discernement. C’est à ce discernement que les hommes sont appelés, pour eux-mêmes et pour les communautés de conSensus où ils sont investis. C’est la l’entrée dans le monde de l’hominescence ( Michel Serres )

 

 

 

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056 – Les âges de fin de vie

Le temps de la déprise existentielle.

Trois périodes caractérisent l’accomplissement humain dans l’existence. D’abord les trois âges du déploiement existentiel où l’existence se réalise en même temps que se déploient les trois modes de conscience existentielle : la conscience sensible avec l’âge archaïque, la conscience pratique avec l’âge du faire, la conscience mentale avec l’âge des représentations. L’existence y progresse vers une plénitude, une complétude existentielle ou l’individu se trouve « en pleine possession de ses moyens ». Cette apogée a souvent conduit à l’idée que le déclin, la dégradation s’en suivaient. C’était l’âge de la retraite tel qu’il est conçu par les modèles classiques qui se savent pas penser au delà.

Ainsi on peut envisager une autre trajectoire constituée par un âge archaïque – préhistorique, une période de développement humain et une période de déprise.
La période de développement humain comprend trois âges de construction existentielle : l’âge primaire où se construisent les existences dans les faits, subsistance, sécurité, confortations, ensuite l’âge secondaire où se construit le monde des représentations, des structurations intellectuelles et formelles, enfin l’âge tertiaire ou âge du Sens et des communautés de Sens ou va se construire un monde pleinement humain. La conscience et l’intelligence symboliques s’y déploient avec la maîtrise du Sens pour traiter des affaires humaines personnelles mais toujours communautaires. Développement personnel et développement communautaire vont de pair.

La troisième période de déprise de l’existence s’achève par la mort à cette existence, une mort au monde, pendant d’une venue au monde. Alors il ne s’agit plus pour l’homme de se développer existentiellement mais de poursuivre son accomplissement au travers de la déprise existentielle.

À partir d’un seuil de retrait justifiant le terme de retraite, trois âges sont alors à parcourir. L’âge du défaire ou le retrait du faire et donc des activités, l’âge de la déprise mentale qui fait si peur aux jeunes témoins, l’âge de la déprise affective, désaffection de l’existence et de la relation aux autres. Une sorte de de-naître parachève ce retrait existentiel où l’accomplissement se traduit par l’abandon de l’existence pour l’être.

Partager ces moments de déprise pour ceux qui en sont loin rend cette fréquentation pénible mais aussi les maladresses dues à l’incompréhension, à la peur et au refus de mourir. Il faut avoir parcouru ces âges pour expérimenter le dépouillement existentiel que différentes traditions mettent en avant. Il faut bien voir ici que ce dépouillement vient à l’issue des temps de développement et pas à la place.

L’âge du dé-faire

Si l’âge du faire est celui de la croissance celui-ci est celui de la déçroissance un terme qui vient à point pour une civilisation qui prend sa retraite, même sans avoir traversé son âge de maturité tertiaire.

Le défaire est la réduction des interactions et activités physiques, comportementales, des implications opérationnelles. L’être se reconnaît dans la suspension de l’acte qui n’est pas neutralité mais position en retrait. Les figures du sage âgé, le montrent dans ce retrait du monde mais dans une présence aux autres qui n’intervient pas ou peu. La progressivité de ce retrait déconstruit une activité jusqu’à restreindre les capacités physiques.

L’âge de la déprise mentale

La construction et la participation à un monde formel, fait de représentations mentales, d’identifications, de structures et d’institutions, de savoirs et d’images entrent en dé-construction. De ce fait la fonction du langage, la mémoire, le jeu des apparences et des statuts se déconstruit. L’être se dépouille de son habillage mental. Pour les autres, pour la communauté, ce retrait apparaît comme une défaillance, comme une atteinte à leur réalité propre, comme une maladie mentale. Le dé-parler, surprend et inquiète ceux qui s’identifient au parlé. Le désinvestissement intellectuel et des structures mentales est une marche en avant dans l’accomplissement de l’être Instance. Pour une civilisation des représentations qui s’y construit, c’est incompréhensible. Aussi rien n’est en général pensé de cet impensable de l’existence.

L’âge de la déprise affective et relationnelle.

C’est l’indifférence à autrui dans la désaffection relationnelle qui manifeste cette déprise. Elle était annoncée par la perte de mémoire et d’identification mais ébranle le système relationnel du monde des autres. L’intentionnalité s’est retirée. L’intérêt pour quoi que ce soit s’amenuise. L’être se dépouille de son vécu et des relations qui lui avaient été indispensables. La conscience existentielle s’est réduite et l’existence qu’elle avait développé aussi. La conscience symbolique, celle du Sens et de l’être perd tout objet existentiel et toute quête en ce monde pour s’abîmer dans l’être. Cet indicible se raconte aux âges antérieurs au travers d’histoires dont aucune des formes n’a plus cours.

Alors vient le dé-naître où l’existence participée au monde des autres s’est achevée. Pour les autres il reste quelque chose du consensus que sont les dépouilles dont s’est dépouillé l’être mais aussi la mémoire et les œuvres, les traces qu’ils voudront bien reconnaître jusqu’à ce que chacun quitte cette existence.

Des traditions au travers de leur livre des morts nous parlent d’une suite dans le retrait postmortem. Ne l’ayant pas exploré nous en laisserons subsister l’éventualité.

L’être peut il alors re-susciter un consensus nouveau ? Vivre un autre monde où il se connait être déjà ? Il est arrivé que certains hommes en témoignent. Rien d’incompatible avec l’hypothèse d’un accomplissement abouti…

La mort n’est pas un accident ni une maladie dès lors qu’elle est l’aboutissement d’un accomplissement au travers des âges de la vie y compris ceux de la déprise existentielle.

Elles est une souffrance pour ceux qui en sont témoins mais ne sont pas prêts et pour ceux qui n’ont pas achevé le parcours d’accomplissement. Mais les âges de la déprise peuvent être parcourus en quelques secondes autant qu’en nombre d’années.

 

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055 – L’âge tertiaire

L’âge tertiaire, âge du Sens

L’expérience première du Consensus, la conscience seconde des re-présentations, réalisation de la réalité se distribuent en composantes, affective, physique ou factuelle, intellectuelle ou mentale. L’orientation selon un Sens d’accomplissement ordonne ces composantes en âges successifs où la réalité, la conscience de l’expérience et une maîtrise progressive de soi et du monde se développent. Cette «réalisation» du monde et de soi dans le monde sont actualisation d’un réel qui est Instances en conSensus. Cependant, il n’y a jusqu’ici ni conscience de Sens ou de conSensus, ni liberté de choix authentique, ni maîtrise du Sens de notre existence et donc de la possibilité d’un accomplissement humain. C’est l’âge du Sens qui en réalise le monde et une nouvelle maîtrise.

C’est à l’âge du Sens que se révèlent justement la transcendance de l’Instance humaine, sa consistance spirituelle comme Sens, ce qui fait toute relation de nature humaine comme partage de Sens ou conSensus, ce qui fait que toute réalité – la nôtre comme individus et celle du monde comme ensemble des affaires humaines – sont expérience du conSensus et ses re-présentations, consciences, augmentations ou développements de nos réalités. L’âge tertiaire est aussi la participation du tiers à toute réalité humaine non dans une relation purement duelle mais communautaire.

Ainsi à l’âge du Sens s’intègre et se dépassent les âges précédents dans une réalisation proprement humaine. Cet âge est celui de la réalisation d’un monde reconnu de nature humaine de part en part. Hominescence dit Michel Serres. Age de l’esprit selon différents visionnaires. Ce qui est en jeu c’est le discernement des Sens au travers de l’expérience, toujours communautaire, celle d’un tissu de relations de nature humaine, la révélation de l’humanité de l’homme. C’est aussi l’engagement dans la réalisation d’un monde devenu communautaire, multi-communautaire d’ailleurs. Cet engagement vise cette autonomisation progressive qui est marque d’accomplissement et n’est possible que dans la culture du Sens du bien commun, dans chaque situation et réalité communautaire.

Ainsi l’âge tertiaire est un âge de développement humain qui reconnait la source humaine de toute réalité individuelle et collective avec ses dimensions affectives, factuelles et mentales. Un autre niveau de conscience, conscience symbolique cette fois, qui reprend autrement les acquis des âges antérieurs. Il y a toujours affects mais comme expérience du Sens dans les relations participant au champ communautaires. Il y a toujours fait d‘expérience mais comme expérience du Sens dans les interactions du champ communautaire. Il y a toujours représentations mentales mais comme expérience du Sens dans les rationalisations communautaires. Le lien entre ces trois composantes de l’expérience se révèle là comme Sens et conSensus actualisés.

L’âge du Sens est celui de l’édification d‘un monde humain voué à l’accomplissement de l’humanité s’appuyant sur les bénéfices des âges précédents. Cependant, ceux-ci, débarrassés des errances et des débordements associés, sont repris d’une nouvelle façon. Ainsi les représentations mentales sont utiles comme médiation du Sens pour le révéler et le réaliser. Les faits et l’existence physique avec ses comportements associés sont là pour incarner le Sens dans les existences individuelles et les mondes communs. Les affects et toute la vie éprouvée soutiennent la possibilité même de grandir et de traverser les âges qui mènent à cet âge du Sens, y intervenant dans la régulation des relations humaines.

L’âge du Sens est celui de la culture d’un autre type de maîtrise, véritablement humaine. Les précédents gardent le doute sur l’origine de toute maîtrise tant factuelle qu’intellectuelle et celle des affects ou des passions. Les réponses erronées occupent le terrain de l’existence où il s’agit de trouver la voie d’une vérité proprement humaine plutôt que d’en exclure la détermination humaine (réductionismes).

Un problème se pose : comment connaître et comprendre un des âges si on n’y a pas accédé. A l’âge archaïque il n’est pas possible de connaître l’existence factuelle tant que la conscience de la distinction des corps ne s’est pas encore construite. A l’âge factuel il n’est pas possible de comprendre l’existence de l’âge intellectuel tant que la raison réflexive et sa maîtrise ne sont pas suffisantes. Il y a aussi des déviances qui confondent expérience mentale et expérience factuelle, et l’une ou l’autre avec l’expérience affective. Dans un contexte de civilisation par exemple il y a toujours une partie de la population qui accède à son niveau de conscience spécifique mais pas tous. Cependant, même les plus avancés dans cette civilisation n’ont pas connaissance en général d’un âge ultérieur. C’est ce qui se produit dans la civilisation des représentations mentales qui ne connait rien de l’âge du Sens qui se prépare comme nouvelle conscience et donc nouvelle réalité du monde humain. Dès lors il est difficile de le faire reconnaitre sauf à faire appel à ce qui est déjà là et en favoriser la conscience symbolique. En outre une difficulté naît des crises de passage qui remettent en question ce que l’on croyait acquis y compris en ce qui concerne la réalité de soi comme du monde. Ainsi l’âge du Sens remet en question notamment toute la civilisation occidentale qui hésite entre la crise permanente et sa remise en question pour assumer sa mutation et le passage à l’âge du Sens.

Quelques caractéristiques comparées de cet âge du Sens.

A l’âge des représentations (mentales) des doctrines philosophiques, idéologiques, des modèles, des idéaux régissent la marche et dictent les valeurs auxquelles les individus sont invités à se conformer. La dénonciation de tel dogmatisme se précipite pour en établir un autre. Le relativisme en est l’impasse qui destitue les systèmes de représentation de leur caractère normatif et idéal ce qui favorise les régressions où toutes les raisons sont bonnes. L’entrée dans l’âge du Sens confronte chacun à la possibilité de plusieurs Sens pour orienter la vie et les affaires humaines et aussi pour interpréter chacun des dogmes précédents. Ce dépassement réclame un discernement des Sens et de leurs conséquences pour l’humanité de l’homme renvoyant les représentations mentales à leur rôle de médiateur du Sens. L’essentiel c’est le Sens et sa représentation, ordonnée par la raison, lui est contingente comme moyen d’accès au Sens ou d’expression du Sens. L’apprentissage de l’intelligence symbolique et de ses processus devient nécessaire alors que l’intelligence formelle n’y accède pas. Problème pour les élites qui n’en disposent pas pour s’être identifiées exclusivement aux représentations mentales et à leur maniement.

A l’âge des représentations le monde et les affaires humaines sont déterminés par des formes et modèles en tous genres et à l’âge du Sens ce sont des communautés de Sens par leur conSensus qui sont déterminants. C’est pour cela que l’espace des affaires humaines est un espace communautaire et d’ensembles communautaires et non les espaces formels géographiques ou juridiques auxquels on s’était quelques fois identifiés en y identifiant le monde.

A l’âge des représentations l’indépendance individuelle est quelquefois comprise comme une émancipation acquise par l’accès aux savoirs et leur universalité formelle. A l’âge du Sens l’autonomie est associée à la liberté de participation aux conSensus communautaires et à la responsabilité de culture du Sens du bien commun propre à chaque communauté dont les individualités sont co-dépendantes et non pas indépendantes. Cela suppose la transcendance du Sens en l’homme lieu de liberté personnelle possible et dont l’existence reste contingente car communautaire.

A l’âge du Sens le progrès humain est l’accomplissement individuel et collectif au travers de la maîtrise progressive du développement communautaire.

Il est vrai que la possibilité de construire des communautés de Sens à toutes les échelles et pour tous les enjeux humains est une caractéristique de l’âge du Sens qui se prépare avec le laboratoire d’Internet. Internet en est le révélateur mais pas la cause mais une médiation.

Pour terminer cette première approche de l’âge du Sens on observera que chaque chose, chaque question doit être située dans un espace communautaire, que l’important est d’en discerner les Sens pour déterminer et cultiver le Sens du bien commun tant pour développer les réalisations humaines que pour résoudre difficultés et problèmes, tous humains évidemment. La méthode de recours à des modèles formels de décision, d’interprétation et d’action, caractéristiques de l’âge des représentations mentales est donc caduque et son obsolescence est  criante dans la crise qui en est le symptôme.

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054 – L’âge secondaire

L’âge secondaire âge de la Raison

L’âge primaire s’achève par la construction d’un individu qui cherche son indépendance pour prendre sa place dans la société. Place professionnelle, sexuelle, parentale, sociale tout cela contribue à s’établir à un autre niveau de l’existence, exister au travers d’une identité individuelle dans le contexte d’une société où elle est reconnue. Le statut en est un signe mais aussi la fréquentation de cercles d’identification avec leurs signes particuliers. L’âge secondaire est celui des signes d’identification de soi et du monde, un âge des représentations, des apparences mais pas seulement. En tout cas il s‘agit d’images mentales portées factuellement par des supports jugés adéquats. On entre ici dans un âge des représentations mentales où la construction intellectuelle du monde et de soi passe par celle des images ordonnées de l’existence. Il aura fallu pour cela rompre avec les dépendances de l’environnement familial tutélaire pour assumer cette identité pour soi et pour les autres. Cela ne va pas sans conflits avec la crise de passage de l’adolescence.

L’émancipation de l’individu passe par l’usage de sa raison pour ordonner les représentations spontanées et désordonnées du monde et de son existence. L’âge de la raison est ainsi celui du développement des représentations mentales ordonnées par la Raison dont l’individu se fait progressivement maître. Ce sont toutes les représentations existentielles qui sont en jeu. Savoirs, idées, langages, visions, récits, conceptions, formes, formules, modèles, structures, scènes, institutions, procédures, règles, lois, méthodes, contes, histoires, interprétations. Tout cela construit un monde et une intelligence du monde, une appréhension intellectuelle, rationnelle ou en quête de rationalité, de cohérence. Le monde mental est sans cesse en construction et la maîtrise rationnelle des individus les situe dans ce monde où ils trouvent place selon les conventions qu’ils partagent.

Ce développement individuel et collectif peut être identifié à une civilisation où l’homme se grandit en agrandissant le monde sur le mode mental avec l’exercice maîtrisé de la raison. Cette civilisation là est celle dont on a volontiers assimilé ici l’origine à la Renaissance mais aussi à ses antériorités gréco-latines notamment. Une façon d’identifier l’Occident à cette civilisation de l’émancipation de l’individu, civilisation de la raison et de la science ainsi que de la construction idéale de la cité.

Cependant comme à tous les âges le Sens ne va pas de soi. Le statut des représentations mentales a pu être ainsi un prolongement et un dépassement du factuel pour une meilleure maîtrise humaine. Il s’agit donc alors de représentations mentales de l’existence factuelle elle-même investissement des affects. Mais il y a une autre voie qui est celle d’une croyance dans l’autonomie des représentations qui en viennent à constituer le monde comme si elles en étaient la cause et la loi naturelle. La science devient scientisme par exemple. L’individualité devient individualisme, les idées – idéologies, la raison – rationalisme. Dans cette déviance, une coupure s’établit entre les représentations et les faits et aussi avec les affects considérés comme d’une humanité inférieure. La hiérarchie des formalismes intellectuels se substitue à celle des compétences et donc de la maîtrise humaine des affaires humaines. Le monde y est découpé en catégories abstraites hiérarchisées, s’agissant bien de s’abstraire d’une condition humaine jugée inférieure. La raison perd sa vertu d’articulation ordonnée de l’expérience humaine pour se faire explicative et causale. Mais tout cela n’est cependant qu’interprétation mentale.

L’âge des représentations (mentales) est aussi celui de leur médiation avec la prolifération des textes qu’ils soient littéraires, scientifiques, artistiques, juridiques, journalistiques, et de toutes les images, dessins, modèles, ainsi que tous les artifices de représentations que les médias classiques ou modernes colportent. Le monde moderne est devenu un monde de représentations qui se multiplient en cherchant à édifier une cohérence à l’encontre d’autres cohérences jugées erronées ou fautives. Dans ce monde les individus et tout ce qu’ils échafaudent se ramène souvent à des formules, des idées, des modèles qui passent pour en être les fondements. On y développe des fondations sur la base de représentations elles mêmes abstraites de l’expérience factuelle et affective.

L’âge secondaire est ainsi celui de l’élaboration d’un monde de représentations, de l’accès à des représentations établies ou savoirs, de l’identification à ces représentations qui enrichissent l’expérience humaine et participent à un certain progrès de conscience.

Cependant l’âge secondaire est aux prises avec une dialectique de réalisation spéculative ou de réalisation communautaire. Ou bien il s‘agit de construire une représentation du monde, universelle, dans laquelle l’individu se mire ou s‘admire ou bien il s’agit de développer une conscience formelle qui permet d’accéder à une vision commune de l’expérience partagée, d’un conSensus culturel donc. Ou bien les représentations sont vues comme fondatrices et à découvrir, ou bien elles sont le témoignage singulier d’un développement de l’expérience humaine collective, ou bien une conscience réflexive abstraite d’un monde supposé déjà là ou bien la conscience médiatrice d’une humanité partagée.

Cette problématique se joue selon des logiques multiples. Le conformisme qui se réfère à des formes supposées préexistantes pour s‘y conformer ou bien une créativité qui est l’expression de formes, témoignages de l’expérience singulière, personnelle et communautaire. Elles s’opposent comme la réflexion et la pensée. Les représentations comme état des choses qui reste à découvrir pour être établi comme dogme ou bien projection humaine qui dessine quelque désir ou intention dans une réalisation future – le projet et en témoigne – médiatisation.

L’âge des représentations eut être ainsi celui d’un développement humain qui dépasse l’expérience factuelle et affective en leur apportant un autre niveau de maîtrise. On aura compris que cette trajectoire de développement humain peut être déviée par des interprétations de l’expérience formelle et de la raison qui ratent leur but. C’est particulièrement le cas à la veille d’un dépassement de l’intelligence  formelle par l’intelligence symbolique, le passage à une âge du Sens, des relations et communautés de Sens.

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053 – L’âge primaire

L’âge primaire, enfance de l’humanité

Après la venue au monde vient un âge où se construit une existence factuelle dans le milieu familial et social qui est le sien. Le moteur en est l’interaction, animée par des affects investis dans l’épreuve de la confrontation à l’environnement. Environnement maternel et aussi celui de toutes les choses qui se présentent, de tous les corps qui constituent cet environnement. Ce sont des comportements qui se construisent.

Investissement des affects dans des interactions tel est le principe des apprentissages qui édifient une existence individuelle. Il est vrai qu’au début la différence entre soi et non soi n’est pas évidente. Le corps propre est dans l’incertitude du soi et du non soi et fait l’objet d’interactions aux vertus d’apprentissages. On pourrait dire qu’il s’entraine comme toutes les interactions entrainent une construction comportementale. Cette construction est gestuelle mais aussi de langage, de modes de contacts, de coopérations avec d‘autres, et en définitive de savoir faire, tant pour les comportements que pour les interactions matérielles.

Ainsi cet apprentissage auto-constructeur est investi comme exercice de soi dans la construction du monde environnant avec les autres. C’est l’âge du faire, celui du factuel ou produire des effets est à la fois le but et l’exercice d’apprentissage.

Seulement cet apprentissage est aussi celui de la résistance des choses et des autres, avant même de trouver les concours les coopérations fructueuses. Dans la découverte de situations, de configurations variées, le jeu des interactions permet aussi bien d‘apprendre que de construire, se développer donc. Le jeu est l’exercice de la façon dont se jouent les interactions, avec l’accompagnement affectif qui va en faire une épreuve pénible ou une expérience gratifiante. C’est une des clés de tout apprentissage.

L’environnement peut donner à cette expérience une caution de progression dans l’individualisation d’une existence capable de participer au jeu des affaires collectives familiales et sociales. Elle y est alors encouragée. Au contraire lorsque se sont des inquiètements qui sont prodigués alors les découragements rendent difficiles les apprentissages. Ainsi la problématique de cet âge est elle prise dans la dialectique progression / régression qui favorise ou défavorise le jeu de construction.

Là aussi se familiarisent des comportements de reproduction conformiste ou de créativité, de captation des bénéfices du jeu ou bien de participation à un partage des expériences. Des personnalités sont structurées par le Sens familier qui est donné à cet âge de l’apprentissage humain notamment par les parents ou tous ceux qui  ont pour tâche d’y concourir, à l’école par exemple dont c’est la mission. Ainsi le jeu des affects est investi dans le jeu des faits et sert de guide pour le pire ou pour le meilleur. Le désir de grandir s’y inscrit, avec la joie que chacun partage, même d’un âge plus avancé. Mais l’inquiétude de perdre les sentiments fusionnels tant de celui qui y est confronté dans l’enfance que ceux qui, en écho, éprouvent négativement cette épreuve, contrarie cette évolution.

L’apprentissage mimétique des façons d’exister est aussi bien constructif que régressif, source de grandes difficultés ou de grands bénéfices pour toute l’existence. L’investissement des affects dans un rapport, une interaction, la construction du corps et des comportements efficaces sont conditionnés par les premières relations, maternelles, familiales, et sociales.

La discipline le grandir est aussi celle d’accepter une séparation, de renoncer aux affects fusionnels pour des relations efficaces et gratifiantes. L’environnement est pour cela déterminant.

Le monde de l’enfance, de l’âge premier ou primaire, est tout dans cette dépendance où la proximité détermine le champ de l’existence. Le temps désiré y est court, celui du court terme, l’espace y est séparé en espace de confortation et espace de menaces ou d’inconfort avec les cloisonnements jugés nécessaires. Dans cet âge de l’humanité se construisent les dispositions matérielles et comportementales qui favorisent l’apprentissage et l’exercice existentiel et celles qui visent une sécurité, une défense. La subsistance, la sécurité et le confort sont les préoccupations de l’âge primaire de l’humanité. Combien ne le dépassent pas, pris dans les rets des affects qui s’imposent au lieu de s’investir dans les apprentissages ?

L’âge du faire, de l’enfance de l’humanité est un investissement de l’âge archaïque et non sa domination ou son élimination. De même il sera à investir dans les âges suivants sans que ses acquis disparaissent pour autant. Ils arrive même que les apprentissages doivent se prolonger tout au long de la vie en fonction des environnements rencontrés. Il arrive aussi que des régressions renvoient au primaire ou à l’archaïque de l’humanité. C’est souvent le cas en situations de crises.

L’apprentissage des interactions avec les choses, les autres et ce qui constitue l’environnement existentiel construit l’individu qui en viendra plus tard à s’identifier comme partie prenante d’une société et d’un monde humain. Il y a un saut entre le faire et la représentation du faire entre l’acteur agissant et la représentation de l’individu dans un scénario culturel par exemple. Mais avant d’entrer dans ce nouvel âge après la traversée du seuil de l’adolescence. Il nous faut aussi envisager ce qu’est l’âge du faire pour des groupes humains, des collectivités et au-delà, des civilisations au stade primaire.

On peut déjà considérer que des communautés primaires sont des communautés d’interactions centrées sur le faire, la subsistance, la sécurité, la confortation individuelle et collective. Ce sont des sociétés primaires investies dans le court terme le fonctionnement collectif, les jeux de société ou jeux collectifs qui sont des jeux d’apprentissages mais aussi les jeux de la co-existence matérielles, corporelle, comportementale. On n’y construit pas encore des modèles explicatifs complexes mais on fait les choses sous la gouverne ou sous le guidage des affects. Le bien est bien faire et se sentir bien individuellement et collectivement. Les régressions archaïques y font quelquesfois dominer les passions alors que le développement primaire les pacifie en les investissant.

Ainsi tous les groupes humains, les collectivités, les sociétés, les organisation, les civilisations passent par ce stade primaire. Il passe quelques fois pour l’âge d’or de l’enfance alors que ses apprentissages sont une épreuve permanente et sans cesse à renouveler.

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052 – L’âge archaïque

L’âge archaïque est celui qui vient avant tous les autres. Il est celui où se constituent les soubassements, les «arches premières» de la personnalité. L’expérience y est entièrement affective, expérience sensible constituée d’un vécu, d’un éprouvé fait d’émotions, de plaisirs et de douleurs, de craintes, peurs et souffrances, plaisirs, jouissances, quasi extases. Tous les registres y sont vécu selon la singularité du conSensus parental, maternel, et ce qui sous-tend les situations vécues.

Un problème est celui du caractère inconscient de tout ce qui se constitue à cet âge, antérieur à toute expérience de séparation et de distinction, de toute expérience d’un corps propre en interaction, de toute expérience mentale bien sûr. De ce fait il n’y a pas de mémoire consciente de cette période. Et pourtant tout ce qui vient ensuite tout au long de la vie en est comme l’écho, le met en résonance, le raconte.

Dans l’âge archaïque la conscience distinctive de soi et du non soi n’est pas encore possible. Cela n’empêche pas un vécu mais qui n’est pas personnellement approprié. Il n’y a pas d’autre dans l’expérience et pourtant les autres sont là et tous leurs mouvements nous affectent, sans repères. On comprendra qu’il s’agit de l’existence propre de la personne en gestation pas de sa «réalité pour les autres». Au passage, elle se transforme avec les échographies qui tentent d’en saisir quelqu’écho. On peut se demander quelles traces cela laissera dans l’expérience archaïque vécue sans pour autant pouvoir en dire quoi que ce soit.

L’âge archaïque est celui, prénatal, antérieur à la naissance et l’épreuve de séparation, associé à la dialectique du soi et du non soi, de l’être et du non être, d’une toute puissance et d’une totale impuissance et expérimenté selon toute une gamme des affects. Agression terrorisante, satisfaction plaisante, émois modulés en résonances, communion d’être sereine et jouissance. Toutes les expériences prénatales se multiplient, se complexifient sans qu’aucune représentation distincte en fasse souvenir autre que résonance vécue, mémoire affective. Boris Cyrulnik dans son livre «La Naissance du  sens» pense que les premières images mentales distinctives apparaissent en fin de gestation. Il faut que l’expérience de séparation puisse avoir été vécue sinon rien n’est distinct ni distingué.

L’âge archaïque n’a pas d’histoire pour l’intéressé il lui est préhistorique, inconscient. Pourtant toute la vie en verra la traductions dans les autres registres de l’existence, corporel, mental, et aussi relationnel ou symbolique. Tout se passe comme si des situations homologues (mêmes Sens et conSensus) réveillaient les affects éprouvés selon des sensibilités forgées alors. Chacun réagi alors de façon différente en nature et en densité. C’est là que viennent se greffer trois questions.

Les résonances brutes qui nous submergent sans pouvoir les métaboliser en mode d’exister plus matures. Ce sont des réactions archaïques qui sont comme des racines pathologiques, nos passions primordiales, ce qui nous éprouve en l’éprouvant. Des régressions archaïques peuvent jalonner notre existence et peuvent nous y abîmer.

Comment d’âge en âge des maturités successives nous font passer de ces pathos à une maitrise progressive de notre existence, développement et accomplissement. C’est l’affaire de l’éducation selon les âges par exemple mais aussi culturellement selon le travail sur les mythes, les moeurs et les croyances qui racontent des scènes primitives du «commencement de la vie». Tout le développement humain y est inscrit, tant comme quête, comme maturation ou comme résolution de difficultés avec toujours leurs sources archaïques.

Comment les ressources archaïques structurent nos talents, nos handicaps, nos facilités nos difficultés, nos personnalités et, en définitive, nos potentiels de développement et de maturation.

Il se trouve que l’âge archaïque qui se construit en son temps et s’exprime tout au long de la vie est aussi bien celui de communautés humaines que l’on pourrait qualifier d’archaïques, préhistoriques ou simplement en gestation. Tout ce qui est appelé à «venir au monde» et construire son histoire passe par un âge archaïque. Cela est vrai pour nos projets, organisations, réalisations et toutes les réalités d’expériences humaines.  C’est là une source de connaissances, de compréhension et d’action que l’intelligence symbolique saura utiliser ou d’autres pratiques s’y ressourcer. Pour des rationalistes trouver dans l’archaïque émotionnel la source et la structure de toute entreprise humaine donc de toute rationalité est sans doute inquiétant. Une résonance à élucider sans doute.

Il est intéressant de comprendre comment les communautés humaines historiques ont leur préhistoire hors de leur conscience mais qui forme comme un inconscient collectif. Elles ont aussi leurs régressions dans l’archaïsme lorsqu’elles sont dominées par leurs passions et qu’au lieu d’une maîtrise de l’archaïque c’est une maîtrise par l’archaïque qui s’y développe. Les mythologies inspirées par des religions ou toutes autres projections des jeux de puissance ou d’impuissance, de paradis et d’enfers y ont toute leur place mais aussi les comportements aux finalités principalement émotionnelles. Gustave Lebon avec sa «psychologie des foules» en raconte le maniement que l’on a cru bon devoir ignorer en un temps où la Raison pensait pouvoir se débarrasser des passions. C’était ignorer l’inconscient qui nous structure et nier par exemple le fait communautaire ou le rôle des affects dans la construction et le développement humain et culturel. Ainsi nos sociétés dites évoluées on perdu la connaissance de phénomènes essentiels pour notre développement et notre accomplissement jusqu’à s’abstraire de l’humanité au nom du progrès humain. Comme l’attestait Lucien Jerphagnon (Les dieux ne sont jamais loin), même les scientifiques ont besoin de mythologie, non seulement pour grandir mais aussi pour exprimer les structures de l’inconnu. La conscience sensible reste aussi la condition de toutes les autres qui ne la supplantent pas mais la complètent en augmentant l’expérience humaine et ses réalités.

Ainsi on observera que le déni de l’âge archaïque dans son caractère structurant, son apologie au travers de régressions nombreuses et de pertes de conscience, son exaltation comme fondement même de l’existence en viennent tous à méconnaitre cette période de l’édification de l’existence humaine, individuelle comme communautaire. De là de nombreuses situations ou postures qui donnent à l’archaïque la main au détriment de la construction d’une maîtrise humaine de l’humanité. Cela est en question dans la plupart des situations de l’existence et notamment les plus impliquantes. C’est pour cela que le travail des âges de la vie est toujours aussi primordial pour les personnes, les communautés et les civilisations.

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051 – Théorie des âges

Les âges de la vie conjuguent à la fois une temporalité sans laquelle on ne pourrait parler d’évolution mais aussi un changement sans lequel rien n’évoluerait. L’observation n’est jamais qu’une interprétation de l’expérience selon les modèles culturels en vigueur. Il y a ainsi une question générale et des traductions culturelles ou même des interprétations exprimant le Sens qui les guide.

Pour nous l’évolution selon les âges correspond au déploiement de l’existence selon la structure de l’expérience humaine. Le cohérenciel va donc être la structure explicative des différents âges sur une trajectoire à dessiner. En effet l’existence est un déploiement de l’expérience du Sens en ConSensus, l’expérience de l’Instance humaine qui se réalise comme existence. Si la dimension intentionnelle est comme la source de la flèche du temps la dimension attentionnelle ou objective est celle de l’espace des distances. La dimension projective spatio-temporelle est la dimension historique de ce déploiement.

L’expérience existentielle se déploie à partir d’un centre selon ces trois dimensions et les plans qui les relient. Elle apparait comme une émergence, à la fois émergence de la conscience et émergence simultanée à la conscience de ses contenus. Or il se trouve que ce déploiement n’est pas seulement linéaire selon une échelle qui serait la trisectrice des trois dimensions mais spiralée comme si les différents plans se dépliaient successivement.

La spirale est comme une forme de déploiement de l’esprit-Sens, le mode d’incarnation temporelle de l’esprit dans une existence en devenir et selon une fin qui est d‘accomplissement. En effet la succession des âges n’est pas une simple augmentation selon un critère quelconque mais un processus où se joue une réalisation progressive, un développement existentiel en même temps que se prépare un accomplissement d’humanité. Il faut bien comprendre cela, chaque âge construit l’existence, prépare les suivants, et s’y trame un pas d’accomplissement de plus selon un chemin de révélation. La vérité ultime de l’homme révélé à lui-même se produit selon le devenir d’une vie dont la trajectoire ou la voie est le développement des âges. Un âge n’est pas alors un état mais une étape de développement humain dont la consistance et les enjeux sont spécifiques. C’est là que se jouent les problèmes et les situations de l’existence.

Mais nous avons vu que l’existence individuelle ne se réalise que dans et par un conSensus dans une existence collective, celle d’une communauté donnée et celle du monde que cette communauté réalise, monde occupé par les choses de la vie, tout ce qui constitue une expérience existentielle. Dès lors les âges de la vie sont aussi bien ceux des individus, ceux des communautés d’appartenance, ceux des activités ou organisations humaines, ceux même des choses et des mondes humains. Rappelons que nous pouvons dire cela lorsque les âges sont appréhendés selon le Sens de l’accomplissement humain. Une vision purement matérialiste par exemple ne verra que les transformations selon les lois de la nature des choses matérielles et notamment celle de l’entropie ou du désordre fatal en final.

Nous allons envisager les âges de la vie d’abord pour notre existence individuelle mais aussi en parallèle pour les phénomènes d’évolution des réalités humaines que sont communautés, organisations, civilisations, et toutes choses en ces mondes que nous vivons. Nous nous intéresserons d’abord à la succession des âges et leurs spécificités et dans une seconde partie à leurs conséquences en termes de développement humain l’enjeu de toutes nos activités individuelles et collectives. Avant de traiter pas à pas cette histoire de l’humanité il nous faut en dresser un tableau d’ensemble.

Au commencement, depuis une conception initiale, l’un et les autres sont indistincts et c’est dans une affectation mutuelle que se construisent les soubassements de l’existence personnelle. C’est l’âge archaïque dont l’existence n’est qu’affects. Il s’agit bien ici de la personne qui n’est pas encore «venue au monde». Ce premier âge est alors comme préhistorique, n’y ayant pas encore de conscience distinctive il n’y a pas d’en soi ni de durée pour celui qui va naître – au monde des autres déjà là.

Arrive cette venue au monde, ou naissance pour ce monde de la communauté. C’est une expérience de séparation où l’un et le deux traversent l’expérience pour faire un soi et un non soi. Le premier seuil de passage est la naissance, la venue au monde la séparation fondatrice et un ébranlement dont toute l’existence se fera l’écho.

Après vient l’enfance où l’expérience factuelle de la confrontation aux autres corps se joue dans le faire qui en forme les apprentissages. L’âge primaire ou âge du faire est en fait le premier âge de développement où la conscience et l’expérience réalisée grandissent, où grandir semble l’affaire principale.

Un nouveau seuil se présente celui de l’adolescence où une nouvelle rupture se dessine entre un temps de croissance sous protection et un temps d’individualité qui se veut indépendante pour être l’acteur de son existence. Liberté et sécurité sont les deux pôles des ambiguïtés à vivre. Seul un renoncement permettra de franchir le passage. Bouleversement comme au premier seuil, nouvelle séparation pour intégrer une société.

Vient ensuite l’âge des représentations où l’existence se construit de son identité dans le tableau du monde commun, d’une société avec les structures et formes de vie qu’elle s‘est données. La conscience mentale régit les places et les cadres de vie tant pour les construire que pour s’y placer, y avoir une place. C’est ce qu’on appelle souvent l’âge adulte ou âge secondaire où chaque individu fait sa place dans une société avancée en participant à ses activités.

Mais un nouveau seuil se présente pour ceux qui en sont arrivés là. C’est le seuil de maturescence. Nouvelle rupture entre une identité en place, bien cadrée et une remise en question des statuts et des normes par la singularité et le lâcher prise qu’une autonomie responsable réclame. La solitude ontologique en même temps que la dépendance reconnue d’avec la communauté des autres plongent l’existence dans un engagement communautaire.

Vient ensuite l’âge du Sens et des communautés de Sens, le temps des responsabilités spirituelles dans les enjeux communautaires, ayant reconnu qu’il n’y a pas d’autre existence que communautaire mais que celle-ci est sous notre responsabilité et donc notre liberté d’être humain.

Après l’âge archaïque ou «préhistorique» sont venus les âges de développement aboutissant à l’engagement communautaire de l’existence. Mais vont venir maintenant les âges du désengagement existentiel. La mort et la vieillesse ne sont ni maladie ni accident mais déprise progressive de l’existence pour en venir à l’être. Nous entrons dans un champ d’expérience qui n’est pas partagé par tous en tout cas lecteurs de ces lignes. Seules les religions ou autres traditions racontent des histoires qui nous dépassent, surtout pris dans les âges de développement. Aussi ce n’est pas toujours compréhensible si on n’en a pas quelque expérience, ce qui n’est pas absent de quelque recoin de notre existence on le verra.

Pour mémoire, s’il en reste, parlons de l’âge du dé-faire qui suit un seuil de retrait, d’un âge du dé-parler où l’implication dans les jeux d’identité et d’échanges mentaux (réflexions, conversations) se déprend, d’un âge du désaffecté où les relations se délitent comme si une indifférence aux autres et à soi préparait un seuil du dé-naitre. Cette dés-implication existentielle souvent mal comprise par de plus jeunes angoissés par cette perspective, n’est pas pour autant une dés-implication spirituelle mais d’une spiritualité ontologique, toute à l’être qui vient s’accomplir…

Il reste à souligner que chaque moment, chaque situation de notre existence se déploie selon cette même histoire que nous vivons et revivons sans cesse pendant que notre existence suit son histoire et ses âges, au sein de ceux de nos communautés, inscrites dans nos civilisations. Cette expérience, comme une structure fractale, se réalise à toutes les échelles simultanément. Mais à chaque moment nous le vivons à l’échelle de l’expérience où nous nous sommes focalisés.

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050 – L’Etre en devenir

Si le principe de toute réalité existentielle est Sens, en conSensus, alors son existence est devenir. Il s’agit bien de toute réalité existentielle sans exception, de l’existence humaine individuelle, de l’existence collective, communautaire, de l’existence de toute chose, de nos mondes et de l’univers mais aussi d’une pensée, d’une émotion, d’un évènement, d’un projet, d’une action, d’une entreprise.

Le devenir est compréhensible comme déroulement d’une existence dans le temps mais aussi comme développement selon l’espace existentiel. Le devenir est spatio-temporel et cela découle de l’anthropologie que nous avons déployée, de l’actualisation des conSensus en réalités réalisées et de l’émergence de l’espace et du temps selon cette actualisation. Nous aurons encore beaucoup à explorer concernant la question de cette actualisation des Sens en conSensus que nous voyons prendre toujours la forme d’un devenir mais aussi la question d’une activation de conSensus qui va nous permettre d’intervenir sur le devenir. La troisième partie des leçons portera justement sur les pratiques et leurs enjeux de l’agir humain. Auparavant il nous faut comprendre sur quel terrain cela s’opère qui est toujours un devenir. L’existence humaine et de toutes choses est devenir et l’action humaine est intervention sur un devenir.

Cette conception n’est pas si commune par exemple lorsqu’on se souciera surtout de survie ou bien de fonctionnement ou bien de construction ou bien d’emprise. On voit là que l’agir humain est sans doute corrélé quant à ses finalités et ses modalités avec le Sens qui est privilégié. En effet le devenir ne prend pas les mêmes visages selon les Sens; régression ou progression, conservation ou croissance, développement selon tels ou tels critères. Ce qui va nous occuper ici c’est de ce que signifie le devenir selon le Sens de l’accomplissement humain sachant qu’il y en a d’autres.

L’accomplissement humain est la finalité commune au devenir de toutes choses et de notre existence même. Un point de vue peu fréquent mais non sans références. L’univers aurait comme destinée l’accomplissement de l’humanité. Même chose pour chaque existence humaine y compris communautaire, pour chaque projet, chaque réalisation, chaque chose, chaque action donc aussi bien. Le devenir de toutes choses est ainsi une histoire d’accomplissement humain.

Nous retrouvons là la question du bien de l’homme inhérent à l’humanité et sa réalisation du monde mais aussi, bien sûr, son devenir.

Ce bien humain peut se résumer à : réaliser le monde selon un devenir qui débouche sur une révélation de l’homme, cette conscience symbolique, cette maîtrise humaine de l’existence. C’est là l’enjeu de toute vie humaine de toute réalité, de tout agir humain dès lors qu’ils sont engagés dans le Sens d’accomplissement. L’existence a pour fin de devenir pleinement homme en conscience et libre disposition de son humanité. En poussant l’analyse le devenir existentiel vise au devenir «être» humain. Il y a là une question qui vient. L’homme n’est-il pas un être dès avant de devenir, de s’accomplir ? La réponse est non, déjà sous le mode de la conscience d’être, de la libre disposition, et même de l’unité d’âtre qui ne va pas de soi. Cette question sera explorée dans le chapitre de l’accomplissement humain où on verra que c’est dans sa fin que s’accomplit l’humanité. Pour le moment il nous faut retenir que toute existence est engagée dans un devenir existentiel et que celui-ci a pour fin un devenir être. Cela est sous réserve que le Sens de l’accomplissement soit investi, le Sens du bien de l’homme, mais il y a en a d’autres que nous croiseront en chemin. En effet comme avec une boussole, le chemin suivi est toujours susceptible de prendre une autre direction et c’est pourquoi il faut emmener la boussole avec soi, ici un certain discernement des Sens et quelques repères du «bon chemin». Comme toujours, si on ne sait pas où on veut aller ni où on est, on n’a pas besoin de boussole. Il faudra alors que quelque compagnon nous prenne par la main en chemin. Mais c’est pour se guider et guider les autres que les repères sont nécessaires et que la conscience de leur Sens est indispensable, d’autant plus que le Sens nous le sommes et la visée est nous-même comme être en devenir ou comme existant en devenir être, homme à accomplir.

La caractéristique du devenir est de se traduire par des âges de la vie ou de l’existence qui marquent une certaine progression dont la consistance significative change d’âge en âge. Lorsque le devenir est orienté dans le Sens de l’accomplissement humain alors il se déroule dans le temps selon une série de périodes où s’augmente la réalité existentielle selon la spécificité de chacune. Elles sont aussi séparées par des seuils de passage d’âge en âge. Chaque seuil fait passer d’un mode de développement existentiel à un autre. Ce sont des progressions successives qui balisent la trajectoire existentielle avec chacune une consistance spécifique, comme un changement d’existence, presque une renaissance mais aussi une mort à un temps révolu. En fait chaque âge construit sa part de l’existence que les suivantes complèteront. D’âge en âge c’est le développement humain qui se réalise mais comme il n’est pas à lui-même sa propre fin, il la trouve dans l’accomplissement tel que nous l’avons déjà évoqué. Si l’existence est vouée au développement, sa finalité reste l’accomplissement humain. On l’a vu, la réalité s’augmente par le déploiement de modes de conscience et de re-présentations, ce que l’on appelle développement, pour aboutir à cette conscience symbolique révélatrice de ce qui est source du développement : le Sens en conSensus, l’humanité de l’homme qui se révèle après s’être réalisée. Ainsi le devenir n’est pas une fin mais un moyen de révélation et d’accomplissement de l’être en nous.

Nous allons donc explorer les âges de la vie, leur consistance et phases de développement spécifique, les seuils de passage et leurs problématiques, et ce tant pour chaque personne que pour les communauté humaines, pour les organisations, les civilisations, les situations, les actions, toutes les réalités d’expérience humaine.

Pour cela il nous faudra comprendre la dynamique historique de l’existence qui se déploie selon une certaine séquence et comprendre les enjeux et les modalités de chaque âge et seuil de transition tant pour le développement que pour préparer l’accomplissement humain.

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049 – Le Sens du bien humain

Pour conclure cette série de leçons sur les positions d’être, de vie, d’existence il nous faut avancer sur la reconnaissance d’un Sens du bien humain parmi tous les autres.

Tous ces Sens sont présents en nous, en notre Instance et nous sommes appelés à nous tenir dans l’un ou l’autre, ce qui prête à conséquence tant pour les autres avec qui nous sommes en conSensus que pour le monde commun que nous réalisons. Se dessine un panorama des possibles parmi lesquels la question du bon Sens, du Sens du bien humain se pose et nous allons la reprendre avec les éclairages précédents.

Cela n’épuisera pas la question qui est posée ici pour l’humanité et notre participation à cette humanité universelle. Elle se posera aussi de façon plus proche de nos existences lorsqu’il faudra l’envisager, dans les communautés où nous vivons avec le Sens du bien commun, dans les situations particulières que nous vivons, dans la conduite de notre existence personnelle. Tout ceci sera approfondi ultérieurement.

Les explorations précédentes nous ont montré que trois des Sens que nous portons sont ceux du pire pour l’humanité et que à l’inverse trois autres Sens sont ceux du meilleur. L’histoire de l’humanité est aux prises avec la conversion du pire vers le meilleur. Les penchants originels sont à renverser pour accomplir l’humanité en nous. En fait ce qui caractérise les Sens du pire c’est justement l’abolition de l’humanité en nous, commençant évidemment pas son déni. A l’inverse les meilleurs Sens se rapprochent du Sens de l’accomplissement de l’humanité en chacun et en tous. Mais cela c’est le Sens d’une histoire celle de l’humanité qui tend vers la maîtrise d’elle-même, de l’humanité en nous et ainsi son accomplissement. Participant à cette histoire dans ce Sens nous participons à faire advenir l’humanité accomplie c’est-à-dire en pleine possession d’elle-même tant en tous qu’en chacun. Mais cette histoire humaine est une traduction du fait que l’homme est un Etre de Sens. Sans conscience l’être n’est rien, orientation pure comme une girouette entièrement conditionné. La maîtrise est celle non seulement de la pleinitude de son être mais aussi de sa participation aux conSenus et aux mondes existentiels que notre expérience réalise. Cet accomplissement est conscience d’être, liberté de choix de Sens, et capacité de maîtrise des consensus partagés et des mondes et réalités existentielles que nous vivons. Dès lors, on le verra, l’existence comme expérience réalisée est la médiation d’un processus d’accomplissement humain. Elle trouve sa fin en l’homme qui ainsi se révèle en se réalisant.

Devenir pleinement homme c’est cela, accomplir son humanité en soi dans la participation à l’histoire de l’humanité. L’homme est un être en devenir qui n’est pas donné d’emblée à sa propre maîtrise. Celle-ci s’éprouve dans l’existence, se développe, muri depuis une origine où les penchants sont autres et par les conversions qui assurent l’accomplissement de l’être. Alors revenons aux Sens du pire et du meilleur.

Les trois Sens du pire sont comme un «tripallium» sur lequel l’homme est soumis au régime de sa soumission totale aux conditions de son existence, où son humanité est en conflit avec sa révélation possible avec l’être en lui-même. Il est comme condamné aux travaux forcés de l’existence, au travail peine lutte pour la survie.

A l’inverse les trois Sens du meilleur sont comme un «tripalis» grâce auquel l’homme construit par son travail d’humanité, tant l’oeuvre humaine dans le monde que l’accomplissement de son humanité. Il est le co-réalisateur du monde par lequel il s’accompli, il devient pleinement homme.

Les trois Sens du pire

Le Sens de la régression se trouve être celui du fatalisme matérialiste voué au hasard et la nécessité, à la lutte contre toute altérité et à la culpabilisation. La lutte contre le mal est sa condition de survie, le mal en soi, le mal en l’autre.

Le Sens de la conformité est celui des structuralismes, rationalismes et autres conceptions où des formes à priori conditionnent radicalement toute existence. Ainsi les normes déterminent les normalités. Tout originalité ou singularité est vouée à l’anormalité, une maladie croit-on ici. Reste à suivre les procédures, les règles, les dogmes, pour éviter l’anormalité et sacrifier au conformisme selon les cadres établis.

Le Sens de l’individualisme est celui de la spéculation, d’un égocentrisme qui tend à capter à son profit le monde et les autres les réduisant à une ressource à utiliser. Au lieu d’exprimer l’être il s’identifie à ses propriétés, ce qu’il a, son avoir et ainsi à des représentations de lui-même. Il fait de son individualité, seconde, le critère de l’être qu’elle n’est pas. C’est le moteur de son insatiable quête.

Qu’avons nous trouvé à l’approche de ces Sens ? :Les situations de dégradation, d’involution et de conquête; les démarches de traditionalistes, de compétition, et de recherche du succès; les logiques de puissance et possessions, des systèmes naturels, des raisons idéales. Des postures existentielles sont au voisinage; dominatrice, supérieure, protectrivce, mineure, méritoire, victimaire. C’est cette dernière qui est à la croisée des trois celui qui se fait victime du tripallium et, par ses postions d’être, en vient à se défaire de son humanité sous le prétexte que ce sont les autres, le monde, les conditions qui le déterminent entièrement. Le contraire de l’accomplissement humain et de la maîtrise de son humanité.

Les trois Sens du meilleur. 

Le Sens de la progression humaine est celui de l’élévation de l’humanité et des hommes par la réalisation des richesses humaines. Le cercle vertueux de l’exercice des qualités et valeurs qualifient et valorisent dans un cheminement de progrès humain incessant. Nous en verrons les étapes avec les âges de l’humanité. L’homme debout est un homme en devenir. Il est mu par le désir de réaliser les richesses d’humanité.

Le Sens de l’autonomisation est celui de la manifestation des potentiels personnels, de la créativité et des originalités personnelles. L’essence de l’homme ou son être essentiel s’expriment par une existence authentique dont la singularité est le gage de l’autonomie possible. Il est mu par la foi en l’être, en soi et en l’homme.

Le Sens de la participation responsable est celui de l’engagement communautaire et de la poursuite du bien commun. Participer à la vie commune, à l’existence partagée, c’est être impliqué dans les enjeux communs pour le bien de tous et de chacun. Il est mu par le partage d’un existence commune.

A la croisée des meilleurs Sens se situe le Sens de l’accomplissement humain qui conjugue aussi culture, développement, innovation. L’accomplissement de l’homme, sa révélation se jouent dans une histoire à construire et non à subir. Cette histoire réalisant le monde de l’humanité en fait le vecteur et le véhicule de la révélation de cette humanité en l’homme et en soi même. Une posture seulement se trouve engagée au centre de cette trajectoire, la posture magistrale. La maîtrise de l’humanité de l’homme et ses traductions existentielles est le repère de l’accomplissement humain. Cette maîtrise se joue dans les autonomies, les responsabilités, les compétences humaines et ce dans toutes les situations de l’existence. Encore faut il que le travail de conversion des penchants originels puisse se faire. C’est justement un des rôles des postures magistrales d’y aider les autres tout en poursuivant leur propre chemin, en accomplissant leur vocation d’être humain. Il faut ici souligner que la notion de maîtrise ici ne signifie aucune emprise, aucune puissance, aucune gloire. Lâcher prise, humilité, co-dépendance font partie on le verra le moment venu des vertus nécessaires.

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048 – Logiques de situations

Les réalités existentielles sont le fait de conSensus entre les instances humaines. C’est une des bases de l’Humanisme Méthodologique. Une des conséquences est que toutes les situations sont aussi des situations relationnelles, communautaires par exemple. Les positions d’être, positions de vie correspondent aussi à des Sens qui supportent à la fois des finalités et des conSensus relationnels. Les relations font-elles les situations et les situations les relations ? D’autre part les relations humaines sont des relations d’altérité où l’autre est à la fois partie prenante du conSensus mais aussi plus que cela en son Instance. On découvrira que des complémentarités relationnelles vont aussi avec une communauté de finalités (Sens). On en verra ici quatre exemples associant finalités des situations et complémentarité relationnelle. Les situations humaines impliquent des postures et des relations qui en sont à l’origine et y sont entretenues. Les finalités et critères du bien spécifiques les orientent à tel point aussi que ce qui est bien pour les uns est mal pour d’autres. Quel bien est cultivé quel mal combattu ?

L’homme debout se retrouve ici dans une logique d’élévation qui poursuit le développement des qualités et valeurs humaines et donc la culture du bien humain. A l’inverse, sur la défensive c’est la lutte contre le mal et un jeu de culpabilisations des autres ou de soi qui est engagé dans un cercle vicieux. Humanisme progressiste contre matérialisme fataliste.

L’autre dialectique est ici celle de l’individualisme égocentrique soucieux d’une liberté arbitraire et engagé dans des situations de captation pour son bien, à l’opposé d’une logique de responsabilité communautaire de participation à la poursuite du bien commun. A leurs croisements quatre moteurs et finalités des engagements humains.

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Les quatre finalités et logiques relationnelles

L’involution

Cette tendance est celle de la recherche d’une situation protectrice, sécuritaire, le retour à un cocon avec les figures de l’enfance. Pour la position mineure la visée ce sont des situations où il n’y a pas de responsabilité directe, pas d’obligation, pas de risque ni de danger dans la mesure où on reste dans le giron d’une puissance protectrice qui assure confort et sécurité. On notera que la puissance protectrice partage la situation de non risque et de stabilité dans le milieu protecteur quelle constitue. Le milieu protecteur peut être associé à une communauté dans la mesure où l’individualisme n’y a pas sa place mais l’indifférentiation en est le prix. Les milieux communautaires peuvent être recherchés pour cela familles, écoles, groupes de proximité. Une conception de l’Etat providence et protecteur favorise une position de minorité des individus. Infantilisation contre promesse protectrice tel est le contrat relationnel de l’involution.

À l’inverse

La conquête

La mobilisation pour une visée idéalisée caractérise ici les situations de conquête. Un leader en position de supériorité incarne l’image ou la cause qui consistent toujours à atteindre une situation nouvelle idéalisée. L’identification des individus à la cause et à son représentant portent une promesse de valorisation gratifiante. La mobilisation est grande et la prise de risque se situe surtout dans la concurrence. Les jeux d’image mobilisateurs prennent une grande place dans les situations de conquête de nouveaux espaces, de nouvelles gloires, de nouvelles gratifications identitaires. Evidemment la cause justifie les engagements militants et les résultats. Son système de valeurs ignore les autres possibles. Projets, entreprises, aventures, réussites, nouvelles frontières peuvent être des situations de conquête. L’identification et la mobilisation font contrat relationnel sur un gage de bonne image et de bonne conscience avec un enjeu méritoire.

La dégradation

L’individualisme des uns insupporte l’individualisme des autres et crée une insécurité dans un contexte de nécessités jugées impératives, vitales. Pour les uns dominateurs, il faut établir une emprise sur les autres et sur la situation pour éliminer le risque éprouvé et pour cela rejeter ou dénier toute altérité. Pour les autres en position victimaire, il faut repousser, dénoncer, menacer, diaboliser, la source du danger qui de ce fait se comporte en dominateur. Les dominateurs se disent aussi victimes et les postures victimaires montrent les dents. Cette inversion des discours, auto-manipulatoires d’ailleurs, envenime la situation en aggravant l’insécurité et les réflexes dénégateurs à l’égard d’autrui. Il sèment une confusion qui fait la confusion des individus et qui accroit leur insécurité en dehors des postures menaçantes. Ainsi des amalgames se constituent autour d’une pulsion aggressive de menace, au fond provocatrice d’une violence aux effets ambigus mais toujours destructeurs pour tout le monde.

À l’inverse

Le développement

Pour l’homme vivre c’est devenir et ce devenir personnel se joue dans l’existence communautaire comme un développement. Ce développement est donc simultanémant personnel et communautaire c’est à-dire aussi culturel. Le développement est l’augmentation des réalisations humaines vers une plus grande maîtrise de son existence. Comme on le verra cette maîtrise s’acquière au travers de la participation active au développement du monde humain dans ses différentes cultures et s’exerce par la prise de responsabilité dans les voies de ce devenir. Les positions d’autorité (qui signifie augmenter) consistent à exercer cette maîtrise du développement dans les affaires humaines par le développement des hommes. La position magistrale entraine des positions d’engagement dans ces projets de développement. Les entreprises humaines sont le théâtre des engagements dans des processus de développement communautaires sous l’autorité de responsables qui tiennent des positions magistrales comme le maître avec l’élève ou disciple ou encore le dirigeant avec ceux qui se sont engagé avec lui.

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047 – Logiques d’action

Une question des plus opaques tellement les milieux de vie favorisent les processus conventionnels et renvoie dans l’exception tout ce qui est créativité, tout en le mettant dans des cases, celle du spectacle, de la mode ou celle de l’aventurisme. Du coup des tensions apparaissent entre l’émergence d’une logique d’innovation et l’obsolescence d’autres logiques plus familières. La conséquence est l’effet de dysfonctionnement, d’inefficacité, des méthodes et pratiques anciennes qui apparaissent rétrogrades alors qu’elle étaient déclarées modernes jusque là. C’est le signe d’une mutation de civilisation où les processus qui se dessinent impliquent les communautés, la créativité, l’autonomie, la singularité après un temps où a régné le standard, la reproduction des modèles et enfin un chacun pour soi compétitif. Du coup ce qui ne faisait pas question avec les rationalités formelles se révèle incapable de maîtriser les enjeux nouveaux.

Les positions et logiques d’action praxéologiques*, s’appuient sur deux des dialectiques des positions de vie explorées antérieurement. L’une oppose individualisme et responsabilité qui sont ici sous le mode spéculation captatrice contre participation communautaire. Elle traverse par exemple l’univers économique. La spéculation financière ou celle de la revendication de plus de bénéfices pour moins d’investissements sont interpellés par une logique de participation communautaire de co-construction, de concertation, de coopération, de concourance ou l’implication dans les enjeux communs est le gage d’une action fructueuse. Reste que les processus communautaires ont été évacués de la culture de ce pays et donc ignorés passant pour une nouveauté inouïe alors que des traditions en ont aussi témoigné mais ont été chassées par la modernité.

L’autre dialectique oppose la logique créatrice à la logique de reproduction des normes et modèles, la conformation aux procédures, l’application des règles faisant du conformisme le gage d’efficacité reproductrice. L’innovation et la créativité y apparaissaient comme un désordre, une anomalie. L’action comme expression de potentiels, comme processus de création singulier, s’inspire des arts sans rester obligatoirement dans l’exception marginale. L’autonomisation, la liberté responsable en font le support d’une voie nouvelle de l’action à la fois personnelle et communautaire avec l’innovation

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Les quatre positions et logiques d’action.

La tradition

Chacun trouve sa place en reproduisant des comportements, procédures, règles dans un contexte social, communautaire, culturel qui se trouve ainsi engagé dans sa propre reproduction. La tradition est ici l’ensemble des pratiques d’une communauté culturelle, valeurs et façons d’agir qu’il s’agit d’adopter pour en perpétuer les moyens d’existence et les productions. Les modèles industriels et bureaucratiques et les organisations qui privilégient leur continuité, leur pérennité comme seule ambition établissent les moyens de reproduction par la transmission des savoirs et des savoir faire. L’école et l’organisation des activités collectives structurent la vie utile des hommes dans les rôles qui leur sont assignés selon les normes établies.

À l’inverse

Le succès

Il s’agit d’une logique de succès individuel conjuguant le jeu spéculatif de la chance (tirer le bon numéro) conjugué avec quelque richesse personnelle originale qui justifie ce coup du sort. Dans le monde contemporain les figures du vedettariat, la vanité des pouvoirs, fournissent un modèle d’action très particulier. En effet le succès dépend de potentialités singulières qui ne renvoie qu’aux atouts personnels ou sociaux donc inimitables, et d’investissements spéculatifs qui justifient les résultats par la chance, donc non reproductibles. Le paradoxe c’est qu’il n’y a pas de lien entre l’acte et son produit, la mise et le gain obtenu sauf par intervention sur le hasard, sur le sort par l’effet d’un pouvoir magique. Le héros qui détiens ces pouvoirs peut intervenir sur le sort qui lui apporte le succès. Puissance et séduction, spéculation et pouvoirs, telles sont les équations du succès.

La compétition

Dans le cadre des règles et des modèles existants la compétition met en concours les individus pour sélectionner les meilleurs. Obtenir les meilleurs résultats par l’exercice maîtrisé des règles et procédures, dans les cadres établis selon les modèles de pensée et d’organisation établis tel est l’enjeu. Se développe alors une méritocratie qui n’a pas de considération pour ceux qui échouent dans les épreuves de sélection ou ne sont pas au niveau des meilleurs. Tirer son épingle du jeu dans un monde aux structures bien établies ne donne valeur qu’à la réussite individuelle et à la reproduction des modèles normatifs. La compétition cultive un individualisme et un conservatisme, indifférents au bien commun quel que soit le milieu comme par exemple le marché, l’Etat, telle organisation ou institution. Elle est à la base de tous les corporatismes.

À l’inverse

L’innovation

Elle conjugue la créativité et les potentiels personnels avec une inscription dans un processus communautaire. La méthode, participative, n’est pas la conformation à un modèle collectif mais à un processus de conjugaison des originalités. Ainsi l’autonomie et les potentiels personnels sont engagés dans une autonomie et des potentiels culturels qui n’en sont ni l’addition si la soustraction. En effet la pratique personnelle, originale, s’exerce dans un contexte collectif pour constituer une pratique collective et celle-ci n’est rien d’autre que la conjugaison des pratiques personnelles. Ainsi toute action est innovation par l’originalité des investissements personnels et culturels. Elle s’inscrit dans un Sens du bien commun et le conSensus correspondant pour traiter des situations qui sont toujours singulières.

* Praxéologie ou science de l’action humaine. Citation de wikipédia :

«La praxéologie traite de l’action humaine en tant que telle, d’une façon universelle et générale. Elle ne traite ni des conditions particulières de l’environnement dans lequel l’homme agit ni du contenu concret des évaluations qui dirigent ses actions. Pour la praxéologie, les données sont les caractéristiques psychologiques et physiques des hommes agissants, leurs désirs et leurs jugements de valeur, et les théories, doctrines, et idéologies qu’ils développent pour s’adapter de façon intentionnelle aux conditions de leur environnement et atteindre ainsi les fins qu’ils visent. » (Ludwig von Mises, L’Action humaine, 1949)